+19 et +20 points: ce sont des rebonds «historiques» qu'enregistre François Hollande dans les dernières enquêtes Ifop-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio et Ipsos pour Le Point, publiées ce lundi 19 janvier, qui le voient atteindre respectivement 40% et 38% d'opinions favorables. Le «terrain» de ces enquêtes a été réalisé les 16 et 17 janvier, soit une semaine après la triple attaque terroriste commise à Paris et Montrouge et les gigantesques manifestations qui ont suivi. Voici comment Paris Match commente celle qu'il publie:
«Une progression hors normes de 21 points. Un bond spectaculaire pour un quinquennat devenu imprévisible. La seule comparaison possible dans l’histoire des enquêtes sur l’exécutif est la remontée de 19 points accomplie par François Mitterrand dans une enquête Ifop-JDD entre janvier et mars 1991 au moment de la guerre du Golfe.»
L'hebdomadaire précise par ailleurs que François Mitterrand avait reperdu ce gain de popularité dès l'été 1991 –un an après la guerre du Golfe, en décembre 1991, il ne se situait plus qu'à 22% de popularité, ce qui était alors la cote la plus basse jamais atteinte par un président de la République.
Comme nous l'écrivions juste après les attentats, le fait pour un président de voir sa cote de popularité augmenter après un drame national ou un conflit extérieur est bien connu en sciences politiques sous le nom de rally effect, ou «effet de rassemblement». Marc J. Hetherington et Michael Nelson, deux chercheurs américains qui ont travaillé dessus, l'ont défini dans un article paru en 2007 comme «l’accroissement soudain et important d’opinions favorables vis-à-vis du président, qui survient en réponse à certains types d’événements dramatiques internationaux»: le président devient alors l’incarnation de l’unité nationale, «une sorte de drapeau vivant» à qui profitent les événéments.
Mais cette incarnation est éphémère. Aux Etats-Unis, par exemple, lors la crise des missiles à Cuba en 1962 et de l’invasion de l’Irak en 1991, des hausses de popularité avaient été observées, mais au bout d’un moment, le président était revenu à son point de départ. En France, après les attentats du 11 septembre 2001, la cote de popularité de Jacques Chirac avait grimpé de dix points en un mois, mais elle était très vite redescendue à son niveau initial, et même en-dessous.
Comparaison de la hausse de popularité des présidents américains après trois crises internationales: la crise des missiles de Cuba, l'opération «Tempête du désert» en Irak et les attentats du 11 septembre 2001. Source: «Anatomy of a rally effect: George W. Bush and the war on terrorism».
L'évolution de la popularité de Jacques Chirac entre septembre 2001 et avril 2002. Source: baromètre TNS Sofres-Le Figaro Magazine.
Le seul exemple d'un dirigeant qui a réussi à «capitaliser» durablement sur ce genre de crise est celui de George W. Bush après le 11-Septembre, dont la cote de popularité était passée de 51% à 90% en quinze jours. Il avait fallu attendre mars 2002 pour la voir passer sous les 80%, juillet 2002 pour la voir passer sous les 70% et janvier 2003 pour la voir passer sous les 60%. «W» était finalement revenu à son niveau de septembre 2001 en septembre 2003.
Marc J. Hetherington et Michael Nelson ont noté que la durée exceptionnelle de la forte popularité de Bush après cet effet de ralliement était due, non pas à l’union sacrée du pays au moment des attaques, mais au fait que les leaders de l’opposition l’avaient soutenu durablement dans sa guerre au terrorisme. L'attitude de l'opposition dans les prochains mois risque donc d'être cruciale dans l'évolution de la popularité de François Hollande, dont la cote a par exemple bondi de 16 à 17 points auprès des sympathisants de l'UMP dans les deux enquêtes publiées.
Article actualisé le 19 janvier à 18h30 avec la publication des résultats de l'enquête Ipsos-Le Point.