Lors de la marche républicaine contre le terrorisme le 11 janvier à Paris, un journaliste de la BBC a interviewé une femme israélienne vivant en France depuis vingt ans.
«Il ne faut pas avoir peur de dire que les juifs sont particulièrement visés», dit-elle face à la caméra.
Le reporter Tim Willcox lui coupe la parole et rétorque: «Mais de nombreux critiques de la politique israélienne diraient que les Palestiniens ont aussi beaucoup souffert aux mains des juifs.»
Elle répond qu’«il ne faut pas faire d’amalgames».
Willcox insiste: «Mais vous comprenez bien que les choses peuvent être vues de différentes perspectives.»
François Hollande ne voulait pas que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou vienne au défilé de dimanche pour éviter les divisions liées au conflit israélo-palestinien. Mais Netanyahou ou pas, le conflit s’était déjà invité dans la discussion, et permettait à certains de «mettre en perspective» le meurtre de quatre juifs dans un supermarché casher.
Dans le cas de Tim Willcox, il ne s'agit pas de «donner du contexte» de manière neutre. Ce qui est sous-entendu par la question du journaliste de la BBC, c'est que les juifs qui sont ciblés en France ne sont pas entièrement des victimes dans la mesure où ailleurs, les juifs sont des oppresseurs. C'est un raisonnement assez bizarre, dans la mesure où les quatre personnes assassinées par Amedy Coulibaly n'ont pas joué de rôle dans les bombardements de Gaza. Mais c'est un raisonnement que l'on retrouve à peu près constamment dans les commentaires en ligne écrits après des articles qui parlent d'antisémitisme.
Il est ceci dit plus étonnant de voir un reporter de la très respectable BBC se sentir obligé de rappeler que des Palestiniens souffrent à cause des juifs deux jours après une tuerie antisémite en France. C'est un peu comme si un musulman se plaignait de violences islamophobes en France et qu'un journaliste rétorquait: oui mais les Français ont souffert aux mains des terroristes islamistes. Il s'agit bien d'une façon de tenter de culpabiliser les victimes.
Sur Twitter, plusieurs personnes ont appelé à la démission de Tim Willcox, qui s'est ensuite excusé:
Really sorry for any offence caused by a poorly phrased question in a live interview in Paris yesterday - it was entirely unintentional
— Tim Willcox (@BBCTimWillcox) 12 Janvier 2015
«Je suis désolé si j'ai offensé des gens à cause d'une question mal posée lors d'une interview en direct à Paris hier. Ce n'était absolument pas mon intention.»
Comme le relève le journal Haaretz, l'historien et présentateur de la BBC Simon Schama a tweeté:
«Consternant que Tim Willcox sous-entende que TOUS les juifs sont responsables de la façon dont sont traités les Palestiniens.»
C'est le genre de logique que l’on est habitué à retrouver sur des sites comme Quenelle+ (le site de Dieudonné), ainsi que chez certaines personnes qui ont expliqué pourquoi elles n’avaient pas défilé dimanche. Une dépêche de l’AFP, jusqu'ici pas reprise dans la presse française (mais publiée dans la presse suisse), donne la parole à des jeunes, dont un qui explique qu’il n’a pas participé à la marche parce qu’il estime qu’il n’y a pas eu de mobilisation suffisante en France pour soutenir la Palestine, avant de conclure: «En Palestine, ce sont les juifs les terroristes.»