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Et le «non-mot» allemand de l'année est... «Lügenpresse»

Temps de lecture : 2 min

Cette expression signifiant «presse à mensonges» est devenue ces derniers mois un des cris de ralliement du mouvement islamophobe Pegida.

Manifestation de Pegida à Dresde, le 5 décembre 2014. REUTERS/Fabrizio Bensch
Manifestation de Pegida à Dresde, le 5 décembre 2014. REUTERS/Fabrizio Bensch

Chaque début d'année, un jury indépendant allemand composé de linguistes et de journalistes se réunit à Darmstadt pour élire le «non-mot» de l'an passé, une version mordante du «mot de l'année» désigné par la GfdS, la très sérieuse Société pour la langue allemande –qui a retenu le mot «Lichtgrenze» pour 2014, du nom de la frontière lumineuse qui a été installée le long du tracé du Mur de Berlin pour commémorer les 25 ans de la chute du Mur en novembre dernier.

Comme le rapporte l'hebdomadaire allemand Die Zeit, le «non-mot» de 2014 est «Lügenpresse», une expression signifiant «presse à mensonges», qui est devenue ces derniers mois un des cris de ralliement du mouvement anti-islam Pegida (abréviation qui signifie «patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident»).

Durant les manifestations du lundi soir, les citoyens mécontents ont pris l'habitude de scander «Lügenpresse! Lügenpresse!» à tout bout de champ comme on peut le voir sur la vidéo ci-dessus, postée par l'hebdomadaire Der Spiegel, quand ils ne hurlent pas «Wir sind das Volk! Wir sind das Volk!» («nous sommes le peuple!»), accusant les médias –ces «inutiles fidèles à l'État», comme les apostrophait encore ce lundi à Dresde Lutz Bachmann, le leader de Pegida– de les présenter comme des «extrémistes» et des «nazis».

En utilisant cette expression de «presse à mensonges», les participants aux marches de Pegida abondent pourtant dans le sens du discours médiatique qui pointe la proximité idéologique du mouvement avec les thèses de l'extrême droite, font remarquer les membres du jury du «non-mot» de l'année dans leur communiqué:

«Le mot "Lügenpresse" était déjà un mot d'ordre central pendant la Première guerre mondiale et servait également aux national-socialistes pour diffamer les médias indépendants de manière globale. Rien que le fait que la charge historico-linguistique de cette expression ne doit pas échapper à la majorité de ceux qui la scandent depuis l'an dernier en tant que «citoyens inquiets» et la portent sur des banderoles, en fait un moyen particulièrement perfide chez ceux qui l'utilisent à dessein.»

Les «non-mots» désignés chaque année par le jury de Darmstadt reflètent souvent l'ambiance politique et les préoccupations du moment en Allemagne, à voir la liste des élus de ces dernières années: «Sozialtourismus» («tourisme social») en 2013, «Döner-Morde» (les «meurtres de Döner») en référence aux attentats de la cellule terroriste néonazie NSU en 2012, ou encore «notleidende Banken» («banques en état d'urgence») en 2008.

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