Parents & enfants

N'adoptez pas de chien avant d'avoir des enfants

Temps de lecture : 6 min

Ou en tout cas pas avant d'avoir lu cet article.

Border Collie, par bambe1964, via Flickr License CC

Quand j’ai rencontré Velvel, il sortait timidement la tête du carton où l’avait installé mon copain à l’arrière de sa voiture. Je revenais d’un week-end et John était venu me chercher à la gare avec la meilleure surprise que peut faire un homme à la femme qu’il aime: un chiot.

Un chiot! Qu’est-ce que j’aimais ce chiot. C’était un mélange entre un border collie et un esquimau américain (comme un mini border collie, mais en plus mignon), à qui nous avons donné le nom hébreu de mon père, qui est en fait yiddish et qui veut dire «loup», ce que nous ne savions pas à l’époque. Il avait juste une tête de «Velvel». (Souvent les gens disent «Volvo?» Non. «Vulve?» Non. Vous pensez vraiment qu’on a appelé notre chien Vulve? C’est VEL-VEL.) Enfin vous voyez ce que je veux dire.

Velvel est rapidement devenu le centre de notre vie. Les week-ends consistaient à l’emmener à l’aire d’exercices pour chiens ou à la plage pour chiens ou au parc pour chiens. J’ai développé pour Velvel une voix très spécifique, haut perchée, gutturale, parce qu’il était bavard.

Vous vous souvenez de l’histoire de la nourriture pour chien empoisonnée? On a paniqué et on s’est mis à passer nos dimanches à cuisiner des tonnes de nourriture pour chien faite maison, emplissant notre appartement d’un écœurant arôme de foie de poulet, de broccoli et de farine d’os.

Le soir, Velvel regardait la télé avec nous sur le canapé et dormait sur notre lit. Quelquefois je le laissais s’asseoir sur le siège avant de la voiture et j’allais à l’arrière. Nous avions mis au point un système en plusieurs étapes pour le brosser, ce que nous faisions avec régularité et discipline. On disait du mal des autres chiens du quartier et on s’émerveillait de la supériorité en tous points de notre chien à nous.

La vie d'après

Et puis je suis tombée enceinte.

En fait la grossesse n’a pas été un problème. J’aimais toujours Velvel quand j’étais enceinte. La nuit avant que l’accouchement ne soit provoqué, je me suis mise à penser à l’impact qu’aurait l’arrivée d’un bébé sur la vie de Velvel plutôt que sur la mienne. «Ça va être vraiment difficile pour lui», ai-je dit à John. Nous nous sommes mis d’accord sur le fait que nous devrions être attentifs à ses besoins.

Après la naissance du bébé, nous avons fait exactement comme «on» disait de faire: John a ramené à la maison le bonnet du bébé pour que Velvel le renifle, histoire de le préparer au minuscule humain qui allait débarquer. Et c’est probablement la dernière attention que nous ayons eue à son égard.

Un des mes amis m’a dit un jour qu’avant d’avoir des enfants, s’il avait fallu entrer dans un immeuble en feu pour sauver ses chats il l’aurait fait. Maintenant qu’il a un enfant, il laisserait ses chats se noyer dans la baignoire sans sourciller si ça pouvait aider son fils à faire une sieste plus longue. Ce que j’en pense? Velvel, évite la salle de bains.

Ce n’est pas que je n’aime pas mon chien. C’est juste que je n’aime pas mon chien. Et je ne suis pas la seule. Un sondage très peu scientifique révèle que presque tous les gens que je connais qui avaient un chien et qui ont eu des enfants ensuite regrettent maintenant d’avoir pris un chien. C’est une vérité presque universelle, même pour des parents qui ont un seul enfant. Or j’en ai plusieurs.

