Économie / Politique

TVA sociale: pourquoi tant de haine? Et pourquoi tant d’audace?

Temps de lecture : 3 min

Une question de technique et de politique…

REUTERS
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Voici donc la TVA sociale –pardon, «anti-délocalisation»!– pour laquelle ce blog, Trop Libre, a maintes fois plaidé, enfin sur les rails, même si son arrivée en gare, le 1er octobre prochain, est tout sauf assuré.

Avec l’annonce du Président, les candidats déjà déclarés pensent détenir l’arme fatale qui anéantira les dernières chances du futur candidat Sarkozy. Peu importe que certains de leurs propres partisans se soient faits longtemps les avocats de cette mesure: elle est désormais promise, pour cause d’impopularité, au grand cimetière des réformes avortées!

On mesurera une fois de plus l’immense distance entre «technique» et «politique»: techniquement, le consensus est très large sur la pertinence de cette décision qui repose sur le principe simple de «l’effet d’assiette»: un prélèvement, même faible, opéré sur une base très large –ici 65 millions de consommateurs– peut aisément compenser un allègement, même fort, sur une population bien plus réduite –ici les seuls salariés touchant entre 1.­6 et 2.4 smic.

Un triple effet positif

Du coup, le double effet assuré de la mesure est:

  • une baisse du coût du travail, dont on ne dit jamais assez –quand on ne le nie pas!- qu’il est en France de 9,7% supérieur à celui de l’Allemagne.
  • la contribution croissante des produits importés au financement de notre protection sociale.

En contrepartie, une hausse possible mais non certaine des seuls produits taxés au taux majoré, qui sera, au pire, très modérée. Et ce, pour deux raisons: le jeu de la concurrence internationale particulièrement vive sur ces marchés (pensons à l’automobile); et l’effet même des baisses de charges qui allègeront le coût final de nos produits et mettra du coup nos entreprises en position de concéder des baisses de prix; et, dès lors, d’affronter favorablement leurs compétiteurs étrangers qui, eux ne bénéficieront pas de cet allègement.

  • D’où un troisième effet, probable, lui, de la TVA sociale: une amélioration à terme de notre balance commerciale, dont on sait le délabrement. Rappelons que le précédent allemand –mais aussi suédois et danois– a clairement démontré les effets vertueux de cette TVA sociale en termes de réduction des déficits publics et de compétitivité ainsi que leur effet- prix très limité: un demi-point d’inflation supplémentaire en Allemagne pour une hausse de TVA double de celle annoncée en France.

… Mais une catastrophe politique?

La cause devrait être entendue et les candidats de gouvernement devraient soutenir la TVA sociale avec enthousiasme. Or il n’en est rien. Le haro est général. Le hiatus entre technique et politique tourne ici au gouffre. Que voulez-vous, la dame a mauvaise réputation!

Parce que, politiquement, «There is no such thing as a good tax», comme le disait Churchill; et, du coup, les deux mots «TVA» et «social» sont entrés en collision, accréditant dans l’imaginaire collectif le contre-sens dévastateur d’une «taxe sur le social»! Malentendu aggravé par la présentation de la mesure dans la plupart des médias, où l’accent est mis sur la hausse de la TVA tandis que sa contrepartie, la baisse des charges, est, soit minimisée, soit carrément oubliée…

Un Président qui a perdu la main?

Demeure alors une question capitale, elle aussi éminemment politique: quelle mouche a donc piqué le Président, plutôt connu pour être habile manœuvrier? A-t-il oublié, en présentant une telle mesure en extrême fin de mandat, l’importance décisive du timing en politique et les leçons les plus élémentaires de Machiavel sur l’art de gérer Dame Fortune? Et les commentateurs de ressasser gravement la question, les plus hostiles décrétant que décidément l’homme a perdu la main, les plus favorables demeurant dans la perplexité, saluant au mieux un «périlleux courage», et les députés UMP désespérant de leur réélection…

La «valeur travail», clef du quinquennat

A moins que… A moins qu’avec cette mesure, Nicolas Sarkozy ne prépare l’élément clef de son futur argumentaire, à la fois sur le plan défensif et offensif:

Défensif face à une critique montante –et redoutable–, tant chez ses adversaires que chez les observateurs: celle qui met en cause ses «revirements», ses «incohérences», sa «navigation à vue», et autres «renoncements». Or, de l’exonération des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires (été 2007) à la TVA sociale (hiver 2012), en passant par la suppression de la taxe professionnelle (2010), il pourra faire valoir une ligne claire et constante malgré la crise, la ligne même de sa campagne victorieuse d’il y a 5 ans: la priorité absolue accordée, d’un bout à l’autre du quinquennat, au travail. Il tiendrait alors la clef de présentation de son bilan, l’intrigue de son propre récit, dont il assurerait ainsi, enjeu déterminant s’il en est, la lisibilité.

Offensif, car le travail demeure une valeur sociétale cardinale, dont toutes les enquêtes montrent la popularité persistante chez les Français. Dans le combat des valeurs, dont on sait depuis Max Weber qu’elle constitue l’essence même du politique, et face à l’arme redoutable maniée avec talent par François Hollande, la justice, Nicolas Sarkozy disposerait ainsi d’une ressource de poids. De nature notamment à contrebalancer auprès des classes populaires et moyennes, qui sont les premiers bénéficiaires de cette politique (le dit-on assez dans la majorité?), le qualificatif dévastateur de «Président des Riches».

A défi politique, réponse politique!

Christophe de Voogd

Responsable du blog Trop libre

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