France

Conférence environnementale: de beaux discours, mais pas de décisions

Temps de lecture : 5 min

Le discours d’ouverture de François Hollande était un bon discours d’orientation. Mais on ne peut pas se satisfaire de la simple annonce de feuilles de route qui reportent à demain des décisions qui peuvent être politiquement prises aujourd'hui.

A Myrtle Beach en Caroline du Sud le 21 août 2012, REUTERS/Randall Hill
A Myrtle Beach en Caroline du Sud le 21 août 2012, REUTERS/Randall Hill

La conférence environnementale vient de s'achever, 5 ans après le Grenelle de l’environnement.

Dans son discours d'ouverture, François Hollande a fait plus d’annonces qu’on ne l’attendait, donnant un ton, un sens, un signal global positif à l’amorce d’une politique de transition écologique. Son discours m’a surprise et je l’ai accueilli favorablement, ne lui donnant pas plus de valeur qu’il n’a vocation à en avoir: un discours d’orientations.

Des tables rondes ont suivi dont les participants soulignent quasi-unanimement l’ambiance cordiale. Cette cordialité est-elle le gage d’une concertation réussie qui débouchera ce midi sur des propositions d’actions concrètes? Nul ne le sait. Mon expérience du Grenelle de l’environnement me rappelle que les plus silencieux autour des tables rondes ont été les plus actifs dans les couloirs de l’assemblée nationale et du Sénat pour détricoter et affaiblir les accords et engagements actés.

Hiérarchiser les annonces du Président, fixer et engager les priorités, les moyens et les calendriers est ce qu’on attendait du discours du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Il ne m’a pas convaincue.

Garantir la transition énergétique vers un futur sobre et renouvelable

Les objectifs chiffrés de diminution des émissions de gaz à effet de serre, le renforcement de l’efficacité énergétique, la priorité sur la rénovation thermique des bâtiments, le rejet de demandes de permis pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schistes et la création d'une communauté européenne de l'énergie: autant de mesures annoncées qui devront nécessairement être précisées et accompagnées d’actes pour nous mettre véritablement sur la voie de la transition énergétique. La France peut porter la transition énergétique comme le pilier d’une relance à l’échelle de l’Union européenne. Une relance fondée sur les deux éléments du consensus européen en la matière: les économies et l’efficacité énergétique d’une part, les énergies renouvelables d’autre part.

La COP18 Climat à Doha cette année sera d'ailleurs l'occasion pour la France de prouver son engagement au niveau international. On attend un plan de rénovation du bâtiment et la lutte contre la précarité énergétique avec échéancier et budget affecté. On attend des mesures réglementaires et budgétaires en faveur du développement de l’éolien et du solaire.

La fermeture de Fessenheim était attendue, que le président de la République la réaffirme est une bonne nouvelle. Mais l’échéance de fin 2016 l’est moins. Cet engagement impose dès aujourd’hui de démarrer un travail sur le pôle d’excellence du démantèlement, sur le maintien du volume des emplois et sur la transition énergétique dont l’Alsace a besoin notamment dans le domaine de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.

Il y a quelques mois, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exigeait de la part d’EDF des travaux de sécurisation estimés à plus de 20 millions d’euros par réacteur (soit un total de plus de 80 millions d’euros pour le site) afin de rendre «sûre» une prolongation de cette centrale. Cette somme importante devra être réinvestie rapidement sur la filière de démantèlement et sur les emplois durables et non délocalisables liés à la transition énergétique. La raison économique impose donc une fermeture plus rapide comme l'ont d'ailleurs demandé des centaines de communes alsaciennes tout au long de l'année 2011.

Concernant l’annonce sur l’arrêt de l’exploration et exploitation des gaz de schistes, elle semble claire et elle me réjouirait totalement si elle ne faisait pas déjà l’objet de diverses interprétations sur son effectivité…

Protéger la biodiversité pour garantir notre capital naturel

Créer de nouvelles réserves naturelles, protéger les terres agricoles, lutter contre l’artificialisation des sols, réduire les pesticides et instaurer une Agence nationale de la biodiversité en 2015 sur le modèle de l'Ademe sont effectivement des mesures nécessaires pour atteindre l'objectif de stopper la perte de la biodiversité d'ici 2020, tel que fixé au Sommet sur la biodiversité de Nagoya en 2010.

