Rezé, Loire-Atlantique
«Il vaut peut-être mieux que vous gariez votre voiture sur l’autre parking, l’autre jour on m’a volé mes quatre roues!» Au pied d’une immense barre de logements, à Rezé dans la banlieue de Nantes, la phrase peut paraître anodine, au moins à la hauteur de la réputation qui colle aux édifices de ce gabarit.
Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’un bâtiment ordinaire. Une fois passée la porte d’entrée, la Maison Radieuse de Rezé nous fait vite oublier les a priori qu’elle suscite. Il suffit de donner la parole aux habitants pour s’en rendre compte: un «village» disent-il, à la convivialité «hors norme». Dans l’histoire récente des grands ensemble, ils ne semblent pas bien nombreux les bâtiments qui rendent leurs habitants aussi fiers.
Qu’est-ce qui fait du «Corbu» un immeuble si différent des autres? La seule signature du maître, l’architecte Le Corbusier, justifie-t-elle pareil engouement? Ou bien la valeur du lieu est-elle contenue dans le sceau des Monuments Historiques, fièrement affiché face au hall d’entrée, sur l’un des nombreux piliers qui supporte l’ensemble?
1.L'unité d'habitation de Rezé, à l'ombre de Marseille
Construite dès 1952, la Maison Radieuse voit le jour à Rezé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tandis que la France organise sa reconstruction. Cinq ans après la Cité Radieuse de Marseille, Le Corbusier y poursuit son travail sur les «Unités d’Habitation de Grandeur Conforme», résultat d’un demi-siècle de réflexions sur l’habitat collectif.
Entre les deux, les moyens investis ne sont pourtant pas les mêmes. A Marseille, c’est un projet phare, parmi les premiers mis en place par le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme instauré sous le Gouvernement provisoire, tandis qu’en banlieue de Nantes, l’architecte suisse cherche à amorcer le passage du prototype vers une production en série: la construction sera d’ailleurs bien plus rapide, presque réduite de moitié, et prendra en compte les éventuels problèmes rencontrés sur le chantier marseillais.
Cinquante ans après sa mort, les deux bâtiments connaissent des destins bien différents. Celui de Marseille continue d’être représenté à travers les magazines comme un joyau architectural, abritant un hôtel, un restaurant, quelques commerces, et le très chic MAMO –musée d’art contemporain initié par le designer Ora-ïto–, l’Unité d’Habitation de Rezé, reste en revanche assez méconnue du grand public.
Terrasse de la Cité radieuse de Marseille, © FLC / ADAGP, Paris, 2015via Wikipedia, License CC
Marilyne Monnier, une habitante de la Maison Radieuse, auteure d’un livre sur l’histoire du bâtiment, rappelle les paroles d’André Wogensky, l’architecte-adjoint de Le Corbusier sur le projet:
«Marseille était financé par l’Etat (…). L’intérêt à Rezé, était de faire passer cette idée d’Unité d’Habitation en habitat social».
En conséquence: moins d’appartements, 337 à Marseille, contre 294 à Rezé, et des surfaces diminuées d’un quart, pour un confort également réduit.
«On n’a pas eu droit à la grande cuisine meublée, juste le passe plat!», se désole Martine Vittu, évoquant le mobilier de l’architecte et designer française Charlotte Perriand, fameuse notamment pour sa collaboration avec Le Corbusier dans la Cité Radieuse de Marseille.
Arrivée en 1956 à l’âge de neuf ans, Martine Vittu n’a depuis jamais quitté la résidence, malgré quelques déménagements intra-muros. Contrairement aux habitants marseillais, elle n’a pas eu la possibilité de monter quelques étages pour dîner au restaurant, ni de faire ses courses en chaussons à l’épicerie de l’immeuble:
«Ils ont un musée et une rue commerçante ouverts à tous, mais en contrepartie ils reçoivent énormément de touristes, ça ne doit pas être facile tous les jours».
A Marseille, la Cité Radieuse est désormais le troisième monument le plus visité de la ville.
Maison Radieuse de Rezé par David Abittan ©F.L.C./ ADAGP, Paris, 2015
Avec 5000 visiteurs par an, la Maison Radieuse de Rezé n’a pas à rougir de sa fréquentation:
«Nous recevons environ 1500 personnes pour la seule journée du patrimoine. Il y a bien quelques résidents qui s’enferment chez eux, ou en profitent pour partir en week-end…».
