Bon, je vous en avais parlé ici, vous avez dû le lire sur Slate.fr et ailleurs mais la France a ressenti le besoin de se doter d’un Conseil national du numérique et ce à l’initiative du président de la République. Ça n’existe pas ailleurs, «ça» a six mois d’existence et comme je suis un des membres du «ça», je me dis que cela vaut peut-être le coup d’en dire quelques mots, de vous tenir au courant, six mois après ma précédente chronique.
Surtout que pour marquer le coup de ces six mois, le chef de l’Etat nous a réunis autour de lui et, comme c’est la seule récompense de faire partie du «ça» (note à tous les commentateurs grincheux: on n’est pas payé, on est bénévole et on y passe pas mal de temps), je me suis précipité pour jouir des ors de la République et dialoguer avec le Président.
Ce dernier a tout de suite insisté sur le fait que rien n’était off et qu’on pouvait tweeter/facebooker/hurler ce qu’on voulait sur ce qui se disait pendant ce déjeuner.
J’ai été d’ailleurs étonné que mes petits copains du «ça» n’ébruitent pas jusqu’à présent que NS avait lâché qu’il passait ses soirées avec Carla à regarder des DVD de séries et qu’il avait carrément flashé et regardé en boucle le «génial Breaking Bad, le prof chimiste devenu dealer» découvert par le couple présidentiel sur Arte. Dingue, hein. Voilà, c’est fait.
Le seul vrai scoop de ce déjeuner vient donc de vous être donné et vous pouvez vous arrêter là, mais moi je continue pour parler du «ça», le CNN ou CNNum. Le CNNum fonctionne donc depuis 6 mois. Il est maintenant doté d’une équipe de 3 permanents qu’on a obtenu aux forceps et fonctionne selon les matières soit en auditionnant les acteurs intéressés, soit en créant des groupes de travail.
Le CNNum travaille en fait sur 3 sujets clés: la compétitivité, l’OpenData et l’e-Education. Là, vous commencez à vous dire que ce qui va suivre va être particulièrement creux et chiant mais tenez bon. Le CNN a aussi lancé des réflexions sur 3 thématiques: déploiement du très haut débit, protection de l’enfance et cloud computing. Mais on en parlera une autre fois…
Profitant du déj et au-delà des avis qu’il a déjà rendus sur diverses mesures que vous connaissez bien car évoquées sur Slate.fr (Paquet Telecom, LCEN, JEI, taxe «Google»...), le CNNum a souhaité sensibiliser plus particulièrement le président de la République sur ses 3 sujets clé, 3 projets à moyen terme qu’il estime indispensables pour que l’économie numérique, qui ne représente que 3,6% du PIB en France (contre 5,4% au Royaume-Uni), occupe dans notre pays la place qu’elle mérite. Le sens de l’histoire, quoi!
Comme le dit un autre membre du «ça», «on est pour certains à gauche, pour d’autres à droite, pour beaucoup nulle part mais on est tous des militants du numérique». «Ça» claque.
Bref, on est reconnaissant envers le Président (le PR comme on dit à l’Elysée) d’avoir lancé le CNNum, mais on passe autant de temps avec des mecs de gauche pour faire avancer l’idée que le numérique doit devenir un enjeu clé des prochains débats électoraux.
Bon alors là les commentaires vont se déchaîner: «Medef du Net», «Lobby d’entrepreneurs», «sarkozystes digitaux», «gauchistes caviardo-numériques». Tout et n’importe quoi. On s’en fout, la caravane du numérique passera de toute façon, on veut juste l’accélérer en France.
Je reviens aux messages clés donnés au PR:
I – Il faut construire un environnement favorable à la compétitivité pour les acteurs du numérique
- L’innovation doit
être au cœur de la politique française
- De nombreuses innovations découlent de l’excellence française en mathématiques;
- De grandes sociétés françaises sont à la source de technologies nouvelles (cryptage des réseaux, paiements électroniques, puce, jeu vidéo, 3D, etc.)
- 700.000 emplois nets créés par le numérique au cours des 15 dernières années (avec un potentiel de 1 million).
- La France creuse
pourtant son retard
- La contribution au PIB du numérique est de 3,6% (contre 5,1% dans les pays de l’OCDE voire 8% en Norvège)
- Plusieurs mesures
pourraient être envisagées:
- Lutter contre la concurrence fiscale au sein de
l’Union européenne
- Plusieurs sociétés françaises ne luttent pas à armes égales avec de nombreux acteurs d’origine américaine.
- Cela touche toutes les taxes: IS (Belgique, Luxembourg, Irlande), TVA (Luxembourg), etc.
- C’est un chantier certes super ambitieux et à très long terme, mais si on ne commence pas...
- Lutter contre la concurrence fiscale au sein de
l’Union européenne
- Corriger les effets de la réforme du JEI (jeunes
entreprises innovantes)
- A la suite de la réforme du JEI, de nombreuses entreprises ont été dans l’obligation de limiter le recrutement de nouveaux salariés qualifiés
- Certaines industries sont plus impactées que d’autres (notamment le secteur du jeu vidéo)
- Favoriser le dialogue entreprise et université:
- Favoriser les clusters universitaires qui réussissent à rassembler université, centres de recherche et entreprises dans un même ensemble
- Améliorer le financement de l’innovation en soutenant les
FCPR et en incitant à du corporate venture
- La France a lancé un Grand emprunt dont 4,250 milliards d'euros sont consacrés au numérique.
