France / Politique

Produire français? Commençons par l'agriculture!

Temps de lecture : 3 min

Le débat sur le «Achetez français» n'est envisagé que sous l'angle industriel alors que l'acte le plus simple pour le consommateur concerne les produits agricoles.

michael clark stuff via Flickr CC License by.

«Achetez français» est le nouveau vocable à la mode présidentielle. Après «La France d'en bas», «La sécurité pour tous», la campagne 2012, dans un contexte de crise de la mondialisation, interroge la capacité à l'autosuffisance de notre pays et donc de notre industrie. Il est étonnant de constater que l'on ne parle en l'espèce que d'industrie, alors que le premier acte simple de tout consommateur ayant une démarche pour valoriser l'économie nationale est d'acheter des produits agricoles français. Potatoes, île de Ré market.

En cela, il faut cesser d'opposer les consommateurs, entre les vertueux qui achèteraient français et les irresponsables qui achèteraient «mondialisé». Il faut redonner à tous la possibilité d'acheter français! L'agriculture, soumise aux critères de la Politique agricole commune, a perdu le lien entre la production et le produit fini. Qui sait encore que l'agriculteur nourrit les gens? Les agrocarburants, les exportations de blé dur, la vision industrielle et restreinte de l'agriculture ont coupé une profession de la population, alors même que produire et vendre en France est possible.

Où sont la R&D, les projets à forte valeur ajoutée?

Pourquoi la profession ne travaille-elle pas sur des projets de transformation à forte valeur ajoutée? Pourquoi ce qui a été fait par des agriculteurs sur la base de Ebly (ndlr, une coopérative de producteurs crée son propre outil de transformation) n'est pas transposable sur d'autres produits? Où est la R&D en matière agroalimentaire?

On assiste à une ultra concentration des coopératives agricoles, elles atteignent des tailles critiques mais toujours dans le sens de mieux vendre sur des marchés extérieurs, jamais pour développer des nouveaux concepts de production et de distribution, ici et maintenant. Il faut passer d'une logique de niche (label, bio...) à une logique de relocalisation de la production, de la transformation et de la consommation des produits agricoles. Et c'est possible.

Il faut redonner aux agriculteurs la fierté de leur travail en les réinsérant dans la société rurale qui les entoure. Pour cela, la diversification autour de productions immédiatement valorisables (circuits courts) ainsi que la valorisation de proximité des productions «grandes cultures» sont des enjeux majeurs au moment où le renchérissement des coûts de transport va rendre les exportations coûteuses, voire les compromettre. Cette diversification va permettre de créer de la valeur ajoutée et ainsi, à taille d'exploitation constante, de relancer la croissance de l'emploi agricole.

Le consommateur est un partenaire

Aujourd'hui, un agriculteur en activité qui veut installer son fils n'a pas d'autres solutions que de s'étendre. Il faut remédier à cette problématique de la concentration des structures. Pour cela, il faut enfin que les agriculteurs soient accompagnés et soutenus par une politique de grande échelle et de long terme, et que la profession agricole soit défendue par des acteurs qui croient au développement des territoires et pas au développement du commerce mondial qui est fragile et facteur d'incertitude.

L'agriculteur est perçu comme un pollueur, il n'est plus compris par la société rurale et périurbaine et la croissance démographique des territoires périurbains ne fera qu'accentuer ce fossé. Il faut reposer le rôle majeur et indispensable de l'agriculteur, maillon fort de notre chaîne alimentaire. Aujourd'hui, les patates viennent d'Israël et les courgettes des Pays-Bas et demain, avec le gasoil à 2 euros le litre, qu'en sera-t-il? Il est urgent d'agir.

Le consommateur est un partenaire de cette nouvelle manière relation producteur-consommateur. Il est le premier par son acte d'achat à permettre à toute la chaine de fonctionner. L'acte d'achat a été déshumanisé, il est un réflexe. Il faut lui redonner du sens, il deviendra alors un moyen de se valoriser.

Consommer local est moins cher

Et pour ceux qui n'ont pas les moyens? J'ai prouvé pendant mon expérience de locavore que consommer local permettait de faire des économies. C'est aussi une manière de se valoriser, de se faire plaisir, en cuisinant, en découvrant de nouveaux produits, etc. Pour cela, il faut développer l'éducation dès le plus jeune âge à l'alimentation. On apprend les bases de la sécurité routière et bien apprenons aussi les bases de la sécurité alimentaire. Savoir acheter, transformer ses produits...

La société de consommation a pris le pas sur la logique quotidienne des familles: il faut remettre des repères et montrer que consommer, ce n'est pas vivre. Par contre, consommer local, c'est faire vivre une économie, une société, son voisin, cela a du sens.

En matière d'agriculture, force est de constater que les pouvoirs publics se renvoient la balle, c'est toujours à l'échelon au dessus de se préoccuper de la question. L'agriculture est le parent pauvre des politiques publiques mais pas des aides publiques. A force de subventions, on a oublié de mettre en œuvre une vraie politique agricole de proximité.

Définir des labels ne suffit pas, il faut aller plus loin. Le véritable enjeu est encore une fois celui du lien entre agriculture et population. Il faut enfin reparler de l'emploi agricole, de ce magnifique gisement inexploité. Tout le monde a peur en pensant au retour aux années cinquante, avant l'exode rural des années 60, où le travail de la terre était exigeant et pénible. Non, on parle d'une nouvelle manière de produire et pour cela il faut un véritable accompagnement des acteurs publics.

Produire français? Eh bien, commençons par l'agriculture!

Stéphane Linou

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