Mais la principale différence entre les unités d’habitation de Marseille et de Rezé réside sans doute dans la répartition des populations qui y vivent: uniquement des copropriétaire à Marseille, contre 55% de logements sociaux dans la Maison Radieuse de Rezé. Ce mélange social, bien sûr, est loué par la quasi-totalité des habitants croisés sur place. Dans les faits, il semblerait que ce soit surtout les 45% restants, locataires du privé et copropriétaires, que l’on retrouve en majorité dans les clubs et les événements mis en place au sein de l’immeuble.
Martine Vittu, institution dans l’institution, a vu passer des centaines de nouveaux résidents en 59 ans de présence ici:
«Les propriétaires et les locataires du parc privé viennent ici en connaissance de cause, pour l’architecture, et pour la vie sociale. A l’inverse, certains locataires HLM à qui les appartements de la Maison Radieuse ont été proposés ont pris peur en découvrant l’architecture et les modes de vie. Certains ne voulaient même pas rentrer dans le hall!»
2.Un village vertical plutôt qu'un grand ensemble
Vue de l’extérieur, l’imposante barre grisonnante peut dérouter. L’arrivée immédiate et circonscrite de plusieurs centaines d’habitants dans une ville qui n’en comptait alors même pas 20.000, n’a sans doute pas aidé à l’acceptation du bâtiment dans son environnement. Martine Vittu se rappelle des préjugés dont son immeuble faisait l’objet:
«Dans les premières années, les gens de la ville disaient que l’immeuble était "un repaire de mauvais garçons", c'est vrai qu’on vivait alors beaucoup en autarcie».
Soixante ans plus tard, forcément, l’image a évolué, «mais ceux qui ne connaissent pas sont souvent assez critiques!» Pourtant, derrière une silhouette de grand ensemble, la cohabitation se passe plutôt bien: «On a quelques problèmes d’incivilité, des squats dans les escaliers, quelques tags… Mais globalement ça va!», tempère Anne Scotet, présidente de l’Association des Habitants de la Maison Radieuse.

Par David Abittan ©F.L.C./ ADAGP, Paris, 2015
Plutôt qu’aux grands ensembles –nés en France dans les années 30, mais qui se multiplient à partir de la Libération– Le Corbusier aimait à comparer le bâtiment à un «village vertical». 1500 habitants initialement, 700 désormais, c’est toujours plus que la moitié des communes françaises d’aujourd’hui.
Mais à l’image de celles-ci, où les centres-villes se vident au profit de zones commerciales, la Maison Radieuse a connu une diminution de son offre de services: «avant, nous étions livrés chez nous en lait et en pain, il y avait dans le hall un marchand de journaux» se rappelle Martine Vittu, «mais tout a disparu avec l’arrivée du Leclerc» à quelques centaines de mètres, dans les années 1970.
Plus tard en 2002, le guichet de la Poste du hall d’entrée a également été fermé.
3.L'utopie déplacée: la vie sociale prend le pas sur l'architecture
Pourtant, il en aurait fallu bien plus pour dire que l’utopie Corbuséenne n’a pas eu lieu; au pire s’est-elle transformée avec le temps. Car si aujourd’hui les services offerts par la Maison Radieuse diffèrent grandement de ce qu’ils auraient dû être, le cadre de vie reste particulièrement heureux. Et ce n’est pas dû aux seuls mérites de l’architecte suisse.
Les amateurs d'architecture du monde entier peuvent bien se presser pour toucher ces murs plusieurs fois rénovés, voir les étonnants détails mis en place par Le Corbusier –depuis les mini-fenêtres pour enfants leur permettant d’accéder aux loggias, jusqu’aux ingénieux rangements de casseroles par dessus la hotte de cuisine–, le changement d’époque a été implacable avec l’oeuvre.
La terrasse en est peut-être l’exemple le plus frappant. Pour le visiteur qui arrive à s’y rendre (l’accès est restreint aux heures d’entrées et sorties de l’école), elle ne présente qu’un mélange navrant de volumes bétonnées, au mieux juste assombris et détériorés par le vieillissement, au pire inadaptées, comme l’escalier sans garde-corps menant à la machinerie de l’ascenseur et au château d’eau, ou mal-pensées, comme le bassin de la cour de récréation de l’école maternelle, aujourd’hui vidé, où l’on n’imagine pas voir un enfant patauger.
