France

Où va la droite? Les valeurs de l'UMP en question

Temps de lecture : 3 min

La droite ne pourra dégager ses propres valeurs qu’en faisant abstraction de la «menace» du Front national.

L'ordre alphabétique a voulu que Jean-François Copé se retrouve à côté de Gilbert Collard, le 26 juin 2012 pour la première session de l'Assemblée nationale. REUTERS/Benoit Tessier
L'ordre alphabétique a voulu que Jean-François Copé se retrouve à côté de Gilbert Collard, le 26 juin 2012 pour la première session de l'Assemblée nationale. REUTERS/Benoit Tessier

Entre la condamnation bruyante du Front national et les clins d’œil appuyés à l’extrême droite, jusqu’au compromis bancal du «ni-ni» (ni alliance avec le FN, ni Front républicain), les responsables de l’UMP ont donné l’impression, ces dernières semaines, de ne plus savoir à quelle adresse leurs idées logeaient. Comme si la séquence électorale qui vient de s’achever avait déréglé la boussole morale et intellectuelle de la droite pour la laisser dans une inquiétante anomie.

D’une campagne l’autre: le vertige idéologique de l’UMP

De fait, les pirouettes idéologiques et autres grands écarts éthiques qui ont marqué la dernière campagne, les sauts répétés entre fédéralisme et souverainisme, entre écologie et soutien à l’agriculture intensive, entre intégration républicaine et obsession identitaire, ont fini par rompre l’unité intellectuelle qui caractérisait le projet de la droite en 2007.

Il y a cinq ans, le discours de l’UMP s’appuyait sur un socle de valeurs bien identifiées: autorité, travail, mérite. Le candidat Sarkozy s’adressait alors aux Français comme à un peuple uni qui, dans sa diversité, nourrit des aspirations communes. Las! Cette cohérence programmatique s’est perdue dans les dernières années du quinquennat et au cours de la campagne présidentielle, caractérisée non par une «droitisation» mais par une stratégie attrape-tout considérant les électeurs par segments –centristes, frontistes, classes moyennes, électorat populaire, agriculteurs, ouvriers, etc.

Le calcul était simple: additionnés, les votes de chaque segment permettraient d’obtenir une seconde victoire. Cette tactique aura largement contribué à semer le trouble parmi les électeurs de droite, expliquant en partie les résultats des récents scrutins, et désorienté la droite dans ses choix idéologiques.

Droite cherche valeurs

Le lancement récent par l’UMP, d’un débat interne sur ses valeurs paraît dès lors salutaire. Quelles que soient ses modalités, ce travail de réflexion réussira à deux conditions.

1/ Les idées doivent primer sur les ambitions. Si elles ont toute leur place dans la compétition qui s’engage, les valeurs ne peuvent être réduites à de simples instruments de conquête.

2/ La campagne interne ne peut se traduire par un combat de slogans creux, ni susciter des clivages idéologiques artificiels qui gênerait le développement d’un véritable programme pour les années à venir. Notre histoire récente a trop souvent donné l’exemple de grands débats dont le principe était juste mais qui, parce qu’ils donnaient le sentiment d’être instrumentalisés, ont fini par échouer.

Face au FN, la nécessité d’un souverain mépris

Par ailleurs, la droite ne pourra dégager ses propres valeurs qu’en faisant abstraction de la «menace» du Front national.

Qu’ils le rejettent ou tentent de le singer, certains élus de droite ont pris l’habitude regrettable de se positionner en regard du parti de Marine Le Pen au lieu de se référer à leurs propres idéaux. En témoigne la création, au sein de l’UMP, de deux groupes adverses: quand la droite dite «populaire» revendique une certaine proximité avec les idées du Front national, les «humanistes» leur opposent le rejet manifeste de toute compromission avec le parti de Marine Le Pen.

Plaçant l’UMP entre le marteau frontiste et l’enclume socialiste, cette approche purement «réactive» sert les ennemis de la droite, la réduisant à l’état de zone intermédiaire, de juste milieu entre le gouvernement actuel et l’extrême-droite.

La droite doit dégager les valeurs qui lui sont propres

Selon une telle configuration, la droite se situerait à mi-chemin entre une gauche jugée trop laxiste et une extrême droite trop dure. Une telle vision laisse accroire que la droite et le Front national ne seraient séparés que par une frontière, que d’aucuns souhaiteraient poreuse, et d’autres étanche.

C’est oublier que l’existence d’une frontière implique une situation de voisinage. Or, cette proximité n’est que pure fiction. UMP et FN puisent à des sources idéologiques radicalement opposées. La première voit la France comme un pays ouvert, un universalisme enraciné, quand le second conçoit le pays comme une entité ethnoculturelle figée. Il n’est que temps de dissiper une confusion «post-soixante huitarde» et savamment entretenue qui fait du travail, du mérite, de la responsabilité individuelle et du patriotisme des valeurs d’extrême droite, alors qu’elles font depuis toujours partie du cœur identitaire de la droite républicaine!

Ainsi, le FN, ni même ses supposés électeurs, ne doit pas être diabolisé ni courtisé mais simplement ignoré. Au funeste balancement entre imitation édulcorée du FN et bonne conscience antifrontiste, il s’agit de substituer un projet singulier puisant aux sources propres de la droite républicaine. Fondé sur l’ordre et la confiance dans la société civile, il doit rendre en même temps qu’à la droite, à tout un pays en situation de repli, le goût de la conquête.

Alexis Benoist

Article également paru sur Trop Libre

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