France / Politique

L'heure de la reconquête à droite

Temps de lecture : 6 min

Après dix ans au pouvoir, l'UMP va devoir se reconstruire. Fillon est l’homme d’Etat dont l’UMP a besoin pour tenir la ligne de la droite raisonnable et pour porter la contradiction au pouvoir socialiste, en particulier sur les questions économiques.

Jean-Pierre Raffarin, Jean-François Copé et François Fillon, en mai 2012. REUTERS/Regis Duvignau
Jean-Pierre Raffarin, Jean-François Copé et François Fillon, en mai 2012. REUTERS/Regis Duvignau

Les élections législatives ont rendu leur verdict: la gauche en est la grande gagnante en obtenant une majorité de la même ampleur que celle que possédait la droite depuis 2007. Certes, la très forte abstention et le rapport de force assez équilibré (52,5% contre 47,5% dans les duels droite/gauche) viennent confirmer le manque d’enthousiasme que suscite le nouveau pouvoir en place, mais la victoire n’en reste pas moins nette et incontestable.

Le jeu de l’alternance a parfaitement fonctionné: après 10 ans au pouvoir, l’UMP laisse la place au PS et à ses alliés pour gouverner le pays. La gauche possède donc presque tous les pouvoirs dans le pays: présidence, Assemblée nationale, Sénat, régions, départements et grandes villes, commence donc une importante phase de reconquête pour la droite dont il faut jeter quelques bases.

La position de l’UMP face aux «Fronts»

Alors qu’il y avait tant à dire sur les premières mesures de la présidence Hollande, en particulier le retour partiel sur la réforme des retraites et la stratégie de tension vis-à-vis de l’Allemagne, le débat a uniquement tourné, à l’occasion de ces législatives, sur l’attitude que l’UMP devait adopter face au Front national. Les résultats des élections viennent montrer que là n’était pas l’enjeu. Pire, la présence du Front national à l’Assemblée aurait presque pu être évitée (en tous cas réduite de moitié) si une candidate socialiste ne s’était pas maintenue dans une triangulaire qui a permis l’élection de Marion Maréchal-Le Pen. Cela vient relativiser beaucoup de leçons de morale.

La position de l’UMP a été parfaitement claire et mérite d’être affirmée avec force: non au Front national, non au Front de Gauche et non au front républicain. Cette dernière option n’est qu’une manœuvre de la gauche pour faire exister durablement cette épine dans le pied de la droite qu’est le FN, afin d’empêcher l’UMP de revenir au pouvoir. Par ailleurs, elle ne peut conduire qu’au renforcement des extrêmes en accréditant la thèse de «l’UMPS» c’est-à-dire du bonnet blanc et du blanc bonnet. Il est donc juste d’affirmer qu’il n’y a pas aujourd’hui en France de péril FN et qu’un front républicain ne se justifie pas, surtout quand par ailleurs le PS passe des accords avec le Front de Gauche.

Beaucoup contestent vigoureusement ce parallèle effectué entre le Front national et le Front de Gauche, avançant le fait que le second mouvement serait complètement républicain quand le premier ne le serait pas. D’un côté on aurait donc un parti quasiment fasciste et de l’autre un simple regroupement de communistes inoffensifs.

Cette vision de l’échiquier politique, très présente dans les médias, est complètement biaisée. Il faut quitter ces débats interminables sur ce qualificatif de «républicain» (dont personne ne dit exactement ce qu’il met derrière) pour prendre acte que les deux Fronts ont deux grands points communs: ils instillent tous deux la division dans la société française (xénophobie dans un cas, lutte des classes dans l’autre) et la violence dans le débat politique. Pour ces deux raisons, aucun parti «raisonnable» ne devrait pouvoir envisager de gouverner avec eux. Le PS est loin de cette analyse pourtant partagée par le SPD allemand qui préférera toujours la grande coalition avec la CDU à l’alliance déshonorante avec Die Linke.

Trouver la voie d’une droite «raisonnable»

L’une des missions de l’UMP consiste à reconquérir une partie de l’électorat frontiste pour empêcher ce parti de tenir le devant de l’affiche de la vie politique française comme il a pu en donner l’impression pendant ces quatre tours d’élections. Pour cela, la droite «raisonnable» (terme que je préfère de loin à celui de «modérée») se doit de défendre certaines valeurs sur le rôle de l’Etat, les frontières, l’intégration, la sécurité, la famille ou encore les questions de société. Les abandonner au seul FN serait désastreux.