Et même si les parties communes et les appartements s’en sortent beaucoup mieux, ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher l’engouement pour les appartements de la Maison Radieuse. Rémi Darloy, agent immobilier à Rezé l’assure:
«Un appartement en bon état, ici, il ne reste pas vacant bien longtemps.»

David Abittan ©F.L.C./ ADAGP, Paris, 2015
Selon la taille et l'état, les appartements coûtent à l'achat entre 100.000 et 180.000 euros; un T4 en bon état c'est 150.000 euros: les prix de Rezé, auxquels s'ajoutent des charges, et un important surcoût lorsqu'il y a des travaux de rénovation du fait du classement aux Monuments Historiques.
Les chambres en couloir, de 10 mètres carrés, ne correspondent pas aux standards actuels, mais selon Rémi Darloy, «beaucoup de ceux qui viennent nous voir veulent du Corbusier, donc ça ne leur pose aucun problème! Pour les autres, ça peut parfois les faire hésiter.»
Originaires des environs pour certains, les prétendants au «Corbu» semblent avoir été attirés avant tout par une manière différente de vivre, à commencer par la vie sociale du lieu, «hors norme».
Anne Scotet fait partie de ceux là. Il y a sept ans, elle a quitté sa Bretagne d’origine pour découvrir ici une nouvelle vie en communauté: «J’avais entendu parler du bâtiment, sans doute dans la presse, et j’ai voulu en savoir plus…» Comme beaucoup ici, elle ne s’imagine désormais pas quitter le lieu.
Julie, croisée dans l’ascenseur tandis qu’elle emmenait sa jeune fille en maternelle, était surtout intéressée par l’école: «Je voulais que ma fille vienne ici car je savais qu’on y enseignait dans de bonnes conditions. » Après quelques mois à l’accompagner jusqu’au toit-terrasse, elle finit par se renseigner sur les logements disponibles:
«Malheureusement, il n’y avait pas d’appartement pour nous, mais on va déménager juste à côté, comme ça on pourra quand même profiter un peu de l’ambiance.»

David Abittan ©F.L.C./ ADAGP, Paris, 2015
Quant à Anne, nouvelle locataire arrivée quelques jours plus tôt, elle assure de son côté n’avoir pas eu vent de la vie particulière qui prenait place ici: «Je connaissais vaguement le bâtiment, je passais souvent devant, mais ce n’est que par la grâce d’un agent immobilier que j’ai pu y rentrer.»
Son appartement la ravie, ses enfants, d’abord intimidés par la taille de l’ensemble, sont désormais emballés, quant à cette ambiance de voisinage, elle s’avoue plutôt surprise:
«Je ne m’attendais pas du tout à cette vie de collectivité!».
4.Aux origines de cette vie sociale: Le Corbusier ou les habitants
Avec près de 150 adhérents, l’association des habitants est souvent citée pour expliquer la bonne entente qui règne dans le lieu. Avant l’inauguration de la Maison Radieuse, quelques mois même avant les arrivées de ses habitants, les premières bases d’une association semblent posées. Dans son livre retraçant l’histoire du bâtiment, Maryline Monnier déterre un courrier de janvier 1955:
«L’association des habitants pourrait peut-être demander à Le Corbusier s’il est d’accord pour appeler l’immeuble du nom de "Maison Radieuse". Qu’en pensez-vous?»
L’architecte fut sollicité, et accepta l’appellation proposée.
En octobre de la même année, l’association se targue d’avoir déjà organisé différents comités: «entraide, fêtes, plein-air, art-et-vie». Ces ancêtres des «clubs», qui prendront place dans les salles dédiées situées entre les étages d’habitation, continuent leurs activités encore aujourd’hui, avec plus d’une dizaine d’animations proposées aux habitants, une bibliothèque, une recyclerie, un jardin partagé, et bientôt un studio de répétition.
David Abittan ©F.L.C./ ADAGP, Paris, 2015
Mais pour les plus anciens habitants de la Maison Radieuse, au-delà des clubs, c’est surtout la coopérative qui a forgé cet esprit de groupe. A l’origine, chaque habitant était amené à se retrouver propriétaire de son logement au bout de 65 ans de location. Le système était tant plébiscité qu’il réussit à subsister quelques années encore après la promulgation d’une loi de 1971 abrogeant ce fonctionnement. Albin Chalandon, alors ministre de l’équipement et du logement, justifiait cet arrêt notamment par «l’illusion» de propriété créée par les délais très longs de location qui permettaient l’acquisition du bien.
