Sports

Lindsey Vonn, avec un V comme volonté

Temps de lecture : 6 min

Ne vous fiez pas à ses airs de Barbie des neiges. La championne américaine, capable à la fois de s’imposer en descente, en Super G, en géant et en slalom, a tout gagné, s'est blessée de multiples fois et ne compte pas s'arrêter là.

Lindsey Vonn, le 19 janvier 2015  à Cortina d’Ampezzo quand elle a dépassé le record d'Annemarie Moser-Pröll.  REUTERS/Max Rossi
Lindsey Vonn, le 19 janvier 2015 à Cortina d’Ampezzo quand elle a dépassé le record d'Annemarie Moser-Pröll. REUTERS/Max Rossi

Les championnats du monde de ski, qui se déroulent à Beaver Creek et Vail, dans le Colorado, du 3 au 15 février, ont commencé avec l’éclat d’un premier podium, celui du Super G dames, qui a rassemblé sur les trois marches trois des reines du cirque blanc: l’Autrichienne Anna Fenninger, la Slovène Tina Maze et l’Américaine Lindsey Vonn. Pour cette dernière, encouragée par son compagnon Tiger Woods venu lui apporter son soutien entre deux tournois de golf dans l’Arizona et en Californie, cette médaille de bronze a eu (presque) un goût légèrement amer de chocolat. Mais en adepte du positivisme comme nombre de champions américains, Vonn s’est immédiatement tournée vers l’objectif suivant, le principal, la descente qu’elle doit, en principe, dévaler, vendredi 6 février, avec l’or comme seul horizon possible.

Elle a effacé Annemarie Moser-Pröll

A 30 ans, Lindsey Vonn n’en est plus, il est vrai, à se laisser démoraliser par un résultat qui ne serait pas en ligne avec ses attentes.

Blessée en grande partie lors des deux dernières saisons au point d’avoir dû renoncer à défendre ses chances aux Jeux de Sotchi en 2014, l’Américaine, qui réside à Vail, est habituée aux ressacs de sa vie de championne –ce qui la rapproche probablement de Tiger Woods qui n’en finit plus de tenter de se réinventer au gré de ses propres bobos puisque voilà bientôt sept ans qu’il n’a plus remporté le moindre tournoi majeur.

A l’aube de ces Mondiaux organisés aux Etats-Unis, où le ski de compétition en dehors des Jeux olympiques est loin de capter l’attention médiatique, Lindsey Vonn, championne olympique de descente à Vancouver en 2010, avait néanmoins bien pris soin de préparer sa com à sa manière, en s’appropriant un record dont elle va continuer de repousser les limites puisqu’elle entend être au rendez-vous des Jeux d’hiver en Corée du Sud en 2018.

En effet, le 19 janvier à Cortina d’Ampezzo, en Italie, par la grâce de son succès en Super G lors d’une étape de la Coupe du monde, elle a effacé des tablettes l’Autrichienne Annemarie Moser-Pröll qui s’était arrogé 62 victoires de Coupe du monde entre 1970 et 1980, total qui tenait bon depuis 35 ans. En s’imposant une 63e fois sur le circuit international (puis une 64e fois à Saint-Moritz), Lindsey Vonn s’est inscrite durablement dans l’histoire avec déjà un autre but déclaré à atteindre avec le bout de ses spatules: les 86 succès en Coupe du monde du Suédois Ingemar Stenmark.

Tomber, avoir mal, se relever, ça fait partie de mon boulot

Lindsey Vonn

Ses deux «seules» médailles olympiques, décrochées à Vancouver (l’or de la descente et le bronze du Super G), ne sont pas non plus de nature à satisfaire son insatiable appétit. A trois ans des Jeux de Pyeongchang, il n’est donc pas question de mollir pour celle qui a enlevé sa première course en Coupe du monde le 3 décembre 2004 à Lake Louise, au Canada.

«J’adore aller vite et pousser mes limites toujours plus loin, disait-elle dans une interview à L’Equipe Magazine à la mi-janvier. Quand vous skiez sur une montagne, il n’y a personne pour vous dire de ralentir. Seulement vous. Alors, vous pouvez y aller à fond et j’aime cette sensation d’aller tout au bout, tout au bord du précipice. J’adore la compétition, j’aime être dans le portillon de départ. J’ai toujours adoré ça.»

Et elle ajoutait:

«Je n’ai aucun problème de confiance. Tomber, avoir mal, se relever, ça fait partie de mon boulot.»

Un film, The Climb, réalisé en partenariat avec Red Bull, l’un de ses sponsors principaux, et diffusé sur NBC au seuil de ces Mondiaux dans le Colorado, souligne cette force de caractère en racontant ses deux dernières années délicates et son retour vers les sommets.


