France / Politique

Marine Le Pen a perdu son pari

Temps de lecture : 3 min

«Bras d'honneur» contre l’establishment politico-médiatique lors de la présidentielle, le vote frontiste est en recul sur tous les territoires aux législatives, lors desquelles les notables locaux résistent mieux.

REUTERS/Julien Muguet
REUTERS/Julien Muguet

Suite au plutôt bon résultat du premier tour de l’élection présidentielle, la candidate du Front National, Marine Le Pen, espérait, dans le cadre de la stratégie de normalisation de son parti, peser de manière importante sur le second tour des élections législatives, en mettant sa formation politique en position d’arbitre dans de nombreuses circonscriptions. Il s’agissait pour elle que le maximum de ses candidats devance l’UMP, en obtenant la première ou la deuxième place, dans l’optique de s’affirmer comme le principal parti d’opposition à droite. Or, les résultats du premier tour des élections législatives ont ruiné ses espoirs. En effet, l’étude des 23 circonscriptions où elle était arrivée en tête au premier tour de l’élection présidentielle, qui constitue un échantillon représentatif de ses positions de force, montre que les électeurs ne considèrent pas le Front National comme un parti de gouvernement, puisqu’il ne pointe en première ou en deuxième position que dans six circonscriptions. Dans seize d’entre elles, il occupe la troisième place, assez souvent loin derrière les deux grands partis de gouvernement, avec des reculs en points conséquents. Par exemple, dans la première circonscription de l’Oise, le candidat de l’UMP obtient 43,83 % des voix contre seulement 17,34 % pour le Front National, et dans la cinquième circonscription de Moselle, ces pourcentages sont respectivement de 43 % contre 20,73 %.

Le recul du vote frontiste touche tous les territoires

Le scénario potentiellement le plus favorable pour mettre à mal la droite classique, c'est-à-dire un second tour opposant l’extrême-droite à un candidat de gauche, ne concernera qu’un nombre limité de circonscription: une vingtaine. L’UMP a donc particulièrement bien résisté grâce à son ancrage local très fort, surtout en milieu rural, et plus particulièrement dans la diagonale du vide, ainsi que dans «l’espace périurbain subi». Le recul du vote frontiste par rapport aux élections présidentielles touche tous les territoires, même si, sans surprise, c’est dans le Midi, bastion traditionnel du parti, que ce dernier a le plus de chances d’obtenir un député, en éliminant le cas très particulier de Hénin-Beaumont. Gilbert Collard dans la deuxième circonscription du Gard et Marion-Maréchal Le Pen dans la troisième circonscription du Vaucluse paraissent les plus susceptibles de l’emporter, en fonction des combinazione, dont le Midi s’est fait une spécialité. Concernant le score surprenant de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, qui progresse par rapport au premier tour de la présidentielle, il s’explique, outre un ancrage local et son statut de leader charismatique, probablement par la surmédiatisation de cette élection. Les électeurs de cette circonscription de la «France du sous-sol» ont incontestablement voulu faire un «bras d’honneur», si nous pouvons nous exprimer ainsi, à ce qu’ils considèrent comme «l’establishment politico-médiatique parisien» qui, à leurs yeux, les prend pour des imbéciles. Néanmoins, malgré ce succès, il n’est pas sûr que le Front National obtienne un député dimanche soir.

Nos concitoyens font plus confiance aux «notables locaux»

En définitive, ces résultats apparaissent rassurants, dans le sens que, pour les français, l’extrême-droite reste un courant politique à part. Il permet d’exprimer son mécontentement à l’élection présidentielle, mais n’est pas considéré viable localement pour gérer de manière efficace le territoire, nos concitoyens faisant beaucoup plus confiance aux «notables locaux». Cependant, il ne s’agit pas de crier victoire trop vite concernant l’absence de normalisation du Front National, car tout dépendra des évolutions à venir: succès ou non du quinquennat de François Hollande, implosion ou non de la droite dans les prochains mois. Si l’heure de Marine le Pen n’est pas encore venue, il ne faudrait surtout pas l’enterrer, comme ce fut le cas pour sa mouvance politique après les élections de 2007, une erreur majeure, puisqu’il paraissait évident que l’affaiblissement du parti frontiste n’était que conjoncturel. Manifestement, une partie de l’électorat français est mécontent, pour des raisons diverses et variées, ce qui se traduit dans les urnes par un vote extrémiste. La gauche va devoir prendre en considération et comprendre les motifs de ce mal-être, pour lui apporter des remèdes.

Laurent Chalard

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