Dans ses vœux aux Français pour 2015, François Hollande a annoncé une nouvelle législation sur la médicalisation de la fin de vie, appelant à «une loi consensuelle qui contribue à l’apaisement des souffrances et prenne en compte la volonté des malades». Le président de la République faisait ici référence au travail mené, à sa demande, par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) et à leur proposition de loi, qui prévoit que «les patients en phase terminale, dont le pronostic vital est engagé à court terme, auront le droit de demander une sédation profonde et continue jusqu’à leur décès».
Reste une question majeure, qui demeure loin d’être tranchée: qu’est-ce qu’une personne/un patient «en phase terminale»? Est qu’est-ce que le «court terme» dont parle la présidence de la République? Cette problématique concerne aujourd’hui tout particulièrement les familles des personnes dites «en état végétatif chronique», dans un état de coma profond et sans conscience d'elle-même ou de leur environnement, mais pouvant avoir des périodes d'ouverture des yeux spontanées ou résultant d'une stimulation, et respirant normalement. De ce point de vue, l’affaire Lambert (toujours pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme) a montré les impasses et les violences auxquelles pouvaient conduire les différentes lectures des textes en vigueur.
Une association est tout particulièrement concernée par ces questions: l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés (UNAFTC), qui s'était exprimée à plusieurs reprises sur l’affaire Lambert pour s'inquiéter du risque d'un glissement linguistique entre personnes en état végétatif chronique et fin de vie.
Selon elle, la problématique d’une éventuelle limitation thérapeutique (et d'un processus de fin de vie) peut certes être abordée, mais seulement à l’occasion des phases critiques ou de décompensation, lorsque le pronostic vital de ces personnes est engagé, et en présence «d’un consensus entre le médecin, l’équipe et la famille».
L’UNAFTC, qui n'a pas obtenu d'être auditionnée par les députés Alain Claeys et Jean Leonetti, en appelle aujourd’hui au président de la République dans une lettre, signée de son président Emeric Guillermou, dont elle a fourni copie à Slate. Elle y souligne «de réelles avancées» dans le projet de loi mais estime que, «en l'état», il est «défavorable aux personnes en état végétatif chronique ou pauci-relationnel»:
«– L'alimentation et l'hydratation artificielles y sont clairement définies à plusieurs reprises comme des traitements que l'on peut interrompre, bien que ces personnes ne soient pas en fin de vie, dès lors qu'aucune amélioration de l'état n'est attendue et qu'on considère qu'elles n'ont d'autre but que le maintien artificiel de la vie.
– Le médecin est seul décideur en dernier ressort, sous réserve d'avoir respecté une procédure de consultation collégiale.»
Aussi cette association redoute-t-elle de voir se développer «des procédures d'arrêt des soins et même de les imposer aux familles sans qu'elles aient demandé quoi que ce soit» et demande «un processus de décision véritablement collégial»:
«A défaut, il faudra bien considérer que la loi a autorisé, de façon hypocrite et sans la nommer, une certaine forme d'euthanasie.»
Soucieuse de ne pas être mal comprise ou caricaturée, l'UNAFTC souligne «ne pas être pour le respect de la vie à tout prix»: elle estime que des décisions d’arrêt de vie peuvent être prises mais réclame «un processus de décision respectueux».