Économie / France

Quelle peut être la deuxième «loi Macron» du gouvernement Valls?

Temps de lecture : 4 min

Pour continuer d'aller de l'avant, le gouvernement devra trouver des réformes assez fortes pour restaurer la confiance, mais qui soient acceptables par sa majorité. Un exercice impossible auquel Manuel Valls est condamné.

Manuel Valls, le 19 février 2015. REUTERS/Christian Hartmann
Manuel Valls, le 19 février 2015. REUTERS/Christian Hartmann

Il est évidemment tentant pour le président de la République de commencer à songer à rassembler son camp en vue de la présidentielle de 2017. Le temps travaille pour lui, le hasard le sert. Il jouit de l'«alignement des astres» (pétrole, euro, reprise confirmée ailleurs) qui constitue un «choc externe» d'une ampleur bénéfique rarement connue dans le passé; il mène une guerre contre le terrorisme qui lui a permis de transformer son image; et, «last but not least», il assiste au retour chaotique d'un Nicolas Sarkozy qui divise l'UMP.

Un nouveau déclic

Chanceux, François Hollande ne changera plus de politique, il est ancré sur la ligne sociale-démocrate. Les tentatives de la gauche de la gauche, Martine Aubry, les «frondeurs» et tutti quanti, de le mettre sous leur tutelle, de lui imposer un retour à une politique «de gauche», ont échoué. Le congrès du Parti socialiste de juin va se terminer par la production d'une majorité grumeleuse et fumeuse, mais qui ne fera pas de mal à François Hollande. La ligne sera maintenue, mais il va vouloir n'y avancer que lentement, avec pour objectif de ne mettre personne dehors, de refaire l'unité.

Il est évidemment pressant pour Manuel Valls de choisir, sur cette même ligne, une tout autre allure. S'il veut laisser une trace, pour la suite de ses ambitions, cela ne peut être que celle d'un réformateur décidé. Un courageux qui force les changements nécessaires, trop longtemps repoussés.

Il est évident que l'emploi du 49-3 pour la loi Macron met le gouvernement dans les cordes constitutionnelles mais ne l'abat aucunement. Il n'est privé d'aucune nouvelle initiative, s'il le veut. Il lui reste beaucoup d'armes de force ou de ruse: le réemploi du 49-3, la préparation de nouveaux projets en obtenant un aval des partenaires sociaux, aval auquel les partis politiques auront du mal à s'opposer, ou bien la recherche d'alliance avec des «bonnes volontés».

Il est évident, enfin, concernant la situation économique, que le pouvoir a besoin d'un nouveau geste qui «fasse déclic» et qui libère l'activité. La croissance française est portée par les autres, mais elle est alourdie par une mauvaise défiance héritée, côté ménages, de l'incapacité à tenir l'engagement réitéré d'inverser la courbe du chômage et, côté entreprises, du «choc fiscal» du début du quinquennat.

Les «astres» alignés, l'entrée en vigueur des 40 milliards de baisse de charges en 2015, puis les deux années à venir, la reprise qui se solidifie, tout cela devrait déterminer les chefs d'entreprise à investir. Ils devraient acheter des machines nouvelles aussi parce qu'ils ont pris du retard dans la modernisation des outils de production de beaucoup de branches.

Pourtant, la défiance demeure. La politisation d'une partie de la classe patronale et les surenchères du Medef n'aident pas à sortir d'un attentisme délétère. Il faut au gouvernement présenter «quelque chose de plus».

Mais quoi? Quelle loi Macron 2? Manuel Valls a choisi de reprendre les grandes lignes de la négociation, avortée, sur le dialogue social. Comme la loi Macron, le projet peut apparaître technique et mineur. Il n'en n'est rien.

Il s'agit en fait de relancer un dialogue au niveau des entreprises pour le rendre concret aux yeux des salariés et simplificateur aux yeux des chefs d'entreprise. Un projet important, à condition qu'il ne soit pas édulcoré pour passer devant le Parlement.

Mais pour autant, est-il capable de provoquer le «déclic» attendu? Non. Les chefs d'entreprise attendent beaucoup plus, par exemple concernant le marché du travail, l'équivalent du «Jobs Act» de Matteo Renzi (début de contrat unique, facilité de licenciement, nouveau dispositif d'indemnisation…).

Le décalage entre l'attente patronale et ce que peut livrer le gouvernement est grand. Le choc de simplification est un vecteur puissant, il a un potentiel de «déclic». Le résultat est visible, immédiat, il peut être convaincant. Mais à la condition de briser beaucoup de verrous bureaucratiques, il n'est pas sûr que Thierry Mandon en ait le pouvoir.

Une vaste réforme de l'Etat rétablirait incontestablement la confiance. Mais elle n'est pas envisagée. L'austérité eût pu y forcer. Mais Bruxelles vient de donner son feu vert pour que les dépenses continuent d'augmenter en volume: le gouvernement va pouvoir continuer à limer les crédits sans engager une diminution des effectifs, ni réviser les missions publiques.

Le logement et l'apprentissage

Une revue intégrale de l'Education nationale n'est pas envisagée non plus. La politique de François Hollande en la matière reste celle de Lionel Jospin: plus d'effectifs.

La politique de la ville sera réorganisée, mais fera-t-elle l'objet d'une véritable réforme? Le manque de crédits donne la réponse.

Les retraites? Le sujet est trop explosif à gauche.

Reste quoi? Existe-t-il des réformes qui ne coûtent rien, qui soient assez «fortes» pour reconstruire la confiance, mais qui soient acceptables par la majorité rétive? C'est à cet exercice impossible qu'est condamné Manuel Valls.

Deux suggestions: le logement et l'apprentissage.

La droite, dont François Fillon, fait des propositions de réforme pour une politique du logement «plus efficace et plus juste». Pourquoi ne pas la prendre au mot et travailler à un projet consensuel?

Avantage économique, le secteur tire 0,4 point de PIB. Avantage politique: un piège pour la droite.

Quant à l'apprentissage, les contours d'une refonte complète pour le rendre attractif pour les jeunes et les entreprises sont connus.

Le projet est, comme Macron 1, mineur en apparence, mais fondamental en vérité, pour les entreprises en mal d'emplois et pour les jeunes peu qualifiés. De quoi abonder la promesse présidentielle de donner une priorité à la jeunesse.

Article également publié dans Les Echos

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