- Il faut être vigilant sur les modalités de sélection et d’allocation des subventions (durée, choix des dossiers, etc.).
- La France est le 3e pays dans le monde en matière d’investissement dans l’innovation grâce au capital-risque toutefois:
- La filière des FCPR est aujourd’hui en danger car les FCPR traditionnels ne parviennent plus à se refinancer en raison de la désaffection des fonds de fonds pour le capital risque
- Le CNN travaille à élaborer des propositions destinées à investir dans le numérique
Donc là vous vous demandez ce qu’a dit le PR? Suspense… Le compte rendu officiel du déj est un peu plus loin.
II- Il faut donner une vision politique à l’OpenData
(l’information publique brute qui a vocation à être librement accessible, si vous préférez.)
- La France a des atouts importants pour développer une politique ambitieuse en matière d’OpenData (excellence de ses formations en statistique, qualité de l’administration qui produit un réel gisement de données)
- En 1978, la France s’est dotée d’une législation en faveur de l’accès aux documents produits par l’administration. Plus de 30 ans après, le nombre de documents produits a été multiplié par 650.000. La société française est également devenue une société de la connaissance. Une frustration peut donc naître.
- L’OpenData, une opportunité pour une réforme des
institutions et une participation démocratique
- Avec l’OpenData, il est possible de détecter les investissements redondants réalisés par les diverses administrations
- Avec l’OpenData, il est possible de permettre aux citoyens de s’impliquer plus largement dans la vie publique
- L’OpenData, vecteur de création de richesses pour la
France, de développement de PME rentables et de création d’emplois en France
- Opendata ne signifie pas diffusion gratuite. Il permet à l’administration de valoriser l’usage de ses données par les entreprises;
- Le secteur du numérique migre progressivement dans une économie de la donnée. Les entreprises françaises doivent suivre ce mouvement.
Il est nécessaire que les administrations, tant nationales que locales, aient une politique volontariste en faveur d’une réelle diffusion de leurs données. Le CNNum est convaincu que l’ouverture au public de nombreuses données issues de l’administration ou des organismes para-publics recèle de formidables opportunités de nature non seulement citoyenne mais aussi économique.
III - En plus d’une éducation au numérique, il faut développer une éducation par le numérique
- Malgré un budget important, on croit savoir au sein du «ça» que 17% des élèves qui sortent de l’école primaire ne savent ni lire, ni écrire correctement
- Depuis de nombreuses années, les politiques publiques tendent à équiper plus largement les établissements d’enseignements en matière informatique.
- Il est nécessaire de compléter cette approche par une politique volontariste en faveur de l’éducation par les outils du numérique. L’équipement c’est bien, mais il faut booster l’envie.
Bon, le PR a réagi à tout cela, plutôt positivement, on a tous convenu qu’on n’était pas des bisounours et qu’il fallait avancer pas à pas à un moment clé de notre histoire à tous. Le numérique va continuer à s’ancrer dans les têtes de tous nos dirigeants, «ça» est là pour ça! Dans le texte officiel cela donne ceci:
Compte rendu de la rencontre avec les membres du Conseil National du Numérique
Le Président de la République a reçu aujourd'hui les membres du Conseil National du Numérique pour un déjeuner de travail à l'Elysée (très bon, merci). Lors de cet entretien, le Président et les membres du Conseil ont pu évoquer une grande variété de sujets parmi lesquels la compétitivité des entreprises du numérique français, la e-éducation, la formation aux métiers du numérique et la réforme des universités, ou encore la filière du financement de l'innovation et les investissements d'avenir.
Le Président a réaffirmé sa volonté de mettre les outils d'Internet au service d'une plus grande transparence de l'Etat, et sa détermination à faire avancer le chantier de la libération des données publiques au service de la croissance économique et de la démocratie (vive l’open data donc).
Il a réaffirmé la priorité que constitue pour la France la réussite des entreprises du numérique, qui occupent une place importante dans la compétitivité présente et future de notre économie, et dans la situation de l'emploi dans notre pays (y'a plus qu’à).
Il a également plaidé pour une plus grande valorisation des ressources numériques dans notre système éducatif, nos industries et nos services (on le laisse gérer, hein…).
Le Président a souhaité associer le Conseil National du Numérique à deux projets nouveaux:
- L'organisation d'une semaine dédiée au numérique, qui aura vocation à associer les acteurs de l'écosystème d'Internet à des événements professionnels ou grand public visant à promouvoir les technologies de l'information et de la communication dans notre pays (on est passé de la semaine du goût numérique aux journées du numériques, tant mieux).
- L'organisation d'une rencontre de haut niveau dédiée à la compétitivité du
secteur du numérique, qui rassemblerait des universités, des entrepreneurs et
des industriels du secteur. Le but de cette conférence sera de créer un
meilleur dialogue et des synergies concrètes entre ces trois maillons au cœur
de l'écosystème de l'internet français (là
aussi, il ya un début à tout, c’est bien de rapprocher des montagnes).
Le Président s'est réjoui du caractère ouvert et constructif du dialogue qu'il
a pu avoir avec les membres du Conseil National du Numérique, qu'il a remerciés
pour leur temps et leur mobilisation au service de la compétitivité de notre
pays (c’est normal, le numérique est une
chance pour tous donc profitons en!).
Giuseppe de Martino