Fini les conseillers généraux: dimanche 29 mars, à l'occasion du second tour des élections départementales, les Français votent pour élire des «conseillers départementaux». Le Conseil général deviendra également «Conseil départemental». Des changements qui ont été décidés par la loi du 17 mai 2013 dans un souci de simplification du vocabulaire pour améliorer la visibilité des collectivités.
Une idée de clarté «logique sur le papier», mais qui a un coût, souligne le site Politique.net: 2 millions d’euros par exemple pour le département de la Côte d'or, selon son président François Sauvadet (UDI), cité par le Canard enchaîné dans un article du 25 février. Le département, contacté par nos soins, a apporté quelques précisions sur ce chiffre:
«Nous allons avoir trois élus supplémentaires, soit un coût de 758.000 euros sur la durée du mandat. Le coût du changement de nom en lui-même va s’élever à 1,3 million d’euros.»
Ce chiffre diffère très largement selon les départements: les Ardennes, elles, estiment le surcroît de dépenses à 170.210 euros alors que d’autres, comme les Bouches-du-Rhône, ne chiffrent pas de surcoût.
S’il est vrai que les logos des conseils généraux «s’affichent partout: sur les façades des assemblées départementales, les camions de pompiers, les bus scolaires, les courriers à en-tête...», relève le Figaro, et qu’avec la nouvelle législation, ces supports devraient être changés, il existe donc de grandes disparités entre les départements.
Quels sont les supports qui devront être modifiés? Et combien cela coûtera-t-il?
Graphique réalisé grâce à Piktochart
Les bâtiments
La signalétique des bâtiments, parmi lesquels les diverses administrations, les collèges et gymnases, les Maisons de la solidarité et Maisons départementales des personnes handicapées, les bâtiments en lien avec les routes, les bibliothèques et archives départementales, les lieux touristiques et culturels, sera affectée par le changement d’appellation, énumère le Conseil général des Ardennes.
Concernant les collèges, ce sont les plaques ou totems à leur entrée qui devraient être changés. Une «simple» plaque coûte approximativement 500 euros au département des Ardennes. Le Conseil général de la Sarthe dépense lui quelques 3.000 euros pour un totem.
Étant donné que la Sarthe compte 58 collèges, on estime le prix du changement de signalétique des collèges à 174.000 euros. Pour les Ardennes, qui comptent 47 collèges, à 500 euros la plaque, le chiffre serait de 23.500 euros.
Au total, la Côte-d’or avance elle un prix de 400.000 euros pour changer l’affichage des tous ces bâtiments, auxquels viennent s'ajouter 38.000 euros pour la signalétique des routes: 20.000 euros pour les abribus, 10.000 euros pour les différents panneaux et 8.000 euros pour les bornes kilométriques le long du réseau routier.
Pour d'autres départements, l’impact sera neutre. Ainsi, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône a décidé de n’utiliser la nouvelle appellation que pour les nouveaux bâtiments et de laisser les deux noms coexister pour l’instant:
«Si plus tard, nous remarquons qu’une confusion est faite, il y aura peut-être des changements.»
Panneau du département du Gard, via Wikimedia Commons
Les transports
Un autre budget conséquent est celui réservé aux transports. Pour la Meurthe-et-Moselle, il s’agit même de la dépense la plus importante. Le conseil nous a communiqué le détail des supports à changer: on y trouve les cars départementaux et les véhicules de service de la collectivité, comme les camions des routes, ceux du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) ou encore les véhicules des états-majors de l’Armée de Terre.
La Sarthe estime qu’il faut 2.000 euros par car et le département en compte 80, soit un total de 160.000 euros. Mais d’autres départements en comptent bien plus, comme la Meurthe-et-Moselle, qui dispose de 350 cars sur son réseau.
Certains départements, comme le Bas-Rhin et le Puy-de-Dôme, ont décidé de changer l’habillage des véhicules au rythme de l’entretien. D’autres, comme les Charentes-Maritimes, attendent le résultat des élections départementales et le vote du projet de loi NOTRe pour s’occuper des véhicules.
Si les départements ne comptent pas tous effectuer des modifications immédiates en ce qui concerne les bâtiments ou les transports, passer de «Conseil général» à «Conseil départemental» est indispensable sur Internet. Il faut modifier les noms de domaine, en acheter de nouveaux, changer les adresses mail, changer le logo sur le site et vérifier que les termes ont bien été changés sur toutes les pages.
Pour les noms de domaine, le département du Bas-Rhin a dû acheter «cd67.com», «cd67.net» et «cd67.fr»pour éviter le cybersquattage alors que l’adresse officielle de son site reste «bas-rhin.fr». Idem pour les Bouches-du-Rhône, qui laisseront les noms de domaine «cg13» et «cd13» coexister pendant un temps «pour que les internautes s’habituent à la différence».