A regret, les habitants durent se décider à devenir soit propriétaires de leur appartement, soit locataires sociaux. Plus d’un tiers des résidents ont alors quitté le bâtiment, certains de peur notamment de perdre l’esprit de convivialité qui animait les couloirs. Martine Vittu fut de ceux qui restèrent, mais garde un brin de nostalgie pour décrire les années d’alors:
«On était tous tellement impliqués dans la gestion de notre cadre de vie, on ne laissait rien passer, c’était notre maison!».
Reste à savoir quelle est la composante qui a entraîné l’autre: est-ce simplement l’architecture de la Maison Radieuse qui a mis en place cette volonté de vivre ensemble? Ou bien ce bouillonnement de vie social a-t-il permis de préserver, et d’exalter la disposition des lieux? Les avis sont partagés.

Module de deux appartements «type» sur trois étages, via Wikipedia, License CC
Au delà du confort, inouï pour l’époque, qu’ont pu apporter les bâtiments de l’après-guerre –toilettes et douches individuelles, chauffage au sol, double vitrage–, Le Corbusier multipliera les innovations dans ses cinq unités d’habitations que comptent la France et l’Allemagne. A commencer par l’agencement des appartements les uns par rapport aux autres autour des «rues intérieures» –qui permet la multiplication des duplex traversants dans le bâtiment, mais aussi et surtout, l’entrée unique: ce seul hall qui dessert les presque 300 logements.
Valérian Denechaud, l’un des guides chargé d’animer les visites des mercredis et samedis, commence d’ailleurs ainsi sa présentation de la Maison Radieuse: «Imaginez une petite ville, dont toute la population est amenée à se croiser dans un espace unique, de taille pourtant modeste».
Ça ne paraît pas grand chose, dit comme ça, et pourtant c’est sans doute l’un des spectacles les plus étonnant qu’offre l’immeuble. A 19h, tandis que les trois ascenseurs se relaient, aussi pleins les uns que les autres, le banal hall d’entrée se transforme en une place de village, ambiance jour de kermesse. Les voisins se croisent et s’apostrophent dans un brouhaha généralisé, bonjour quasi-obligatoire, tutoiement omniprésent.
Et comme un clin d’oeil aux volontés de vie sociale de l’architecte, une fois monté dans l’un des trois ascenseurs, la vétusté technique prolonge le lien d’une bonne dizaine de seconde avant que les portes ne daignent s’ouvrir sur chacune des six rues que compte la Maison Radieuse.
Passé cet engorgement opportun, le lieu laisse aussi le choix aux plus réservés de vivre à l’écart de l’agitation. La très bonne isolation phonique prévue par la structure de l’édifice, autant que la double orientation d’une grande partie des logements, donne à chacun l’impression d’occuper une maison individuelle.
Sans compter l’immense parc qui entoure le bâtiment, et qui réduit à minima les vis-à-vis avec les maisons alentours. Un habitant de la sixième rue (16ème étage) confirme cette sensation d’indépendance: «On peut très bien se balader à poil, lumière allumée, personne ne nous voit!». Un plaisir, que Le Corbusier lui-même n’aurait sans doute pas renié.
5.Des logements qui évoluent avec le temps

©David Abittan
Le Corbusier, qu’on ne s’étonnerait d’ailleurs presque pas de croiser au détour d’un couloir, tant le lieu porte son empreinte. Habiter «au Corbu», c’est lire chaque jour son nom des dizaines de fois, depuis l’arrêt de bus jusqu’aux affiches des parties communes. On en viendrait presque à rêver du Modulor, le personnage ébauché par l’architecte, dont les proportions ont servi à élaborer les dimensions du bâtiment.
Mais là aussi, passées les portes de leurs appartement, libre aux habitants de retrouver un aménagement qui leur est propre, parfois bien différent de l’état initial. Monument historique ou pas, seules les parties communes de l’immeuble sont classées. Chez soi, chacun fait ce qu’il veut.
