France

Mon reportage d’envoyée spéciale depuis mon salon, devant BFM et Twitter

Temps de lecture : 5 min

Laora Paoli
Laora Paoli

Parce que je ne suis pas d’une nature très courageuse, j’ai vécu cinq jours confinée chez moi, subsistant grâce à mes surgelés Picard, à partir du 7 janvier dernier. Parce que tout le monde n’a pas la chance d’être freelance et de pouvoir vivre retranché en pyjama devant la télé. Parce que vous avez sans doute loupé des trucs dans cette longue profusion d’informations, et qu’il faut rigoler malgré tout.

Mercredi 7 janvier 2015

Deux hommes attaquent la rédaction de Charlie Hebdo à l’arme de guerre. Ils tuent 12 personnes : Frédéric Boisseau (l’agent de maintenance), Franck Brinsolaro (le policier affecté à la sécurité de Charb), Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Marris, Mustapha, Michel Renaud (invité à la réunion de rédaction), Tignous et Wolinski. En fuyant, ils tuent Ahmed Merabet, un policier.

Après l’attentat, les chaînes d’info sont passées en mode alerte warning breaking news traque des suspects. Avec, dès le début, l’analyse de la vidéo de leur fuite, pendant près de dix heures. J’ai choisi BFM parce que sur iTélé il y a des bandeaux jaunes et que je les trouve très laids.

Des spécialistes en terroristes sont venus nous expliquer les terroristes, comment ça marche, comment distinguer les sous-espèces, tout ça.

Dominique Rizet semblait particulièrement préoccupé par la chaussure tombée de la voiture des terroristes, qu’ils ont soigneusement récupérée avant de s’enfuir. Il nous en a beaucoup parlé.

Des noms ont commencé à circuler sur Internet. Au départ, les suspects étaient trois. Les deux frères Kouachi, et un troisième, Mourad Hamyd. Presque tous les journaux ont donné leurs noms. Sauf que dans la nuit, on réalise l’ampleur de la magistrale boulette: Mourad Hamyd était en classe à Charleville Mézières au moment de l’attentat de Charlie Hebdo. Ce qui nous a donné l’occasion de voir que le respect de la présomption d’innocence était une tradition familiale chez les Sarkozy.

Les frères Kouachi, eux, sont identifiés grâce à une carte d’identité oubliée dans la voiture qu’ils ont abandonnée.

On en apprend un peu plus sur leur personnalité et leur passé criminel.

Pendant ce temps-là et contre toute attente, Patrick Balkany devient la star de Twitter. Avant de fermer son compte.

Ex aequo avec Patrick, toujours de la rage, toujours Twitter: Jean-Pierre Pernaut a craqué.

Les festivités avaient été ouvertes par Roxane Decorte, conseillère de Paris.

Pendant ce temps là, sur CNN.

(photo @lerpierre)

Le soir, les forces de l’ordre et les journalistes étaient à Reims, traquant les frères Kouachi. Alors que NBC annonçait la mort des deux suspects et l’interpellation du troisième (qui n’en était finalement pas un), à Reims tout était assez calme.

Jeudi 8 janvier 2015

C’est alors qu’Amedy Coulibaly fait son entrée. Coups de feu à Montrouge, Clarissa Jean-Philippe, une policière, est tuée. Le tueur s’enfuit dans le RER B. On ne connait pas l’identité du suspect à ce moment-là, ni si ce meurtre est lié à la tuerie de Charlie Hebdo.

Parallèlement à cela, la traque des deux frères se poursuit. Les frères suspects ont fait une halte dans une station service, le gérant les a reconnus.

Après Reims, les forces de l’ordre sont dans l’Aisne.

Vendredi 9 janvier 2015

Deux prises d’otage ce matin.

La première à Vincennes: l’homme qui a tué une policière à Montrouge la veille a pris des otages dans une épicerie casher.

La seconde a lieu à Dammartin-en-Goële, dans le 77: les deux frères se sont retranchés dans une imprimerie.

Malgré des témoignages exclusifs assez décevants, BFM a réussi à joindre les preneurs d'otages.

Amedy Coulibaly a lui-même téléphoné à la chaîne, mécontent qu'on dise qu'il n'y avait pas de morts parmi les otages. A Dammartin-en-Goële, les terroristes se croyaient seuls. En fait, un employé a envoyé des informations aux forces de l’ordre toute la journée, caché sous un évier.

Heureusement, ils n’ont pas trop écouté BFM, qui a répété toute la journée qu’il y avait un otage dans l’entrepôt. Ils ont également eu la chaîne au téléphone pour revendiquer leurs meurtres.


En fin d’après midi, l’assaut est lancé simultanément.

On apprend qu’Amedy Coulibaly avait mal raccroché, ce qui fait que les autorités entendaient tout ce qu’il faisait.

Bilan post assaut: les trois suspects sont morts en tirant sur les forces de l’ordre. Quatre otages ont été retrouvés morts dans l’épicerie cacher: Philippe Braham, Yohan Cohen –qui a tenté de neutraliser Coulibaly, Yoav Hattab et François-Michel Saada. Des policiers et d’autres otages ont été blessés.

La compagne d’Amedy Coulibaly, Hayat Boumeddiene, considérée comme suspecte, serait actuellement en Syrie.

Dimanche 11 janvier

Depuis le 7 janvier, la phrase «Je suis Charlie» a été partagée dans de nombreux pays. Tout le monde a voulu rendre hommage au journal: Wall Street, le Pape, les Imams, Poutine, l’ironie n’a connu aucune limite. Notre-Dame a sonné le glas pour les victimes, François Hollande a ordonné trois jours de deuil national. Arnold Schwarzenegger s’est abonné, demandant à ses fans de faire de même. George Clooney les a cités dans son discours aux Golden Globes. Tous les journaux en ont fait leur une. Enfin, sans être trop téméraires pour la plupart.

3,5 millions de Français sont descendus dans la rue pour défendre la liberté d’expression, dont presque deux millions à Paris. Les forces de l’ordre ont été applaudies, certains chantaient la Marseillaise, un bon nombre de museleurs de journalistes a défilé en tête de cortège: c’était beau, mais c’était aussi n’importe quoi. Parce qu’on préfère rigoler, retenons ces trois personnalités qui se sont démarquées de cette immense marée humaine.

3.Barack Obama

Barack Obama n’est pas venu. Après coup, il a regretté. Les internautes se sont bien chargés d’enfoncer le clou avec le hashtag #WhereIsObama, avec des montages LOLtoshop.

2.François Hollande

François Hollande a reçu une fiente de pigeon sur l’épaule, provoquant l’hilarité des survivants de Charlie Hebdo. Selon Le Petit Journal, il y avait une probabilité de 0,038% que ce caca atterrisse à cet endroit précis: bien joué François?

1.Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy était au troisième rang, avec d’autres hommes politiques français. Il avait réussi à imposer son épouse (il était le seul), mais ne comptait pas s’arrêter là: il a joué des coudes pour apparaître au premier rang sur les photos officielles. Résultat, un autre hashtag, #JeSuisNico, et d’autres LOLtoshop, hommages à l’art de l’incruste.

Quant à moi, je vais devoir sortir après ces jours de confinement: mon congélateur est vide.

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