Il y a un peu plus deux ans, le 20 juillet 2012, un homme a fait irruption dans une salle de cinéma d'Aurora, aux Etats-Unis. Il a ouvert le feu, tué douze personnes et en a blessé 58 autres.
Depuis le 22 janvier, la sélection des jurés est en cours, et les familles de victimes demandent une nouvelle fois aux médias de ne pas donner le nom du tueur. Le père d'une des victimes, Tom Teves, a fondé l'association NoNotoriety après la tuerie. Son but?
«Pas de nom. Pas de photo. Pas de notoriété.»
Invité de l'émission On the Media, sur NPR, il a ainsi expliqué:
«Quand on parle aux journalistes, ils nous disent qu'ils doivent faire des recherches sur d'où ces tueurs viennent, pour découvrir ce qui les a poussés à l'acte. Je suis tout à fait d'accord. Vous pouvez utiliser leur nom et leur portrait quand ils sont encore en fuite. Mais une fois qu'ils sont appréhendés, ce n'est plus important. Cela n'est plus qu'un appel à passer à l'acte pour un autre tueur dans le même état d'esprit.»
Il n'est pas le seul à demander aux médias d'en faire ainsi. Le FBI, rappelle le journal local, The Aurora Sentinel, «a également lancé un appel aux médias pour limiter l'identification des meurtriers de masse pour se concentrer sur leur histoire. NoNotoriety et le FBI présentent les mêmes recherches qui indiquent qu'une telle couverture médiatique des meurtriers pourrait en pousser d'autres à agir de la même façon».
Et les médias ne sont pas les seuls responsables, pour les parents. Dans une tribune sur Politico, le père d'une autre des victimes revient sur le choix –terrible pour lui– de téléviser le procès:
«Voici ce que cela signifie: le juge Samour a décidé d'autoriser un consortium de conglomérats de méga-médias pour faire de l'argent sur la mort de Jessica et dans le même temps rendre glamour l'homme qui l'a tuée. En faisant cela, il encouragera d'autres individus malades qui cherchent peut-être également à être l'attention des médias à suivre le chemin de ce tueur. Ce qui veut dire, inévitablement, que d'autres parents souffriront de la même douleur que ma femme Sandy et moi souffrons actuellement –une douleur qui nous poursuivra jusqu'à la fin de notre vie.»
Pourtant, si plusieurs médias et plusieurs personnalités ont accepté de suivre ces recommandations, pour d'autres, il est plus compliqué de s'y soumettre. Dans On the Media, Bob Garfield, le présentateur, tient à rappeler:
«Bob Garfield: Notre travail consiste à répondre à cinq questions. Qui, quoi, quand, où, pourquoi. Et tout en haut de la liste, il y a "qui".
Tom Teves: Si le "qui" commence à créer le "pourquoi", alors il y a un problème.»
Sur The Aurora Sentinel, Dave Perry indique qu'il comprend l'intention de la famille Teves, mais il ne peut se plier à leur demande.
«Nous n'incluons jamais quoi que ce soit dans nos articles sans nous demander comment cela va affecter une source, un sujet ou un lecteur. Savoir que ce que nous faisons peut causer du mal, nous blesse. Nous ne pouvions pas, cependant, accepter de laisser de côté des parties entières de cette histoire, seulement parce que cela fait mal.
Je comprends la théorie qui veut des gens commettent ces crimes pour avoir leur moment de célébrité, mais je crois que c'est un symptôme de ces criminels, pas le problème en tant que tel. Je pense que ces gens iraient commettre ces crimes même si nous parlions d'eux uniquement comme le "Suspect A" et ne publiions jamais leur photo. Au fil du temps, arranger la façon dont on raconte l'histoire pour promouvoir une cause autre que raconter précisément et fidèlement ce qu'il s'est passé est déplacé et dangereux.»