À titre d’exemple, sur l’hébergeur OVH, les extensions .fr, .com et .net coûtent chacune 6,99 euros hors taxe par an. Quant au forfait qui permet d’obtenir un mail avec son nom de domaine (comme «[email protected]»), il est de 3,29 euros hors taxe par mois.
Au total, le département des Ardennes chiffre les modifications à faire sur le site et le changement de 1.500 adresses mail à 4.000 euros. La Côte-d’or compte quant à elle 30.000 euros pour la «mise à jour des applications informatiques».
D’autres départements gèrent les sites en interne et, de fait, ne devraient pas dépenser beaucoup outre l’achat du nom de domaine et des adresses mails, comme la Corrèze. Sans compter que certaines collectivités, par souci de visibilité, n’ont déjà plus les mots «conseil général» dans leur URL. C’est le cas de gironde.fr, yvelines.fr ou encore landes.org.
Les supports administratifs
Sont compris dans les supports administratifs les «papiers à en-tête, les enveloppes, les cartes de visite ou les tampons propres à chaque service», relate le Conseil général de la Sarthe.
La Côte-d’or estime que le changement de nom aura «évidemment» un impact sur ces fournitures de bureau, estimé de 150.000 euros. L'estimation est bien plus basse pour les Ardennes: «On estime qu’un stock sera perdu et que le coût du réapprovisionnement serait approximativement de 6.750 euros», explique le département.
Pour le Conseil général de la Marne, le réapprovisionnement de papeterie se fait en interne et pour «pas grand-chose». «Nous avons la chance d’avoir une imprimerie intégrée», souligne la collectivité.
L'équipement
Il faut aussi penser aux équipements de protection individuelle, c’est à dire aux vêtements de travail. Sur le site d'achats publics UGAP, un ensemble veste et pantalon floqués de la gamme Espaces verts coûte près de 150 euros. La Côte-d’or a calculé qu’il faudrait 110.000 euros pour tout renouveler. Dans le Bas-Rhin, le président du conseil Guy-Dominique Kennel (UMP) a d’ores et déjà prévu que le renouvellement des équipements se ferait au fur et à mesure, selon l’usure. Depuis plus d’un an, les vêtements commandés portent le nouveau logo.
Le matériel publicitaire
Enfin, il faut aussi compter avec un surcroît de dépenses relatif au matériel publicitaire: banderoles et calicots, objets promotionnels ou encore création du nouveau logo.
Il y a cinq ans, la Charente-Maritime avait ainsi changé de logo. Le département avait fait appel à deux agences, l’une de graphisme et l’autre de typographie, pour un coût de 15.000 euros.
Pour leur part, la Côte-d’or table sur 52.500 euros pour changer les objets publicitaires et la Meurthe-et-Moselle estime que l’adaptation de son logo lui coûtera 150.000 euros. Pour changer le logo sur tous les supports, l’Hérault table lui sur 1 million d’euros.
Graphique réalisé grâce à Piktochart
Le résultat des courses
Au final, l’impact de la loi du 17 mai 2013 sur le porte-monnaie des collectivités est plus que fluctuant. Certains départements annoncent des millions de dépenses (l’Hérault de 3 à 4 millions pour tout changer), d’autres des centaines de milliers («à la louche», l’Aveyron table sur 400.000 euros), d’autres, plus minimalistes, zéro centime (les Landes). Certains Conseils généraux ont en effet décidé de limiter les dépenses, quitte à voir cohabiter des logos dépassés avec les nouveaux.
D’autres n’ont pas encore effectué le calcul. Les élections départementales peuvent en effet changer la donne, puisque beaucoup de départements devraient changer de majorité. Sans compter que certaunes compétences des départements pourront être prises en charge par un autre échelon (commune, région) après le vote final du projet de loi NOTRe.
En tout cas, la coexistence de l’ancien nom et du nouveau n’est pas cohérente pour le Conseil général de la Côte-d’or:
«L’objectif avancé de la réforme est la clarté. Mais si l’on autorise les deux appellations à cohabiter pendant un temps, cet objectif de clarté n’est pas atteint. Soit il coûte trop cher, soit il est simplement bon à jeter à la poubelle.»
Même son de cloche du côté du Bas-Rhin:
«C’est une question de visibilité de l’institution. Déjà que les gens ont du mal à savoir ce qu’est un Conseil général, en plus, cette année, ils votent à des départementales. Il faut leur montrer ce pourquoi ils ont voté, que ce soit visible.»