Il y a 30 ans, le 4 mars 1982, François Mitterrand, premier président français à se rendre en Israël, prononçait son célèbre discours de la Knesset.
Mettant fin à une vingtaine d’années d’incompréhensions entre la France et l’Etat hébreu, il rappelait, à cette occasion, l’attachement historique du peuple français à l’existence et à la sécurité d’Israël, opérant ainsi une rupture avec la politique systématiquement pro-arabe de ses prédécesseurs, qui fit écrire en 1967 à Pierre Mendès France que les «vrais amis d’Israël sont les hommes de gauche».
Le symbole et trop peu le contenu
De ce discours, beaucoup ont retenu le symbole et trop peu le contenu. Or, il faut le relire pour en percevoir l'esprit visionnaire. Ce texte contient en effet tous les ferments des accords d’Oslo à venir.
Depuis cette intervention et particulièrement depuis ces dix dernières années, l’amitié de la gauche pour Israël célébrée par l’ancien président de la République s’est, de toute évidence, teintée de méfiance, voire d’hostilité.
Qu’y a-t-il de commun entre un François Mitterrand tenant à saluer la vitalité de la démocratie israélienne et un Jean Glavany l’assimilant à un régime d’apartheid?
Qu’y a-t-il de commun entre un François Mitterrand venant dire au Parlement israélien son refus de voir l’Etat hébreu stigmatisé et un Stéphane Hessel exprimant son soutien à la démarche illégale et immorale de boycott des produits israéliens initiée par un mouvement proche du Hamas?
Qu’y a-t-il de commun entre un François Mitterrand exprimant son admiration pour les réalisations d’Israël depuis sa création et un Pascal Boniface rédigeant une note restée tristement célèbre appelant le Parti socialiste à abandonner son amitié pour l’Etat hébreu afin de gagner des voix?
Qu’y a-t-il de commun, enfin, entre un François Mitterrand rappelant conjointement le droit des Palestiniens à un Etat souverain et le droit d’Israël à ne pas voir son existence niée et les rassemblements dits «pro-palestiniens», auxquels participent des organisations de gauche et qui se terminent trop souvent en démonstration d’hostilité à Israël et pire aux Juifs?
Sarkozy, pâle copie de Mitterrand
Parce qu’elle a compté parmi ses représentants les plus illustres, outre François Mitterrand, Léon Blum, qui est intervenu pour que la France reconnaisse Israël, Edouard Depreux, qui a aidé les passagers de l’Exodus à embarquer pour la Palestine ou encore Guy Mollet et Pierre Mendès France, qui n’ont cessé, tout au long de leur carrière politique, de défendre Israël contre les régimes voisins ne reconnaissant pas son existence, la gauche ne peut plus continuer de cautionner les dérapages de certains de ses membres qui, par leur outrance, montrent qu’ils sont davantage mus par la détestation d’un camp que par un désir sincère de paix entre Israéliens et Palestiniens.
Le débat de 2012 doit permettre d’opérer une clarification. En se regroupant largement derrière François Hollande, dont le logiciel idéologique, s’inscrivant dans l’héritage de François Mitterrand, n’est pas encombré par les paresses intellectuelles et les discours partisans que l’on a trop entendus à gauche ces dernières années concernant le conflit israélo-palestinien, les socialistes ont montré qu’ils y étaient prêts.
Relire le discours de François Mitterrand à la Knesset de 1982, c’est aussi relativiser la portée de celui de Nicolas Sarkozy de 2008. Fidèle à sa méthode de réappropriation des grandes consciences politiques, Nicolas Sarkozy n’a dit, en effet, dans son discours rien de plus, ni rien de mieux, que François Mitterrand vingt six ans auparavant.
A cet égard, la posture «courageuse» de «l’ami disant la vérité» que Nicolas Sarkozy a tenté, une nouvelle fois, d’adopter lors du récent dîner du Crif n’est qu’une pâle copie des propos de François Mitterrand. Cette posture n’est qu’une imposture sachant que Nicolas Sarkozy restera aussi et surtout celui qui aura déroulé le tapis rouge à Mouammar Kadhafi ou Bachar el-Assad.
En rappelant, en mars 1982, que la France était plus que tout attachée à la paix entre Israéliens et Palestiniens mais que celle-ci ne pourrait jamais avoir lieu sans la reconnaissance d’Israël et l’arrêt du terrorisme, François Mitterrand a tracé un chemin d’espérance pour le Proche-Orient. Trente ans après, les déclarations fermes de François Hollande contre les régimes syrien et iranien font espérer que ce chemin, bientôt, se prolonge.
Benjamin Djiane et Jérémy Sebban
Les intertitres sont de la rédaction de Slate.fr