France

Départementales: les électeurs de droite n'ont pas tranché entre «ni-ni» et «ou-ou»

Temps de lecture : 5 min

Dans les duels opposant la droite au FN, les électeurs de gauche ont massivement voté pour les candidats UMP et UDI. A l'inverse, à droite, les électeurs se sont divisés entre abstention et vote pour la gauche et le FN.

Le second tour des élections départementales à Nice. REUTERS/Eric Gaillard
Le second tour des élections départementales à Nice. REUTERS/Eric Gaillard

Avec 31 cantons remportés sur 2.054, 4 au premier tour et 27 au second, et aucun département gagné, le résultat du FN lors des élections départementales est à la fois une progression et une déception pour sa présidente Marine Le Pen. Pour le parti frontiste, le second tour apparaît encore comme un palier difficilement franchissable en raison de reports de voix limités vers lui.

Les résultats du dimanche 29 mars ont confirmé les tendances déjà observées: report très majoritaire à gauche vers les candidats de l'UMP et du centre pour faire barrage au FN; attitude plus hésitante pour l’UMP, sans qu'on observe un report majoritaire de ses électeurs vers le Front national.

Dans le détail, qui a voté pour qui au deuxième tour? Voyons ce que nous disent les sondages pour les principales configurations électorales.

1.Duels droite-FNUn front républicain respecté à gauche, un peu moins au Front de gauche

Un bon report des électeurs PS vers le candidat UMP/UDI

Les chiffres varient selon les instituts mais nous livrent une tendance globale: le «front républicain» fonctionne bien à gauche dans les 537 cantons concernés par des duels UMP/UDI-FN. Selon un sondage Opinion Way pour L’Opinion réalisé auprès de 7.379 personnes, dans les duels UMP-FN, la majorité des électeurs socialistes (et partis alliés) se sont reportés vers le candidat UMP (58%) et 37% se sont abstenus.

L'institut CSA, qui a lui analysé quatre échantillons de 1.300 personnes interrogées le jour du scrutin, fait état d'un peu moins d'un électeur socialiste-Union de la gauche-PRG du premier tour qui s'est abstenu ou a voté blanc ou nul au second. Ceux qui ont voté pour un des binômes restants ont choisi dans l'écrasante majorité celui de la droite et/ou du centre.

«Front national: les raisons d’un succès non transformé» (CSA).

Un report moins automatique des électeurs Front de gauche

L'électorat de gauche socialiste et des binômes d'«Union de la gauche» se tient donc pour le moment au front républicain, mais c'est un peu moins le cas au Front de gauche. Ses électeurs ont en effet choisi majoritairement l’abstention ou le vote blanc ou nul (61-62%), contre 33% qui ont voté UMP, selon OpinionWay et CSA.

Le Front républicain a donc ses limites: comment fustiger la dérive droitière de l'UMP de Nicolas Sarkozy, tout en appelant à voter pour son parti au nom de l'antifascisme? Comme l'expliquait sur Slate.fr Nicolas Lebourg, «il s’agit de faire front commun tout seul avec un adversaire dont on affirme qu’il est égal à son ennemi... C’est une ligne peu claire, pour le moins

Sondage Opinion Way pour L'Opinion. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Une configuration qui limite la progression du FN

En moyenne, note CSA, le FN gagne 5,31 points, en proportion des exprimés, entre le premier et le second tour face à la droite, et ne remporte que trois cantons dans cette configuration.

La carte ci-dessous, réalisée par l'institut Harris Interactive, présente l'évolution du score du FN dans ces configurations de duels droite-FN au second tour. Les nuances de bleu correspondent aux niveaux de progression (plus c'est foncé, plus le FN monte): globalement, elle révèle une progression sur la quasi-totalité des cantons de cette configuration, et des poussées cependant limitées sur nombre de territoires en comparaison de la configuration gauche-FN.

Evolution du score du FN dans les duels droite-FN au second tour des élections départementales (Harris Interactive). Cliquez sur la carte pour l'agrandir.

2.Duels gauche-FNEntre «ni-ni» et «ou-ou»

Une minorité de l'électorat Front de gauche s'asbtient

Dans les duels gauche-FN (293 cantons), le report sur les candidats du PS et de ses alliés des électeurs du Front de gauche est substantiel: selon OpinionWay et CSA, environ quatre électeurs sur cinq ont voté à gauche au second tour, les autres choisissant de s'abstenir ou de voter blanc ou nul.

