Partout à travers le monde, des gens qui n’avaient jamais lu Charlie Hebdo sont sortis dans la rue pour montrer leur soutien à ses dessinateurs et journalistes et aux valeurs défendues par la France. Mais au milieu de la masse d’unanimité, certaines voix se sont élevées pour accuser le journal d’être allé trop loin. C’est le cas aux Etats-Unis, où les unes de Charlie Hebdo ont par exemple été floutées dans les médias américains, et d’autres sont allés plus loin en accusant le journal de racisme.
La question est plus complexe, selon le site Vox.com qui, pour étayer son propos, a décidé de comparer une une de Charlie Hebdo et une autre du New Yorker. Dans la première, datée d’octobre 2014, on voit des jeunes nigériennes enlevées par Boko Haram enceintes et criant «Touchez pas à nos allocs!» Comme l’explique Vox, Charlie ne cherche pas ici à ridiculiser ces victimes de l’esclavage sexuel, mais propose une seconde lecture, plus profonde:
La une de Charlie Hebdo du 22 octobre 2014.
«Charlie Hebdo est un magazine de gauche qui soutient les programmes d’allocations, mais la droite politique française a tendance à s’opposer aux allocations pour les immigrants, qu’ils décrivent comme des personnes avides d’allocations qui se jouent du système.»
Toute la difficulté ici est d’arriver à percevoir le message caché. Dans le cas contraire, on serait vite tenté d’y voir du racisme.
Cette situation est arrivée aux Etats-Unis en 2008, comme le rappelle Vox.com, avec le dessin de une du New Yorker représentant Barack Obama en musulman et son épouse Michelle Obama en militante nationaliste noire des années 1960. Il faut savoir que le magazine américain caricaturait le portrait d'Obama fait à l'époque par les Républicains pour comprendre qu'il n'y avait là pas de racisme.
Dans une tribune publiée le 13 janvier sur le Huffington Post, la journaliste radio britannique Liliana Bird juge les accusations de racisme ridicules, y compris en ce qui concerne la religion. Elle rappelle, à juste titre, que «le Front national et la famille Le Pen était en fait les premières cibles. Puis venaient les patrons, les politiques, et les corrompus. Puis enfin ils s’opposaient aux religions organisées. Toutes les religions organisées.»
En novembre 2013, le dessinateur Charb, tué dans l’attaque de Charlie Hebdo du mercredi 7 janvier, était catégorique:
«Nous n'avons pas peur d'avouer que nous sommes des militants antiracistes de toujours. Sans nécessairement avoir une carte, nous avons choisi dans ce domaine notre camp, et n'en changerons évidemment jamais.»
Néanmoins, le site américain Vox insiste sur un point très précis, et se distingue de l'opinion française: Charlie Hebdo «est le meilleur et le pire de la société occidentale». Si c’est un bastion de la liberté d’expression et du droit à la satire, le journal se laisserait quand même aller à du racisme avec des dessins stéréotypés d’immigrés, ce qui cliverait un peu plus la société, les dessinateurs se rangeant, pour Vox, du côté «des plus forts». Toujours selon le site américain (qui doit se référer aux dernières polémiques plus qu'au réel contenu de Charlie, NDLE):
«Oui, des fois Charlie Hebdo critique le catholicisme, mais il est plus connu pour ses attaques contre les populations les plus vulnérables.»
Ce traitement différent et qui empruterait souvent aux clichés auraient, selon Vox, des conséquences désastreuses: «Renforcer la majorité, marginaliser le faible, et ridiculiser ceux qui sont différents.»