Le 9 juin, l’Assemblée nationale en France et le Bundestag en Allemagne tiendront simultanément des sessions consacrées à la Taxe sur les transactions financières (TTF). Cette initiative franco-allemande constitue une avancée significative pour que cette taxe, que nous appelons de nos vœux depuis des années, voie enfin le jour : il faut que des pays leaders, comme la France et l’Allemagne, se décident à la mettre en place. Ce serait une excellente nouvelle pour la planète.
Peut être avez-vous une image négative de cette nouvelle taxe, souvent jugée utopiste? Ou craignez-vous qu’elle s’en prenne à votre portefeuille? Et bien non. Cette taxe est différente. Elle ne touchera que les transactions financières et permettra pourtant de faire face aux plus grands des défis qui se posent aujourd’hui à l’humanité, notamment le réchauffement climatique. Avec un taux de 0,05%, elle pourrait, selon les estimations, générer 465 milliards d’euros par an. De quoi agir en faveur de l’économie verte et de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, qui peinent à progresser.
L’instauration d’une taxe sur les transactions financières permettrait également d’agir pour la redistribution de la richesse et contribuerait à la stabilisation des marchés financiers en réduisant la spéculation à court terme, coupée de l’économie réelle. Tout cela sans que les contribuables ne soient affectés.
En dépit d’études récentes du FMI et de la Commission européenne qui démontrent que cette taxe peut facilement être mise en œuvre, de nombreux dirigeants politiques et du secteur financier continuent à la dépeindre comme inapplicable.
Comment ne pas voir, dans cette opposition systématique, la simple défense des intérêts ou plutôt des privilèges du secteur financier et la défense d’une vision à court terme. Les pourfendeurs de la taxe n’ont-ils que faire du bien être des individus, de la lutte contre la faim, et de la question colossale des enjeux environnementaux? Car le changement climatique concerne tout le monde, et d’abord les plus pauvres.
Quand les récoltes et l’habitat sont menacés par les inondations et les sécheresses, les familles les plus vulnérables risquent de basculer dans l’extrême pauvreté. Sommes-nous prêts à accepter cela pour protéger les intérêts d’un petit groupe qui tire seul les bénéfices de la spéculation financière?
Au cours des quatre dernières décennies (la première conférence mondiale sur le climat date en effet de 1979), les gouvernements ont reconnu l’urgence d’agir pour stopper le réchauffement climatique, mais ont continué à s’opposer sur les actions à mettre en place. Et malheureusement, les fonds promis n’ont pas été versés, ralentissant les efforts de réduction massive des gaz à effet de serre.
En décembre dernier, lors du sommet de Cancun, les gouvernements se sont mis d’accord pour créer le Fonds vert pour le climat géré par les Nations Unies, qui doit recevoir et distribuer 70 milliards d’euros par an. Mais personne ne sait pour l’instant d’où viendra l’argent; les gouvernements sont timorés et ne veulent pas ponctionner les budgets nationaux pour financer le Fonds vert. Un argument qui tomberait, si la taxe sur les transactions financières était décidée : elle peut à elle seule fournir ces ressources. Elle peut également contribuer à trouver les moyens financiers qui manquent pour lutter contre la faim et les carences des systèmes de santé par exemple, cela sans aucun impact sur les budgets des Etats ou des citoyens.
Tout comme la lutte contre les paradis fiscaux, la mise en place de cette taxe figure à l’agenda du G20 qui se tiendra sous présidence française à Cannes, en novembre prochain. Après le Parlement européen, favorable à sa mise en place, les Parlements français et allemand doivent aujourd’hui demander sa mise en œuvre rapide et simultanée dans les deux pays et ainsi envoyer un signal fort aux dirigeants du G20. De même qu’à l’ensemble des citoyens en attente de mesures concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique et la pauvreté.
Bernard Pinaud et Bernd Nilles
Bernard Pinaud est délégué général du CCFD-Terre Solidaire, Bernd Nilles est secrétaire général de la CIDSE, plateforme européenne de 16 organisations catholiques de solidarité international.
NB : A l’initiative des 16 organisations membres de la CIDSE, ce texte est publié simultanément par différents médias européens.