Parmi les innombrables hommages rendus à la rédaction de Charlie Hebdo par des membres d’un univers très éloigné de celui de l’hebdomadaire satirique, il y en a un particulièrement notable, c’est celui du sport.
Vendredi, l'hebdomadaire de rugby Midi Olympique s'est ainsi rebaptisé Charlie Olympique.
L'Equipe a rendu également hommage à l'hebdomadaire satirique en lui consacrant trois unes consécutives.
Notre Une du 8 janvier. Une double page rendra hommage au travail de nos confrères de Charlie Hebdo. #JeSuisCharlie pic.twitter.com/z2uUxE4MFV
— L'ÉQUIPE (@lequipe) 7 Janvier 2015
Le directeur de la publication du quotidien, Fabrice Jouhaud, a expliqué au site américain Quartz que «L’Équipe est un média de masse qui ne peut pas vivre dans une bulle» –une déclaration qui prend un relief particulier quand on sait que le journal avait été vertement critiqué pour sa une du 12 septembre 2001, vierge de toute référence aux évènements de la veille… Le quotidien a reproduit aussi, sur deux pleines pages, des caricatures publiées par les dessinateurs de Charlie Hebdo sur le foot.
Dans @lequipe du jour : double page en hommage au travail de nos confrères de Charlie Hebdo. #JeSuisCharlie pic.twitter.com/3V0kApxIzJ
— L'ÉQUIPE (@lequipe) 8 Janvier 2015
Car Charlie Hebdo n’aimait pas le football, ce sport «con comme un ballon» (Cavanna) mais le croquait avec délectation. Le blog footballistique Old Schoot Panini publie d'ailleurs lui aussi une sélection de caricatures sur le football signées de plusieurs des cinq dessinateurs assassinés jeudi et rappelle que l'hebdomadaire avait sorti, juste avant le Mondial 98, un hors-série intitulé L’Horreur footballistique, qui dénonçait «la récupération politique du football, le libéralisme sauvage, le hooliganisme, la fascisation des tribunes, l’argent public investi dans les clubs de foot, le dopage, la corruption…» «Si Victor Hugo ou Einstein vivaient aujourd’hui, ce qui pourrait leur arriver de pire, c’est de mourir le même jour que Platini», lâchait alors le journal, de même que cette phrase rétrospectivement assez glaçante: «Si la France perd le Mondial, Aimé Jacquet va devenir le Salman Rushdie des mollahs du crampon.»
Et ils étaient parfois drôles, ces dessins, même pour quelqu’un qui (c’est mon cas) adore le football et fréquente les stades depuis près de vingt-cinq ans, bref pour qui le football, aurait dit Charb, est un peu un doudou. Les Cahiers du football, pionniers d’une autre écriture sur ce sport en France, publient d’ailleurs un hommage à Charlie Hebdo où ils rappellent le rôle joué par le magazine dans la publication d’une déclinaison papier de leur site, largement nourrie de caricatures entre 2003 et 2009:
«On nous a souvent dit, par facilité ou flatterie, que nous étions le Canard Enchaîné du football, à quoi nous avons toujours répondu qu'au départ, c'était Charlie notre référence. Pour le format d'un tabloïd et surtout pour cette vocation à la fois "satirique et critique", si difficile à faire comprendre tant il est facile de réduire ceux qui veulent à la fois rire et réfléchir à de sympathiques déconneurs (ou à de vils provocateurs, s'agissant d'eux).»
De nombreux sportifs ont fait part de leur solidarité depuis mercredi et une minute de silence sera observée sur de nombreux terrains ce week-end. Mercredi soir, celle du match de Ligue 1 Lille-Evian a été suivie d’une Marseillaise interprétée a cappella par le public. Un journal anar et anti-foot salué de l'hymne national dans un stade de foot: parfois, c'est beau d'être pleuré par des cons.