Dimanche 7 avril, les Alsaciens sont appelés à voter pour ou contre la constitution d'un Conseil unique d'Alsace. Les sondages donnent le oui gagnant à ce référendum visant à fusionner le conseil régional d'Alsace et les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
Et si le Conseil unique d'Alsace préfigurait la France de demain? En rassemblant la région, les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin en une seule institution, l'Alsace ne prendrait pas qu'un simple virage institutionnel. Elle instaurerait une nouvelle gouvernance et un nouveau rapport entre collectivités territoriales et Etat.
Nouvelle gouvernance parce que le Conseil unique d'Alsace devrait en toute logique permettre une rationalisation des coûts de fonctionnement de notre administration publique régionale et mettre fin à de nombreux gaspillages dont les citoyens sont les premiers à pâtir.
Les collectivités, et plus particulièrement les départements, sont en effet en proie à des difficultés financières croissantes en cette période de crise économique et financière profonde. Les dépenses doivent dès lors être rationalisées, mutualisées et les gains réalisés réorientés vers de véritables politiques solidaires, durables et innovantes à destinations des populations.
C'est là un premier enjeu de ce Conseil dont les attributions réelles devront encore être définis par la loi au cours de cette année et auxquelles il faudra veiller.
Toujours en matière de gouvernance, cette nouvelle institution devrait également simplifier le «mille-feuilles administratif territorial», source de nombreuses lourdeurs, tant pour les citoyens et associations que pour le monde de l'entreprise. En réduisant le nombre d'interlocuteurs, c'est en effet l'ensemble des procédures administratives, d'implantation et de développement économique, nécessaire à la relance de l'emploi, que l'on simplifie.
Mais au-delà, ce passage à un Conseil unique augure d'une nouvelle relation à l'Etat. Car s'il n'est ici pas question d'engager l'Alsace vers l'autonomie ou l'indépendance, c'est bien de l'avènement d'un nouveau rapport d’exercice du pouvoir, plus égalitaire entre Paris et notre région dont il est aussi ici question.
C'est notamment le moyen pour elle de faciliter son plein développement à 360 degrés au sein d’une Eurorégion française, avec ses partenaires allemands et suisses.
Les prérogatives en matière de coopération transfrontalières, jusque-là dévolues à l'Etat, devraient, dans le cadre de la loi de décentralisation III dans laquelle s'inscrit le développement du Conseil unique d'Alsace, être transférées à l'échelon régional. A l'heure de la construction des eurodistricts «CUS-Ortenau», «Pamina» et «Région Freiburg/Centre et Sud Alsace», la constitution d'un Conseil unique devrait ainsi permettre une meilleure gestion directe de ces dossiers avec nos partenaires rhénans.
Une meilleure coopération transfrontalière dont pourrait parallèlement bien également profiter Strasbourg en y confortant le siège du Parlement européen. Car, à l'heure où François Hollande vient d'annoncer que la capitale parlementaire de l'Union devrait se voir doter d'un statut d'Eurométropole, au même titre que Marseille, Lyon et Lille, Strasbourg devrait très certainement prendre une dimension régionale et européenne tout autre que celle qui est encore aujourd'hui la sienne.
Ville siège du Parlement, si le puzzle qui se dessine actuellement pour elle devait effectivement se mettre en place, elle pourrait également se placer au centre politique d'une région unique plus forte politiquement, dotée de nouvelles compétences politiques pour la ville et la région, et moteur d'une administration bi, voire tri nationale en gestation.
Alors que d'aucuns annoncent depuis quelques années que les futurs centre de pouvoirs politiques ne seront plus tant les Etats mais les grandes agglomérations comme le Grand Paris, le Grand Londres ou le Grand Stockholm, la constitution, dans ce cadre d'un Conseil unique d'Alsace couplé à un statut d'Eurométropole, pourrait bien, non seulement être gage de simplification en termes de gouvernance et d'optimisation de services à l'égard des populations, mais également d'assise durable de son poids politique en et hors de France.
Le référendum du 7 avril est une chance extraordinaire en ce sens. Tout reste certes à construire sur le fond d'ici à sa mise en place programmée à l'horizon 2015, mais à l'heure où la France peine à avancer, l'Europe à se (re)trouver, c'est là l'occasion, élus, société civile, citoyens, de nous réinventer un modèle véritablement ancré dans les exigences et les réalités du XXIe siècle, et de montrer que ce qui vient de la base est source des plus belles innovations politiques, sociales et environnementales.
Sandrine Bélier