Volonté d’acier qui en étonne plus d’un et anticipe, sans doute, la suite probablement fructueuse de sa carrière peut-être aussi longue que celle de Roger Federer à qui elle voue un véritable culte depuis des années, à l’image de ses tweets nombreux au sujet des résultats de l’ancien n°1 mondial.

Florence Masnada, médaillée de bronze française en descente aux Jeux de Nagano en 1998 et en combiné aux Jeux d’Albertville en 1992, consultante pour la chaîne Eurosport, observe Lindsey Vonn au plus près depuis des années et réussit à être encore «surprise par ce qu’elle est capable de faire sur une piste».

«Elle a tout gagné, elle s’est blessée très durement, mais elle continue d’avoir ce feu sacré qui lui permet d’aller plus loin, souligne-t-elle. Même si je pense qu’elle n’est plus aussi forte techniquement, et c’est normal puisqu’elle court encore avec une attelle à la jambe droite, il ne fait aucun doute pour moi qu’elle peut être encore la meilleure dans trois ans aux prochains Jeux. Elle compense ses difficultés par son envie et son professionnalisme.»

Ses appuis ne marquent pas la neige. Comme Hermann Maier, elle se comporte en chat sur la piste, alors que c’est un “monstre” physique

Florence Masnada

Skieuse pluridisciplinaire, capable à la fois de s’imposer en descente, en Super G, en géant et en slalom, Lindsey Vonn n’a plus, aujourd’hui, la même polyvalence de ses plus jeunes années et a triomphé exclusivement ces derniers temps en descente et en Super G.

Son dernier succès en géant n’est toutefois pas si lointain, puisqu’il date du 26 janvier 2013, à Maribor, en Slovénie. Quant à son ultime première place en slalom, elle remonte, elle, au 30 janvier 2009, à Garmisch, en Allemagne.

«C’est un animal de course et je pense qu’elle reviendra en géant comme c’est d’ailleurs le cas lors de ces Mondiaux, estime Marc Pirard, ancien entraîneur de l’équipe de France de ski masculin. Le slalom, c’est plus compliqué, mais qui sait avec une telle championne.»

Car elle reste à part au niveau de sa façon de skier et de générer de la vitesse à la manière d’un Hermann Maier ou d’un Bode Miller. La technique de la skieuse née à Saint-Paul, dans le Minnesota, où n’existe pas la moindre montagne, marquera l’histoire du ski, selon Florence Masnada.

«Elle a un toucher de neige qui lui est propre. Elle est passée maîtresse dans l’art de négocier les petites bosses où ça “tape” grâce à une exceptionnelle souplesse musculaire et articulaire. Ses appuis ne marquent pas la neige, ce qui est moins le cas de ses adversaires. Comme Hermann Maier, elle se comporte en chat sur la piste, alors que c’est un “monstre” physique.»

Marc Pirard la compare davantage à Bode Biller à cause de «ses entrées de courbe». Avec, pour elle, toujours ce goût du risque chevillé à son corps cabossé même si les descentes féminines demeurent, toutes proportions gardées, moins cascadeuses que celles proposées aux hommes qui se retrouvent souvent au point de rupture en raison de la dangerosité majeure des tracés.

Une touche glamour

Au-delà des remises en cause professionnelles, les blessures ont paradoxalement «profité» aussi à Lindsey Vonn, devenue plus naturelle, moins stéréotypée, au fil des années.

Une de ESPN

L’époque où, provocante, elle posait en une de ESPN The Magazine en Sharon Stone de Basic Instinct et où, bravache, elle demandait à défier les hommes sur la piste de Lake Louise semble appartenir au passé.

Ses concurrentes, qui ont pu croire qu’elle ne faisait pas partie de leur monde en raison de ce goût immodéré de la mise en scène, ont fini par mieux la comprendre. Son sens des relations publiques a même fait école.

Impeccablement maquillée à chaque course, celle à la silhouette d’une Barbie des neiges a transmis cette touche glamour à l’ensemble du circuit féminin qui a fini par comprendre l’utilité de cet artifice marketing relevant encore d’un professionnalisme exacerbé plus que d’une envie de se distinguer.

«Elles sont désormais toutes pomponnées dans les aires d’arrivée, sourit Florence Masnada. Lindsey a montré que le ski féminin, ce n’est pas que des jeunes femmes aux grosses cuisses. La discipline lui doit beaucoup sur le plan de l’image. Elle a modifié la perception de notre sport.»

Marc Pirard pense qu’elle laissera une trace profonde dans le temps. «Le milieu montagnard, parfois rustique, n’a pas toujours apprécié sa façon de faire, s’amuse-t-il. Mais il faut lui donner crédit d’avoir tellement donné au ski féminin qui, en termes de personnalités avec des Anna Fenninger, Tina Maze, Lara Gut, connaît actuellement une sorte d’âge d’or.»

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