Elle doit également être à l’écoute du centre, qui est un grand courant de pensée dans notre pays dont les positions européennes et économiques sont le plus souvent salutaires. Les échecs répétés de François Bayrou ces dernières années, couronnés par sa défaite à Pau aux législatives, illustrent clairement que le centre n’existe politiquement en France qu’à travers son alliance avec la droite, comme ce fut le cas au moment de l’UDF et du RPR. Plutôt qu’une famille politique autonome, le centre doit donc être considéré comme l’une des composantes de la droite prise au sens large.

L’UMP a donc vocation à être le grand parti de la droite et du centre, en défendant des thèses réalistes et raisonnables. Ce doit être un parti d’opposition constructif mais également offensif face à la politique du gouvernement socialiste, dont on sent bien qu’elle peut être désastreuse pour notre pays.

Les relatifs bon scores de Nicolas Sarkozy à la présidentielle et de l’UMP aux législatives après 10 ans au pouvoir montrent que la droite est loin d’avoir perdu la bataille idéologique. Ses thèses seront rapidement reconsidérées à mesure que la gauche au pouvoir se confrontera aux difficultés du réel.

L’affirmation des valeurs de la droite est un exercice subtil, largement amorcé par Nicolas Sarkozy, souvent avec talent. Mais des dérives existent: les défaites de Nadine Morano, de Claude Guéant ou de nombreux députés sortants de la droite populaire sont de ce point de vue un signal politique utile pour trouver le bon dosage. Une droite raisonnable, fière de ses valeurs et sans complexe, oui; une droite totalement décompléxée, non.

Un choix naturel pour diriger l’UMP: François Fillon

Le choix de la voie politique ne suffit pas, il faut également trouver une voix pour incarner et personnaliser cette reconquête. Deux candidats sont clairement sur les rangs: François Fillon et Jean-François Copé, d’autres sont en embuscade, comme Alain Juppé. Le congrès de l’UMP du mois de novembre sera crucial car il déterminera la ligne d’un parti qui n’avait jusque-là jamais connu l’opposition et parce qu’il mettra en scène le leader de l’opposition à François Hollande et à son gouvernement.

S’il a fait preuve d’un dévouement total et d’un réel talent pendant les campagnes présidentielle puis législatives, Jean-François Copé a une image beaucoup trop agressive et clivante pour orchestrer cette reconquête politique. Par ailleurs, si son habileté rhétorique ne fait aucun doute, son ossature idéologique semble beaucoup plus fragile, en tous cas pas à la hauteur de la tâche qui s’annonce. Il incarne trop ce qui pouvait déplaire dans le sarkozysme et ne répond pas, à ce titre, aux attentes de l’opinion publique.

Alain Juppé aurait fait un très bon Premier ministre d’un Nicolas Sarkozy réélu, voire de cohabitation. Son habileté intellectuelle et sa hauteur de vue le positionne bien souvent au-dessus de la mêlée à droite. Cependant, la campagne a révélé ses lacunes de débatteur et d’orateur en meeting et il ne fait guère de doute qu’il ne sera pas candidat en 2017 (il aura 72 ans à cette date). Choisir Alain Juppé pour présider l’UMP, ce serait donc temporiser et remettre le vrai choix du leadership à plus tard. Cette solution n’est donc, elle non plus, pas à la hauteur de la reconquête politique espérée.

Reste donc François Fillon, nouveau député de Paris et surtout Premier ministre pendant cinq années de la France, poste difficile dont il ressort avec une popularité presque intacte et un nombre important de réformes à son actif. François Fillon est donc l’homme d’Etat dont l’UMP a besoin pour tenir cette ligne de la droite raisonnable et pour porter la contradiction au pouvoir socialiste, en particulier sur les questions économiques. L’ouvrage qu’il avait publié avant les élections de 2007 La France peut supporter la vérité montre la justesse et la constance de ses analyses et de ses propositions en la matière. Celles-ci ne pourront être que renforcées par la crise européenne dont il ne sera pas possible de sortir par la facilité de la dépense publique.

Pour élargir son spectre et ne pas se cantonner aux sujets économiques, François Fillon aurait tout intérêt à retrouver son ancien compagnon de route seguiniste: Henri Guaino, bien que les relations entre les deux hommes se soient quelque peu distendues ses dernières années. Le nouveau député des Yvelines, auteur du discours contesté (mais pourtant remarquable) de Toulouse sur les frontières a en effet réussi cette synthèse impossible entre l’intellectuel et le politique. Il constitue de ce point de vue une pièce maîtresse dans le travail de recomposition de la droite.

La reconquête, c’est maintenant!

Vincent Le Biez

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