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Hillary Clinton est maudite, la preuve avec le «scandale» des mails privés

Temps de lecture : 4 min

L'histoire des emails de l'ancienne secrétaire d'Etat américaine est un scandale parce que les gens la suspectent en permanence de préparer un mauvais coup.

Hillary Clinton, à New York, le 3 novembre 2014. REUTERS/Carlo Allegri
Hillary Clinton, à New York, le 3 novembre 2014. REUTERS/Carlo Allegri

Lundi soir, le New York Times a balancé une petite bombe: alors qu'elle était secrétaire d'Etat, Hillary Clinton n'a pas utilisé son adresse mail du gouvernement. Elle n'en avait même pas une. La totalité de ses correspondances –des notes à son staff aux discussions avec des diplomates– s'est faite avec un email privé. «Ses conseillers», note le New York Times «n'ont rien fait pour que ses emails personnels soient préservés sur les serveurs du département à l'époque comme le requiert pourtant le Federal Records Act».

Selon Jason Baron, un ancien officiel des Archives nationales, ceci est une action assez incroyable.

«Il est difficile d'envisager un scénario où une agence pourrait légitimer l'autorisation pour la personne à la tête d'un cabinet d'utiliser un canal de communications par email privé pour la conduite d'un travail gouvernemental.»

Il n'a pas fallu longtemps pour voir arriver le danger. La transparence mise de côté, si Clinton travaillait avec une adresse email non chiffrée, tout un tas de communications officielles aurait pu être surveillé par une puissance étrangère. Et sur le plan politique, cela semble être un exemple de plus du goût du secret et de la sournoiserie d'Hillary Clinton. C'est pourquoi Chris Cilizza a déclaré dans le Washington Post que «c'est une mauvaise affaire pour elle et sa campagne présidentielle, parce que cela renforce ce que beaucoup de gens n'aiment déjà pas chez les Clinton».

Vraiment? Même si cela a apporté de l'eau au moulin des critiques d'Hillary Clinton, si l'on y regarde de plus près, la bombe du New York Times n'en est pas vraiment une.

Au moins un des récents prédécesseurs d'Hillary Clinton, Colin Powell a également utilisé une adresse email personnelle pour des affaires professionnelles. Mais ce n'était pas un vrai problème, ce qui nous amène vers une question importante: quelles étaient les règles quand Hillary Clinton est devenue secrétaire d'Etat? Si elles ont changé avant 2009 –ou alors qu'elle était en poste– son utilisation d'une adresse email privée aurait l'air calamiteuse. Mais si elles n'étaient pas en place –si elles datent d'après son départ du secrétariat d'Etat–, alors ce n'est pas aussi grave que cela en a l'air.

Dans le Wall Street Journal, on apprend que la réponse est une bonne nouvelle pour Hillary Clinton. Quand elle est devenue secrétaire d'Etat en 2009, l'email ne faisait pas partie des règles sur les archives fédérales. Un peu plus tard cette année-là, cela a changé quand la National Archives and Records Administration a introduit de nouvelles règles «permettant aux employés de traiter des affaires professionnelles sur des comptes email non-officiels», tant qu'ils conservaient les archives dans «dans les systèmes d'archivage appropriés».

Les autres instructions ont été mises en place en septembre 2013, bien après le départ d'Hillary Clinton. Les Archives nationales déclaraient alors que «les employés fédéraux ne devraient pas utiliser de comptes emails personnels pour conduire des affaires professionnelles, sauf dans des cas limités, comme lors d'urgences quand un officiel ne peut pas accéder à un compte officiel», rappelle le Wall Street Journal.

John Kerry, le nouveau secrétaire d'Etat est donc le premier à devoir effectuer tout son travail avec une adresse email officielle.

En refusant de partager des informations, même quand cela est inoffensif, Hillary Clinton perd le bénéfice du doute

La loi sur les emails et les archives fédérales a changé en 2014 avec le Federal Records Act, qui exigeait que les agences gouvernements conservent les documents –y compris les emails– qui décrivent «l'organisation, les fonctions, les politiques, les décisions, les procédures et les transactions essentielles». Ceci sert à inciter les officiels à utiliser les adresses fournies par le gouvernement –si vous êtes dans le système, vous n'avez pas besoin de vous creuser la tête pour conserver les archives.

Tout ceci devrait aider Hillary Clinton. Elle n'a pas enfreint la loi, il y avait un précédent, et au pire, elle a été un peu lente à appliquer les règles de 2009 sur le stockage et l'archivage.

Mais cela ne l'aidera pas, parce que même si elle n'a pas enfreint la loi, elle a certainement ignoré son esprit.

Jetez un nouvel coup d'œil à cette histoire. Hillary Clinton n'a pas seulement utilisé un email personnel parce que c'était pratique, elle a spécifiquement enregistré un nouveau domaine –clintonemail.com– une semaine avant son audition par un comité du sénat pour le poste. Règles ou pas, il y a de fortes chances qu'elle ait voulu éviter qu'il y ait autant de transparence que possible, d'où sa réticence à respecter les conseils proférés cinq ans plus tôt. Comme l'a dit un analyste conservateur sur Twitter: «Clinton a simplement évalué le contrôle total et complet sur son image et ses informations avec une telle paranoïa que la loi est devenue un problème secondaire.»

Le problème, c'est que cela ne marche pas.

Loin de protéger ses chances, le goût du secret d'Hillary Clinton va jouer un rôle négatif. En refusant de partager des informations, même quand cela est inoffensif, Hillary Clinton perd le bénéfice du doute. Et au lieu d'arrêter les scandales, elle les empire, faisant de petits problèmes des frénésie de commentaires et de condamnations. Si de 2009 à la fin 2012 elle avait un œil sur la présidence, alors elle aurait dû être plus ouverte sur ses communications; elle aurait dû travailler plus dur pour respecter les règles.

Cet examen minutieux, exacerbé, de ce que fait Hillary Clinton n'est pas juste: à eux deux, Bill et Hillary Clinton ont déjà fait face à énormément de scandales bidons. Malgré cela, le monde politique déteste leur donner le bénéfice du doute et imagine tout de suite le pire.

Tant qu'elle sera un personnage d'importance nationale –et surtout quand elle sera dans le course à la présidence– Hillary Clinton sera plus scrutée que n'importe qui. La meilleure réponse –la seule réponse– est de faire mieux: être plus ouverte et transparente que tout ses compétiteurs. De là, Hillary Clinton devra être deux fois meilleure. Sans cela, elle finira sa carrière comme une concurrente à la présidentielle parmi tant d'autres.

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