France

Vote obligatoire, vote blanc: modernisons notre démocratie!

Temps de lecture : 5 min

Une lutte efficace contre l'abstention passe par l'introduction du vote obligatoire à toutes les élections. En parallèle, il faudra comptabiliser le vote blanc dans les suffrages exprimés afin de donner plus de poids à cette «abstention civique».

Le second tour de la présidentielle 2012 au Lycée français de Londres. REUTERS/Luke MacGregor.
Le second tour de la présidentielle 2012 au Lycée français de Londres. REUTERS/Luke MacGregor.

L'abstention est le fléau d'une démocratie représentative fondée sur le suffrage universel direct. Après une forte participation à la présidentielle 2012, elle s'est rappelée à notre mauvais souvenir lors des législatives (43% et 45% d'abstention aux deux tours) et encore plus fortement lors des partielles de l'an dernier.

Et malheureusement, en ce début d'année 2014, près de 3 millions de nos concitoyens ne se sont pas inscrits sur les listes électorales alors qu'approchent les élections municipales puis européennes. L'abstention aux secondes, qui frôlait les 60% en 2009, pourrait atteindre des records désolants.

Nous devons également faire face à une autre pathologie de notre démocratie, pourtant viscéralement attachée à la Liberté, à l’Égalité et à la Fraternité: la montée des extrêmes, par l’intermédiaire d’un vote présenté comme «sanction» à l’encontre des partis de gouvernement. Montée que la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 nous avait déjà révélée il y a plus de dix ans.

Conquête révolutionnaire des générations qui nous ont précédés, permettant à tous —à l'ouvrier comme au bourgeois, aux femmes comme aux hommes— de pouvoir voter, le suffrage universel a longtemps été considéré comme le seul moyen de dégager une volonté nationale et d’esquisser les contours d’un projet républicain d’envergure. En ces temps de crise, il devrait être perçu comme le meilleur outil pour imposer une orientation forte et résolue des forces vives de notre pays vers l'avenir.

Les partis devront changer leurs campagnes

Il est inscrit en toutes lettres sur les cartes électorales: «Voter est un droit, c’est aussi un devoir civique.» C’est la raison pour laquelle nous proposons que les mécanismes de démocratie participative et délibérative existants soient couplés avec l’introduction d’un vote obligatoire à toutes les élections, y compris professionnelles. Celui-ci participerait d’une vaste campagne d’éducation civique, visant à redonner goût à la participation politique —dès lors qu’elle aura retrouvé un sens—, lui permettant ainsi d’être regardée comme plus légitime.

L’instauration du vote obligatoire inciterait les partis à modifier la trajectoire de leurs campagnes électorales: ils ne pourront plus construire leurs programmes sur le simple rejet des partis concurrents et devront proposer de véritables orientations politiques s’adressant à l’ensemble de l’électorat. En effet, l’ensemble des groupes sociaux se mobiliserait, obligeant ainsi les représentants à prendre en considération les préoccupations de catégories sociales —souvent délaissées— ne participant habituellement pas aux élections.

D’un point de vue pratique, une sanction pénale, allant du blâme à une amende de 100 euros, s’appliquerait à tout citoyen réfractaire, sauf s’il apporte la preuve de son impossibilité de voter par procuration ou en cas de force majeure. Des interdictions de nomination, de promotion ou de décoration par les pouvoirs publics seraient prévues en cas de récidive.

Aller plus loin sur le vote blanc

Pour autant, la lutte contre l’abstention ne peut être uniquement menée ainsi. Une démocratie accomplie doit impérativement savoir allier devoirs et droits.

En effet, il nous faut comprendre quels sont les germes de l'oubli qui conduisent certains d'entre nous à négliger le droit de vote en refusant d’en faire usage. L'hostilité à l'encontre d'un système tenu pour corrompu, le sentiment que le vote ne change rien et que les élus ne sont pas représentatifs, l'indifférence à l'égard de la politique? La liste n’est malheureusement pas exhaustive.

En réalité, quel est le moyen pour ces citoyens d'exprimer leur mécontentement, si ce n’est par l'abstention et le «vote sanction» en faveur des partis populistes? Certains se déplacent dans l'isoloir pour pratiquer «l'abstention civique» en y glissant un bulletin blanc, mais leur message est-il entendu? Permettez-nous d’en douter…

Fort heureusement, les bulletins blancs seront prochainement séparés des nuls dans le décompte des suffrages. Nous saluons cette avancée notable mais nous proposons d'aller plus loin: le vote blanc doit être comptabilisé dans les suffrages exprimés, permettant de responsabiliser davantage à la fois l'électeur et l'élu. Ainsi, l'électeur ne souhaitant pas porter son vote sur tel ou tel candidat pourra exprimer son insatisfaction à l’égard du choix qui lui est proposé.

Plus de seconds tours, voire de nouvelles élections

Comment se dérouleraient alors les élections? Et surtout, en quoi l'intégration du vote blanc dans les suffrages exprimés ne bloquerait-elle pas le système électoral?

Pour les élections à la représentation proportionnelle (régionales, en partie sénatoriales et municipales dans les villes de plus de 1.000 habitants), seul le quotient électoral serait modifié par une telle mesure.

En revanche, en ce qui concerne les élections au scrutin majoritaire à deux tours (législatives, cantonales et municipales dans les villes de moins de 1.000 habitants), la comptabilisation du vote blanc dans les suffrages exprimés ne bouleverserait probablement pas le résultat du premier tour mais élèverait le seuil de la majorité absolue, multipliant ainsi le nombre de seconds tours. Si les bulletins blancs obtenaient la majorité relative lors du second tour, une nouvelle élection devrait alors être organisée au cours des semaines suivantes.

Pour l'élection présidentielle, serait élu le candidat arrivé en tête au second tour, obtenant plus de voix que le nombre de votes blancs. Pour ce faire, l'article 7 de la Constitution sera modifié, le président de la République devant actuellement être élu à la majorité des suffrages exprimés.

En ce qui concerne le référendum, un texte ne pourra être adopté que si le nombre de bulletins «oui» est supérieur à celui des «non» et des blancs réunis.

Ce nouvel équilibre entre droits et devoirs civiques —enrichi par l’instauration du vote obligatoire et une meilleure prise en compte du vote blanc— permettrait enfin à notre système démocratique de se moderniser.

Les membres fondateurs du Cercle des Nouveaux Réformistes (CNR)

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