Les legos, le caca, et les poils

Voici une suite d’événements courante chez moi: je soulève le bébé et il vomit sur moi. Je cours à la cuisine depuis le salon en portant le bébé avec un bras pour éviter que la partie gauche de mon chemisier ne touche sa bouche dégoulinante de lait tandis que j’attrape un morceau de sopalin pour essuyer le côté droit de mon chemisier, couvert de lait, quand j’entends le bruit d’exactement 2’459 putain de minuscules Legos qui s’écrasent par terre. Mon deuxième fils a encore vidé la boîte de Legos. Et mon aîné (qui a maintenant 4 ans) crie «prêt à être séché!» depuis la salle de bains. Je me dis «il faut que je me mette à laisser cet enfant se sécher tout seul», alors que le deuxième, qui trône désormais au milieu d’une mer de Legos en s’étalant de l’Oxyplastine sur la figure, hurle: «Velvel a vomi!»

N’allez pas croire que ma vie est ennuyeuse. Il y a des variations à ce scénario. Quelquefois Velvel ne fait que gémir. (Je ne lis pas dans les pensées des chiens mais c’est peut-être bien parce qu’on ne lui accorde pas assez d’attention.) D’autres fois je l’emmène faire une promenade –c’est une si belle nuit pour une balade! En fait tu es plutôt un bon chien, Vel!– et voilà qu’il se fait caca dessus. Il fait caca, et un bout de caca se prend dans ses poils. Avant d’avoir des enfants, c’était l’occasion de lui faire une bonne toilette à l’éponge qui le calmait. Un peu d’eau chaude, un chiffon et du savon faisaient l’affaire. Maintenant j’attrape une paire de ciseaux et je coupe une touffe de poils. Tout propre!

REUTERS/Eric Thayer

Je vous ai dit qu’il perdait ses poils? On ne peut pas dire que ce soit sa faute. Mais qui d’autre peut-on accuser quand le bébé est couvert de poils, ou quand les deux autres enfants s’étouffent en regardant Jake et les Pirates du Pays imaginaire parce qu’«il y a un truc dans ma bouche».

Et puis il y a tout le reste, comme le fait de devoir le promener tous les jours et sa tendance à aboyer pile au moment où l’un des enfants est sur le point de s’endormir. (On a acheté un de ces colliers pour chiens qui émet «une bouffée inoffensive» de citronnelle en direction de son museau à chaque fois qu’il aboie. Ça a marché deux jours.)

Pour aimer son chien jusqu'au bout

Récemment j’ai emmené Velvel à son check-up annuel. Il a 13 ans, ne fait pas assez d’exercice (aucun) et a pris un certain nombre de kilos au cours des deux dernières années, à mesure qu’on s’est mis à lui distribuer des friandises de façon généreuse parce que c’est la seule chose qui le fait taire. Le vétérinaire a fait une prise de sang et nous a appelés avec les résultats quelques jours plus tard. L’état du foie de Velvel n’était pas très bon, m’a-t-elle dit, mais pourquoi ne pas essayer les médicaments avant d’envisager d’autres options. La vétérinaire m’a fait part de la nouvelle avec douceur, comme si je risquais de me mettre à pleurer à tout moment. Moi tout ce que je pensais c’est «j’arrive pas à me rappeler si elle a dit foie ou rein.»

Et puis le bébé a régurgité et j’ai dû raccrocher.

Parmi les nombreuses leçons que j’ai apprises de mes parents, il y en a une en particulier que je regrette de n’avoir pas suivie. Ils n’ont pas eu de chien avant que ma sœur et moi ne soyons grandes. Ils l’aimaient comme on devrait aimer un chien jusqu’à sa mort. Il n’a jamais arrêté d’être adorable à leurs yeux. Je ne les ai jamais entendus crier, «MAIS POURQUOI EST-CE QUE TU ES TOUJOURS DANS MES PATTES?» Ils n’ont jamais regretté de l’avoir.

Je ne peux pas, en mon âme et conscience, vous dire tout ce que je pense de mon chien Velvel. Oui, il y a pire. Voilà tout ce que je peux vous dire: à vous tous, jeunes couples, qui vous dites, «on devrait prendre un chien!», «Je t’aime, prenons un chien» ou «Nous ne sommes pas prêts pour avoir des enfants, et si on prenait un chien?!» – ne prenez pas de chien. Ou si vous en prenez un, n’ayez pas d’enfants.

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