Une étude psychologique de 1999 avait montré que dans plusieurs domaines, moins une personne est qualifiée, plus elle a tendance à surestimer ses compétences (effet Dunning-Kruger). Une autre étude qui vient d'être publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences complète ce tableau: les personnes qualifiées ont tendance à prendre en compte l'avis de personnes qu'elles savent moins compétentes, alors que ces derniers ne reconnaissent pas la supériorité des experts, rapporte le Washington Post.
A la suite d'une série d'expériences, des chercheurs en neurosciences de l'Université de Téhéran (en partenariat avec des universitaires chinois et allemands) ont trouvé qu'il y avait une forte tendance à préférer une sorte de cohésion du groupe au détriment de la vérité. Les compétents faisaient comme si ceux qui avaient tort étaient aussi compétents qu'eux.
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont mis en place le dispositif suivant: 98 hommes ont été mis en paire de deux et on leur a montré des écrans avec une cible qui apparaissait brièvement. Ce petit test a été répété 256 fois, et les chercheurs demandaient ensuite aux participants de dire où le signe était apparu.
Au bout de plusieurs tests, il s'avérait qu'un des «cobayes» était clairement plus efficace que l'autre, mais quand on demandait au duo de rendre sa décision finale, les plus compétents avaient tendance à suivre l'avis de leur partenaire moins compétent dans plus de 40% des cas, alors que les partenaires moins efficaces écoutaient l'«expert» dans 50% des cas. Ils s'écoutaient donc à peu près également, même lorsque les chercheurs leur donnaient les scores de chacun pour souligner les différences de compétence. La situation ne changeait pas non plus lorsqu'on leur proposait de l'argent pour toute bonne réponse. Les compétents ne se faisaient toujours pas assez confiance.
«Les gens considèrent que dans un débat, chaque opinion mérite d'être entendue, écrivent les auteurs de l'étude. Cette hypothèse semble inoffensive, mais elle peut être dommageable lorsqu'il s'agit de prendre des décisions au sein d'un groupe.»
Afin de voir si des biais culturels entraient en jeu, les participants de l'étude venaient de pays différents –le Danemark, la Chine et l'Iran– mais les résultats n'ont pas varié selon les origines.
Un des auteurs, Bahador Bahrami, explique les possibles raisons de ces comportements à Medical News Today:
«Si les gens écoutent d'autres personnes lorsqu'il s'agit de prendre une décision, alors ils partagent ensemble la responsabilité d'une erreur potentielle. La peur de l'exclusion sociale peut aussi jouer un rôle: une personne moins compétente veut que son opinion soit représentée afin de se sentir important et inclus dans le groupe. Quant aux personnes plus compétentes, elles veulent peut-être éviter d'ignorer et d'exclure les autres personnes.»