L’appropriation des logements par les habitants est très différente d’un voisin à un autre. Les locataires HLM se sont vus proposer en 1988 un nouveau meuble en remplacement du fameux «passe-plat», incontournable des unités d’habitation. Du côté de la copropriété, certains au contraire sont allé jusqu’à engager des travaux pour retrouver l’état d’origine de la «cellule»: depuis les interrupteurs et les poignées de porte, jusqu’à la très modeste «douche à l’italienne», en passant par le mobilier. Il se murmure ici que ce sont surtout les nouveaux arrivants qui cherchent à retrouver ce cachet d’origine.
Dans le vocabulaire local, «nouvel arrivant» caractérise un voisin venu dans les dix dernières années. Car la Maison Radieuse, on l'aime ou on la déteste, mais quand on l’aime, on ne la quitte pas facilement! Parmi les plus anciens, certains ont connu différents appartements de l’immeuble. D’autres, à l’inverse, n’ont pas bougé depuis des dizaines d’années, malgré les évolutions de leurs familles.
Voilà de quoi justifier des chiffres étonnants: à peine plus de deux habitants par logement dans un immeuble qui compte une majorité de 4 pièces. Une manière notamment d’expliquer les nombreuses libertés prises par les résidents sur le plan originel de leur logement. Avec tout de même quelques limites: ceux, par exemple, qui se sont risqués à abattre la cloison reliant le sas d’entrée au séjour se sont retrouvés confrontés aux bruits des parties communes. Si certains réaménagements tombent sous le sens pour moderniser le logement, d’autres rappellent combien, sur certaines questions au moins, Le Corbusier n’avait pas tort.
6.Un équilibre fragile
Souvent prise comme modèle pour la mise en place de projets d’habitations participatives, la Maison Radieuse de Rezé n’en reste pas moins fragile dans son équilibre. Depuis son ouverture il y a soixante ans, plusieurs événements sont venus troubler la solidité de l’ensemble. Ce fut le cas avec la loi Chalandon de 1971, réformant l’habitat coopératif, contre laquelle une lutte intense s’était alors mise en place. Plus tard, une émotion vive a accompagné la fermeture du guichet de la Poste en 2002.
A présent, c’est l’école maternelle, située sur le toit-terrasse du bâtiment, qui est menacée de fermeture, du fait d’un nombre trop restreints d’élèves inscrits. L’élargissement du périmètre desservi par l’école, promis lors des dernières municipales, ne semble plus désormais à l’ordre du jour. A l’inverse, la disposition des lieux, et particulièrement de la cour de récréation, les déplacements des élèves vers l’école voisine à l’heure du déjeuner, et les impératifs de sécurité, notamment en cas d’évacuation, ne permettrait pas de faire venir ici une population trop importante.
Sylvie Riam, directrice depuis huit ans de l’Ecole Maternelle Le Corbusier se désole d’une éventuelle fermeture:
«L’école n’est vouée à accueillir qu’un petit effectif, ça permet un travail de suivi très efficace pour les enfants en difficulté, et plus largement pour leurs familles. Et du point de vue de la Maison Radieuse, c’est l’école qui est avant tout garante de sa mixité sociale! C’est ici, plus qu’ailleurs, que les mélanges se font, par-delà les cultures et les milieux sociaux.»
7.La fierté d'habiter un monument historique
Des enjeux qui passent bien au-delà des préoccupations d’une grande partie des curieux amenés à rentrer dans le bâtiment. A suivre l’une des visites guidées qu’organise la mairie deux fois par semaine, on se rend mieux compte de la valeur patrimoniale dont bénéficie la Maison Radieuse. Tous les étudiants en architecture de France ont, à l’évocation de ce bâtiment, une sélection d’images en tête: Le Corbusier, une école sur le toit, et 300 appartements identiques meublés à la mode des années 1960.
Même s’il ne s’avère pas tout à fait exact, c’est aussi ce mythe qui rend les résidents du Corbu si heureux de leur habitation. Une étude sociologique menée par la chercheuse en sociologie Sabrina Bresson à l’Université de Tours, en 2010 évoque la fierté des habitants des logements sociaux de la Maison Radieuse de vivre dans un monument historique.
Voilà d’ailleurs peut-être le chaînon manquant qui relie l’architecture des lieux et la bonne entente qui y règne. Et si l’oeil bienveillant posé sur un bâtiment suffisait à rendre son cadre de vie agréable? Ça, et se balader nu les lumières allumées…