France / Politique

La réunification du centre, ou le supplice de Sisyphe

Temps de lecture : 2 min

L'échec de Bayrou offre une fenêtre à Borloo pour prendre pied au centre. Devenir la force dominante à droite lui demandera en revanche de séduire les électeurs «ni gauche ni droite» et d'affronter l'UMP avec 2017 pour perspective.

Jean-Louis Borloo au QG de Nicolas Sarkozy, lors de la campagne présidentielle 2012. REUTERS/Gonzalo Fuentes.
Jean-Louis Borloo au QG de Nicolas Sarkozy, lors de la campagne présidentielle 2012. REUTERS/Gonzalo Fuentes.

Le centre a sa propre idéologie. Là où gauche et droite choisissent les intérêts d’un ensemble contre l’autre, sa quintessence est un parti pris de conciliation et de compromis, lointain héritage de la vertu grecque de sophrosune. Il a également son propre électorat, qui pèse 14% du total en 2012 selon le panel électoral du Cevipof.

Les préférences partisanes de ce dernier sont cependant les plus dispersées de toutes. Elles se portent notamment à 11% sur l’UMP, à 15% sur le PS, à 6% sur Europe Ecologie, à 31% sur le MoDem, et un tiers ne porte sur aucun parti. Centre-droit, centre-gauche, centre écologiste, extrême centre, non-alignés: pris dans l’étau de la bipolarisation, l’électorat du centre définit ainsi ses familles par des affinités d’alliances divergentes plutôt que par l’idéologie, qui leur est commune.

La réunification du centre s’apparente de fait au supplice de Sisyphe. François Bayrou s’y est essayé en franchissant le Rubicon de la ligne de clivage gauche-droite. Il s’est ainsi aliéné le centre-droit sans séduire le centre-gauche, réduisant sa base au seul extrême centre. En s’écartant de l’UMP dès 2007, en refusant l’alliance possible avec Europe Ecologie en 2009, et en rejetant des accords proposés par plusieurs présidents de région socialistes en 2010, il a également perdu un électorat ne pouvant pas anticiper une alliance de gouvernement.

Le choix de l'alliance à droite

Revendiquant désormais le leadership centriste à sa suite, Jean-Louis Borloo a exprimé un choix tactique différent: l’alliance à droite. Il capte donc d’emblée le centre-droit, en déshérence du fait de la droitisation sarkozyste, et dont l’abstention croissante explique les défaites successives de l’UMP aux élections intermédiaires du dernier quinquennat. Symétriquement, il perd le centre-gauche.

S’il continue à se démarquer nettement des rapprochements entre UMP et FN, comme lors des cantonales de 2011, et s’il parvient à marginaliser François Bayrou grâce, en pratique, à la recréation de l’UDF, il peut récupérer l’essentiel de l’extrême centre. Quant au centre écologiste, il constitue un électorat en jachère depuis qu’Europe Ecologie a perdu la bataille interne de l’orientation politique face aux Verts, Daniel Cohn-Bendit et Nicolas Hulot n’étant pas parvenus à désenclaver ces derniers.

En d’autres termes, avec en ligne de mire les élections européennes et leur scrutin proportionnel, il existe une fenêtre de tir pour que Jean-Louis Borloo prenne pied au centre avec 10 à 12% des voix. Un tel résultat signerait, au demeurant, l’échec de l’UMP à remplir sa mission fondatrice d’être davantage que la droite.

To be or not to be candidat

Si Jean-Louis Borloo a pour objectif de constituer un partenaire indispensable à l’UMP sur son flanc gauche, cette démarche peut y suffire. En revanche, s’il vise le statut de force dominante de l’opposition, il devra chercher un renfort électoral dans la terra incognita du suffrage: ces 27% qui ne se positionnent ni à gauche, ni à droite, ni au centre, et dont 69% ne se reconnaissent dans aucun parti.

Ces électeurs ne croient tout à la fois plus en la politique et en attendent de la nouveauté. En séduire une part significative impliquerait des positionnements innovants et non-alignés sur nombre de sujets de préoccupation de l’électorat. Cela impliquerait également d’affronter pour cinq ans une montée au paroxysme de la rivalité entre centre et droite dans l’opposition, avec pour cible un seuil de 20% afin de se prémunir du niveau électoral du Front national.

Cela impliquerait enfin, pour paraphraser Hamlet, une question fondamentale d’ici 2017: to be, or not to be… candidat.

Thomas Guenole

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