Et on recommence à entendre la petite musique habituelle, à peine quelques jours après la barbarie religieuse revendiquée... De Benoist Apparu, qui, de manière surréaliste, a parlé dans L'Express de «totalitarisme laïcard» à tous ceux qui, s’interrogeant sur les causes, croient en trouver dans une culpabilité qu’ils imputent au soi-disant refus des différences, à une soi-disant «islamophobie», paravent commode de l’interdiction de critiquer l’islam et d’identifier sa responsabilité.
Tous disent en fait la même chose à leurs troupes, celles de certains musulmans pour lesquels l’idéal laïque républicain est inacceptable et celles des chrétiens insatisfaits de la séparation des églises et de l’Etat. Ils entonnent tous le même refrain: foin de l’intégrisme laïque, il nous faut une laïcité «encore plus ouverte»!
Pour eux, il nous faudrait évoluer vers davantage de reconnaissance des communautés en acceptant encore et toujours davantage de manifestations de leurs différences et convictions religieuses, en somme à l’anglo-saxonne. Vous voulez devoir flouter les caricatures et les idées demain? Ecoutez leurs sirènes!
Et pour cela en renonçant en tout ou partie à nos principes bien sûr. La collusion des religions sur ce plan est patente, elles ont toutes à y gagner. Il faut le dire: les religions, toutes les religions, souhaitent développer leur prosélytisme et pouvoir faire leur marché à peu près comme bon leur semble. C’est une question de survie pour elles, pour se maintenir et se développer. Il n’est que de voir les récentes et alambiquées déclarations du pape sur la liberté de la presse, bien tempérée par l’offense aux religions!
Sans même parler de ceux qui pensent que la réponse au drame est dans une plus grande place donnée aux religions dans l’espace public et dans nos vies, cette petite musique reçoit un certain crédit chez certains de nos concitoyens pas forcément informés de ce qu’en seraient les conséquences concrètes ou qui, face au drame, s’interrogent et comparent ce qu’ils voient ou imaginent dans les pays démocratiques anglo-saxons. «Ouvrir» davantage la laïcité, qu’est-ce que cela voudrait dire?
La loi de 1905, enfin ce qu’il en reste après tous les coups de canifs qui lui ont été portés depuis un siècle, comporte un certain nombre d’interdictions mettant en œuvre le principe constitutionnel de laïcité et de séparation des églises et de l’Etat.
Il s’agit, pour faire simple, de la non reconnaissance des confessions par l’Etat et de l’interdiction pour ce dernier de devoir se soumettre à l’une d’entre elles.
La première différencie la France des Etats théocratiques qui choisissent une religion et lient leur sort à elle en confondant le civil et le religieux selon une gradation de gravité qui va jusqu’à son extrême la charia en passant par la confusion sur la tête d’un monarque des deux dimensions avec la monarchie de droit divin.
La seconde signifie que la République, et ses représentants en fonction, n’ont pas à être obligés de se soumettre à des rites, tel le port de la kippa et, ce, même à la synagogue. D’ailleurs, vous observerez, sans aucune perfidie mais seulement par lucidité, que les religions en demandent davantage à la République qu’à leurs coreligionnaires des autres religions puisque ces derniers ont pu à la grande synagogue conserver leur couvre-chef propre alors que le président de la République n’a pu, ou n’a pas cru pouvoir, rester tête nue...
Il s’agit aussi de l’interdiction d’en salarier les officiants ou de subventionner les religions en investissement ou en fonctionnement. Outre, bien sûr, leur exfiltration de l’école de la République. Bref, l’exact contraire de ce qui est fait en Alsace-Moselle en application du concordat napoléonien maintenu en vigueur.
Donc, il faut se le demander simplement: «ouvrir davantage la laïcité», pour ceux que cela tente, cela veut dire quoi?
Financer sur fonds publics la construction des lieux de culte et financer leur fonctionnement? Vraiment, c’est ce qui est souhaité par une majorité de Français?
Rétribuer sur fonds publics leurs officiants, les faire nommer par l’Etat? Vraiment?
Subventionner les manifestations cultuelles, des plus folkloriques bien hypocrites aux plus ouvertement prosélytes? Vraiment?
Admettre que les religions puissent venir faire leur marché auprès des jeunes esprits dans les écoles publiques en les laissant y dispenser un enseignement religieux? Vraiment?
Tolérer, sans moufter, la soumission rétrograde de la femme par les signes religieux vestimentaires les plus divers? Revenir sur nos législations sur les signes religieux ostensibles à l’école? Vraiment?
Remplacer l’intégration républicaine des individus par l’inclusion des communautés, pour finir comme les anglo-saxons à devoir flouter les caricatures et les idées pour ne pas faire de peine à des fidèles ou à des illuminés? Vraiment?
Admettre que les religions s’épandent tous azimuts dans l’entreprise, à l’école, à l’université, sur la voie publique, dans toute notre vie et qu’elles sortent encore plus de la sphère privée et des lieux de culte? Vraiment?
Non, la majorité des Français ne veut pas, c’est certain, de cette laïcité soi-disant «encore plus ouverte». C’est celle, peu ou prou, applicable en Alsace-Moselle avec en prime le scandaleux délit de blasphème!
Au risque d’être considérés comme d’infâmes totalitaires laïcards, ce qui, au regard de ce qui précède, devient un vrai bonheur, en réalité cette majorité dirait «non» si seulement on lui posait la question! Mieux éclairés par ce petit bréviaire, ceux qui doutaient doivent avoir compris ce qui se joue.
Amis, lecteurs, normalement, vous ne souhaitez donc plus qu’une chose aux Alsaciens et Mosellans, en cette période de vœux, qu’ils soient débarrassés de leur vestige moyenâgeux! Nous aussi! En effet, tant que le régime de l’Alsace-Moselle perdurera, il restera une sorte de laboratoire, de point de référence, pour les confessions avides de nouvelles conquêtes et qui n’ont plus rencontré en face d’elles, depuis de nombreuses décennies, le plus souvent, que faiblesse, démagogie, incompétence ou même parfois lâcheté.