«Si on enlève des statistiques les enfants issus de l’immigration, nos résultats ne sont pas si mauvais ni si différents de ceux des pays européens. Nous avons beaucoup d’enfants de l’immigration et devons reconnaître notre difficulté à les intégrer. Commençons par combattre l’illettrisme de leurs parents»
Marie Reynier, rectrice de l’académie d’Orléans-Tours, juin 2011.
Que peut bien vouloir dire, bon sang de bon soir, «enlever des statistiques»? C’est retrancher du total une partie de ce que l’on étudie?
C’est faire des «statistiques partielles»? Ce qui a à peu près autant de sens que de se demander combien il y a de canards rouges et combien de canards bleus dans une mare, mais en ôtant tous les canards bleus du décompte (et vice-versa). Ou combien d’élèves avec mention très bien au bac… en ôtant des statistiques tous ceux qui n’ont pas la mention très bien!
Marie Reynier devrait assurément se faire réexpliquer ce que sont les statistiques. La Tunisienne Aïcha Ben Dhia, major 2010 de Polytechnique, se ferait certainement un plaisir de lui offrir ce cours de rattrapage.
Bon, ensuite, «les enfants issus de l’immigration». Mais laquelle, ma bonne dame? Quelques repères spatio-temporels pour aider?
Ceux du Sud et du Nord, ou juste ceux du Sud? Ceux qui, issus de peuples évolués, et même, n’ayons pas peur des mots, civilisés, ne connaissent ni violence, ni problèmes sociaux, ni problèmes familiaux, ni problèmes scolaires? Ceux qui sont, toujours et partout, brillants et équilibrés, avec des parents lettrés, qui fécondent vigoureusement le patrimoine national de leurs belles différences?
Ou ceux qui, proches de la bête, avec des parents forcément ignares et analphabètes, souvent violents, envahissent nos belles écoles et tirent nos pauvres chères têtes blondes vers le bas?
Si donc nous suivons bien cette brillante rectrice, noble représentante locale de l’éducation nationale, malgré ses piètres résultats en son duché de l’Orléanais, les enfants qui ne cartonnent pas à l’école devraient simplement évacuer les bancs des classes qu’ils polluent de leurs mauvais résultats?
C’est vrai que l’école de la République n’a pas vocation à amener tous les enfants, quelles que soient leurs conditions (et accessoirement leurs origines), vers le savoir. Quelle idée farfelue! Ces enfants dits en «échec scolaire» étant tous nécessairement issus de l’immigration (et vice-versa), c’est la faute à ces filles et fils de migrants (du Sud, un peu de concentration) si le système scolaire orléanais est grippé. CQFD.
On enfoncerait bien le clou en dénonçant spécialement les primo arrivants, ces enfoirés, qui parfois ont temporairement besoin d’un soutien scolaire particulier...
C’est que dans le beau pays d’Orléans, au système pédagogique parfait, aux effectifs parfaits, aux équipes parfaites, à la rectrice parfaite, le seul problème, ce sont les enfants à éduquer, enfin surtout les basanés.
Ce que partage votre éminente ministre de tutelle, Valérie Pécresse, qui n’en démord pas elle non plus: si la France est aussi mal classée, c’est en raison «d’une immigration très nombreuse» dont les rejetons ne sont pas foutus d’intégrer «les savoirs, les codes, les fondamentaux», ces imbéciles.
Que les gens qui se sont penchés sérieusement sur la question, des statisticiens notamment, disent que les enfants d’immigrés, à conditions socio-économiques égales, réussissent mieux que leurs camarades, ça compte? On s’en fout un peu.
Ce qui compte, ce sont les élections. Ça vous mettrait un de ces bazars de déclarer que les enfants de pauvres ont de moins bons résultats et que c’est leur faute… C’est que les chômeurs, smicards et autres bénéficiaires de revenus sociaux seraient foutus de descendre dans la rue. Et comme ils sont de plus en plus nombreux…
Ça obligerait à revoir sa copie pédagogique, entre autres, aussi. Comme en plus la rectrice est revenue sur ses propos, faut pas dramatiser non plus. Oui, elle a dit comprendre que «les propos cités, sortis du contexte académique, aient pu heurter».
Ouf, on avait eu peur. «Ces jeunes ont un potentiel énorme, elle a dit aussi. Qu’ils utilisent cette intelligence pour faire des mauvais coups, c’est dommage.» C’est vrai.
C’est tellement vrai qu’on aurait bien une solution à proposer pour aider: pourquoi ne pas tous les envoyer à Mayotte? Ben oui, le vice-recteur y déplore «l’accent» de ses petits élèves, alors ça lui ferait plaisir, tous ces gamins parlant le métropolitain…
Neijma Lechevallier pour Les Indivisibles