Au maximum un tiers des électeurs de droite auraient voté FN

Du côté des électeurs de droite, le «ni-ni» décidé par Nicolas Sarkozy semble avoir à moitié fonctionné. Selon les sondages OpinionWay et CSA, ils se sont partagés pour une grosse moitié entre report vers la gauche (29 à 32%) et vers le FN (20 à 27%), quand 44% à 48% d’entre eux s’abstenaient ou votaient blanc ou nul.

«Front national: les raisons d’un succès non transformé», CSA.

Ce report des voix UMP vers le parti frontiste, non majoritaire mais significatif, illustre une porosité croissante des électorats, mais il est aussi un handicap pour le FN: quand l'UMP et ses alliés se retrouvent en duel contre ce dernier, le discours bien à droite empêche le FN de faire le plein au second tour.

«Si [la gauche] a pu l'emporter dans plus de neuf cantons sur dix face au Front national, elle doit ce bon résultat au comportement des électeurs de la droite et du centre», remarque Yves-Marie Cann, directeur du pôle Opinion de l'Institut CSA. «Ce n'est donc pas du tout la configuration du Doubs», dernière législative partielle avant les départementales, lors de laquelle la moitié des électeurs UMP se seraient reportés vers le FN,qui affrontait le PS en duel. «Le fait que les électeurs de droite se soient davantage reportés sur la gauche que sur le FN a donc permis de limiter les gains du FN.»

Une configuration non transformée pour le FN

C'est donc sans surprise quand il se retrouve face à la gauche que le Front est le plus porté par les reports, même si son «taux de transformation» (le pourcentage de seconds tours gagnés) de 6,5% est limité. Selon Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique & Opinion d'Harris Interactive, la droite, lorsqu'elle est face au FN, gagne 1.143.000 voix entre les deux tours, la gauche, dans ses duels avec le FN, 356.000 seulement.

Dans le Sud ou dans l’Aisne, c’est quand il était face à la gauche que le FN a pu gagner dans la plupart des cantons (en duel, il a gagné 19 duels contre la gauche et trois contre la droite). Au national, il gagne en moyenne 9,43 points entre les deux tours dans cette configuration.

La carte des duels gauche-FN d'Harris Interactive (ci-dessous) montre une progression nette pour le parti de Marine Le Pen entre les deux tours dans ces duels droite-FN.

Evolution du score du FN dans les duels gauche-FN au second tour des élections départementales (Harris Interactive). Cliquez sur la carte pour l'agrandir.

3.Duels droite-gauche«Porosité asymétrique» entre les droites

Les électeurs FN votent plus UMP que l'inverse

Les duels d'où le FN était absent permettent de compléter l'analyse du comportement des électeurs des droites.

Selon le politologue Joël Gombin, de l'Observatoire des radicalités politiques (ORAP) de la Fondation Jean-Jaurès, de 70 à 80% des électeurs du FN votent à droite au deuxième tour, (OpinionWay donne un chiffre de 65%, contre 22% d'abstention). Ce qui fait dire au chercheur qu'il existe bien une «porosité» au sein d'un «bloc des droites» unique allant de l'UMP au FN, mais que cette porosité est «asymétrique»: «Il est beaucoup plus facile pour un électeur du FN de voter pour l'UMP que pour un électeur UMP de voter FN.»

C'est donc un succès pour la stratégie du «ni-ni» de Sarkozy: elle est aussi, note Joël Gombin, un «et-et», c'est-à-dire qu'elle permet à l'UMP de prendre des voix et au FN quand il est absent du second tour, et à la gauche quand celle-ci est éliminée et que la droite UMP-UDI se retrouve seule face au FN.

Une portion minoritaire de la gauche non-socialiste s'abstient

A noter que la moindre «discipline» des gauches non socialistes se retrouve dans les duels gauche-droite classiques, où, selon l'institut CSA, un cinquième des électorats (écologistes, Front de gauche, divers gauches) déclare s'abstenir, les chiffres étant proches pour OpinionWay (19% d'abstention pour l'électorat du Front de gauche, 14% pour l'électorat d'Europe Ecologie-Les Verts).

4.Triangulaire droite-gauche-FNLe FN paye sa marginalité

Enfin dans les cas de triangulaires, le FN reste prisonnier de sa marginalité et la carte Harris Interactive montre même (en orange) de nombreux cantons dans lesquels il recule entre les deux tours.

Evolution du score du FN dans les triangulaires droite-gauche-FN au second tour des élections départementales (Harris Interactive). Cliquez sur la carte pour l'agrandir.

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