France / Politique

Valéry Giscard d'Estaing, indigne?

Temps de lecture : 2 min

En appelant à voter Nicolas Sarkozy, l'ex-Président montre combien il faudrait réformer le Conseil constitutionnel et supprimer l'appartenance de droit des anciens chefs de l'Etat à cette institution.

Valéry Giscard d'Estaing en décembre 2011. REUTERS/Benoit Tessier
Valéry Giscard d'Estaing en décembre 2011. REUTERS/Benoit Tessier

L'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing a publiquement exprimé son soutien à l'actuel chef de l'Etat, candidat à sa succession, et appelé les Français à le réélire. C'est son droit le plus strict comme citoyen, libre de sa parole.

Seulement Valéry Giscard d'Estaing jouit du statut d'ancien Président. En cette qualité, il est membre de droit du Conseil constitutionnel. A ce titre, un comportement préservant l'autorité du Conseil constitutionnel est exigé de lui comme de n'importe quel conseiller constitutionnel.

L'article 1er du décret du 13 novembre 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel, qui s'applique tant aux membres nommés que de droit, précise que «les membres ont pour obligation générale de s'abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l'indépendance et la dignité de leurs fonctions».

Même si l'ancien Président s'est dispensé de participer à la décision du Conseil constitutionnel arrêtant les résultats du premier tour de l'élection présidentielle, cette circonstance ne soustrait pas un conseiller constitutionnel à ses obligations.

Surtout, l'article suivant dudit décret précise que les membres du Conseil constitutionnel «s'interdisent (...) de prendre aucune position publique (...) sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l'objet de décisions de la part du Conseil». En l'espèce, tel est le cas, puisque le Conseil est chargé constitutionnellement de la régularité des opérations électorales de l'élection présidentielle et rend un certain nombre de décisions eu égard à cette attribution.

On doit ici saluer l'initiative du député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas, d'avoir pris l'initiative de demander des explications écrites au président de la juridiction constitutionnelle en l'absence de toute réaction publique de sa part.

S'il convient de ne rien attendre d'un tel courrier et surtout pas le déclenchement d'une procédure de sanction à l'égard d'un membre de droit, qui de toutes les façons ne vise que les membres nommés pour des activités et l'exercice de fonctions incompatibles avec leur qualité de membre du Conseil, au moins l'alerte publiquement exprimée par un représentant de la nation a le mérite certes de soulever –de nouveau– la question des obligations des membres du Conseil constitutionnel, mais encore de poser en arrière-plan le statut des anciens présidents de la République.

Plus fondamentalement, en effet, l'interpellation du chef de la juridiction constitutionnelle montre combien l'appartenance des anciens présidents de la République à cette institution garante des droits fondamentaux des personnes et du bon déroulement des scrutins nationaux est un anachronisme qu'il importe de corriger au plus tôt.

La suppression de l'appartenance de droit de ces anciens plus hauts responsables de l'Etat évitera que se renouvellent de telles situations, bien compréhensibles pour d'anciens chefs de l'Etat qui ont participé à de nombreuses joutes électorales et dont l'engagement politique a été total. Au-delà du bienfait apporté à l'autorité et au prestige de l'institution désormais accessible aux justiciables, l'abrogation de la retraite automatique des anciens présidents au Conseil participe d'une éthique élémentaire de la vie publique, de sa moralisation en quelque sorte.

Pascal Jan

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