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«Digital Citizen»: un manuel de résistance du citoyen connecté

Temps de lecture : 3 min

Ne versant ni dans l’angélisme, ni dans la diabolisation d’Internet, le livre de David Lacombled «Digital Citizen» donne des clés très actuelles sur les moyens, pour le citoyen, de se faire reconnaître et respecter

Settimana Internet @ Roma - 25 giugno, Internet e Anziani / codiceinternet via Flickr CC Licence By

Pédagogie, clarté et sens de l’anticipation: Digital Citizen (Plon), de David Lacombled, sait sortir le citoyen lecteur du monde jargonesque dans lequel les professionnel de la «com’» numérique aiment, consciemment ou inconsciemment, s’enfermer pour mieux faire valoir leur supériorité.

Rien de cette prétention, dans le livre de ce connaisseur de ces milieux (David Lacombled est directeur délégué à la stratégie de contenus d’Orange et président du think tank La villa numeris) ce qui est déjà un gage d’accessibilité très appréciable pour le citoyen, consommateur de médias comme on dit aujourd’hui, qui sait déjouer les artifices que les gourous de la communication ont tendance, a posteriori, à théoriser.

Le livre de Lacombled est construit comme un guide, il nous emmène dans les bouleversements qui rebattent les cartes de tous les secteurs de la vie publique (culture, relations internationales, éducation, économie…)

Dans le secteur des médias, chaque support traditionnel peut, écrit-il, tirer favorablement parti (à défaut de tirer profit) de la version numérique de son titre. La thèse est à la fois réaliste et optimiste, tant paraît inéluctable cette mutation des médias, qui a l’allure d’une marche accélérée. L’ouverture au «public citoyen» est bien sûr facilité par l’outil lui-même, même si l’auteur prend bien garde de ne pas «déifier» la technique, ni d’en faire l’alpha et l’omega de toute la réflexion sur la société.

Oui, Internet donne une place de choix aux citoyens qui, sans devenir journalistes (comme certains donneurs d’illusion ont pu le faire croire), peuvent devenir informateurs et débatteurs. Non, Internet ne va pas pour autant résoudre tous les problèmes que le principe de transparence exige de traiter.

Culturellement, l’ère du numérique pose même quelques questions aigues. On voit bien, facilités par l’outil, les effets de l’accélération des flux et du rétrécissement des formats, où le jeu est de dire le plus vite possible, en 140 signes maximum, quelque chose qui ressemble à une réflexion sensée. Et une réflexion durable?

La question n’est même plus vraiment celle là, dans le monde de la «twitterisation» des messages. Il n’est pas moins vrai, et le livre de Lacombled nous permet cette perspective, que l’outil n’est pas à lui seul le phénomène et que «la dictature de l’urgence», comme l’a écrit Gilles Finchelstein, n’a pas attendu les comptes Twitter pour organiser son emprise.

Illusions d’optique

Digital citizen garde ainsi la distance qui permet la bonne analyse. Oui, l’Internet recèle de bonnes et de mauvaises choses, le tout et son contraire, des pépites d’intelligence disponible comme des poubelles à ciel ouvert. L’outil ne doit donc pas être l’objet qui cristallise toutes les critiques sur les temps présents ou les déviances de l’humanité. David Lacombled est fondé à dénoncer les fréquentes illusions d’optique:

«A l’instar de tout média qui émerge, Internet passe sous les fourches caudines des critiques et des grincheux qui lui reprochent tous les maux».

Ni angélique, ni diabolisateur, ce livre est d’un maturité très actuelle, celle d’une génération qui, elle-même, est devenue «digitale» sans y trouver une raison de glorifier sa relation au passé sans Internet, ni même à une vie sans Internet. Une génération ou une époque, qui apprécie tous les usages du numérique, à la fois subtiles et ludiques, nombreux et diversifiés, et qui apprécie aussi, comme toute bonne chose, son non usage: arrêter quelques instants les écrans (d’ordinateurs, de TV, et de l’iPhone), cela fait beaucoup de bien! Et les deux éléments d’appréciation ne sont pas contradictoires.

Ce livre, avec son manifeste «Pour une citoyenneté numérique», nous donne enfin, et peut-être surtout, les clés qui permettent d’envisager une citoyenneté plus active en ce domaine, où les grands opérateurs mondiaux semblent pouvoir manœuvrer à volonté des citoyens-clients bien démunis ou naïfs. Ce manifeste permet de tracer une ligne prospective particulièrement opportune, avec ces trois mots-clés: «résister», «comprendre» et «créer».

Avec ce postulat, sur lequel nous pouvons nous arrêter pour conclure: «Résister, d’abord et avant tout», nous dit cet auteur qui met la vigilance au centre des vertus civiques, car «il est primordial de ne pas se laisser dicter la loi par la machine, les réseaux, les applications, les logiciels… si sophistiqués et utiles soient-ils». Et d’ajouter:

«Avoir l’esprit de résistance, c’est ne pas laisser son existence être définie par d’autres. Il convient d’être toujours en éveil et de garder son libre arbitre face aux raccourcis».

Rappeler ainsi les leçons de l’histoire nous met en «éveil» pour mieux faire vivre, à l’avenir, par une meilleure régulation d’Internet par les démocraties, cette citoyenneté naissante qui méritera sans doute d’être beaucoup mieux reconnue et organisée.

Jean-Philippe Moinet

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