La biodiversité est par excellence le domaine qui doit être traité de façon transversale. Toutes les politiques sectorielles, dont l'eau, la pêche, l'agriculture et le transport, doivent être repensées et revues pour assurer que l'objectif de protection de la biodiversité soit bel et bien atteint: nous serons particulièrement attentifs aux mesures définies en matière de biodiversité que l’ensemble des ministères devraient nous présenter dès fin 2012.

Enfin, depuis le Grenelle en 2007, l'étalement urbain n’a cessé d’augmenter, malgré des objectifs visant à le stabiliser. Un objectif de zéro artificialisation nette des sols en 2025 est une mesure importante. Et la première action simple du gouvernement pour lutter contre l'artificialisation des sols devra nécessairement être l'adoption de la directive-cadre sur les sols actuellement bloquée au Conseil par une minorité d'Etats, dont la France. J’attends l’annonce de la France de la levée de son opposition à cette directive au prochain Conseil européen des ministres de l’environnement.

Concernant le «moratoire» sur les agro-carburants, la mesure était déjà dans les tuyaux européens et on ne peut que se réjouir d’un engagement de la France d’inscrire son action dans le cadre des politiques européennes.

Réformer la fiscalité et passer à la bioconditionnalité

Taxer moins le travail, mais plus les pollutions est effectivement le bon angle d'approche. Mais en cette période de crise, où les dépenses publiques sont limitées, il est déplorable que la question des économies qui pourraient être faites en supprimant et limitant l’ensemble des financements publics néfastes à l’environnement et à la biodiversité ne soit pas la priorité et ne fasse l’objet d’aucun engagement. C’est à mon sens la crédibilité toute entière de la volonté et l’effectivité d’une politique cohérente de transition écologique qui est remise en question.

La gouvernance et le renforcement du dialogue environnemental

C’est l’aspect le plus décevant de cette conférence environnementale. Il n’en ressort rien de concret et aucun engagement, si ce n’est à ce stade un changement de sémantique, un changement de nom du Conseil de suivi des engagements, alors que c’est un domaine clé de la réussite d’une transition écologique.

Dans une perspective démocratique, le dialogue environnemental devait être nettement renforcé. Je regrette que la question du statut des acteurs environnementaux ne soit pas affirmée comme LA priorité. Je m’inquiète de la volonté de simplification du droit de l’environnement qui jusqu’à présent n’ont jamais profité à l’environnement et qui n’est pas contrebalancée par l’intégration du principe de non-régression dans la Charte de l’environnement.

On relèvera l’exception de l’annonce d’intégrer l’éducation à l'environnement dans les programmes scolaires qui constitue une excellente nouvelle. C’est une mesure qui avait été enterrée sur pression du ministère de l’Education lors du Grenelle. Mais l’absence du ministre de l’Education à cette conférence environnementale affaiblie considérablement cette annonce…

A l’échelle européenne, étant rapporteur principal de ce projet, j’attends que la France pèse de tout son poids pour débloquer au Conseil le projet de directive sur l’'accès à la justice environnementale (3ème pilier de la Convention d'Aarhus).

Alors et à ce stade:

Oui, le discours d’ouverture de François Hollande était un bon discours d’orientation. Oui, il était important que cette conférence environnementale se soit tenue. Mais et au regard de l’urgence de la crise écologique, au regard des travaux menées ces dernières années dans le cadre post-Grenelle, on ne peut pas se satisfaire de la simple annonce de feuilles de route qui reportent à demain des décisions qui peuvent être politiquement prises aujourd'hui.

Nous avons besoin de décisions, des traductions des engagements concertés du Grenelle qui se sont perdus en route sous le gouvernement Sarkozy. Nous avons besoin de décisions, de cohérence qui se traduisent dans des actes politiques immédiatement pour sortir de la crise et notamment dans la loi cadre sur la transition énergétique avant l’été 2013 et dans le budget 2013.

Si le cap est fixé, les mesures et décisions effectives sont encore attendues… Il nous reste donc encore à peser, c’est notre responsabilité et jy prendrai toute ma part.

Sandrine Bélier

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