Culture

J’ai vu (presque) toutes les comédies françaises de 2014 et j’ai survécu

Temps de lecture : 19 min

De la meilleure à la pire, notre palmarès d'un genre qui aura encore réservé quelques beaux moments de malaise.

«Sous les jupes des filles».
«Sous les jupes des filles».

2014 a été une année spéciale pour la comédie française. On la pensait assez mal partie et pourtant, elle est revenue aux deux premières places avec Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu? et Supercondriaque, respectivement 12,2 et 5,2 millions d’entrées. Pourtant, son aura a encore un peu décliné. En tout cas suffisamment pour qu’on me dise encore, à moi qui aime analyser le meilleur et le pire de ce genre roi du cinéma français: «Pourquoi tu t’infliges ça chaque année?»

Si d’aventure, vous aviez essayé d’aller TOUTES les voir, vous auriez senti un ralentissement dans la production. A la fin de l’année, les sorties hebdomadaires sont devenues un tir sporadique, ce qui me facilite la tâche mais n’est jamais bon signe.

2014 a été marquée par un très net déclin des adaptations de bédé. Passé Marsupilami, Astérix avec des acteurs et même l’atroce Boule et Bill de l’année dernière, il ne reste plus grand chose. Ils ont même fait Profs et Ducobu, on ne peut plus aller plus loin. Cette année, Les Vacances du petit Nicolas a fait deux fois moins d’entrées que le précédent, et même avec 2,4 millions d’entrées, on a l’impression que tout le monde s’en fiche. Le très mignon Lou! Journal infime est passé un peu inaperçu. Quant à Benoît Brisefer, c’est une des adaptations les plus fidèles à la BD qui soit, c’est à dire très ennuyeuse –à se demander qui a donné le feu vert à ce projet.

La romcom française s’est évaporée pour faire apparaître une génération de films réalisés par des femmes, avec des héroïnes comme protagonistes. A coup sûr, Les Gazelles, Sous les jupes des filles, Pas le premier soir, ce n’est plus une tendance, c’est une vague de fond. «Réalisé par une femme» n’est malheureusement pas un label qui immunise contre toute forme de misogynie, on le verra par la suite.

Un classement impose aussi des choix à faire, donc j’ai décidé arbitrairement de mettre de côté les films de cata’. Ceux où «tout part en couilles», comme le chantait NTM. Désolé donc pour le plutôt réussi Babysitting, qui pompe énormément l’américain Projet X. Pardon aussi SMS avec Guillaume de Tonquédec, le nouveau golden boy du genre avec trois comédies cette année, et son Franck Dubosc très mal employé. Pardon aux Francis, une course-poursuite assoupissante chaotique en Corse. Enfin, désolé pour le nanardeux N’importe qui, où Rémi Gaillard rejoue ses caméras cachées de YouTube en long-métrage en moins bien que Michael Youn. Encore une fois, la greffe d’une star du net n’a pas pris au cinéma.

Et puis, il y a celles où l’on ne rigole franchement pas. Toujours plus méta, Luchini n’est jamais drôle dans Gemma Bovery, pourtant un film taillé sur mesure pour ce superbe acteur. Parfois, on est carrément induit en erreur par Allociné, grâce à qui je suis allé voir On a failli être amies avec Karin Viard, Emmanuelle Devos et Roschdy Zem. J’aurais du me douter en lisant le pitch:

«Marithé travaille dans un centre de formation pour adultes. Sa mission: aider les autres à changer de métier et à trouver leur vocation. Se présente alors Carole, qui vit et travaille dans l’ombre de Sam, son mari, énergique et talentueux chef étoilé. Ce n’est cependant pas tant de métier dont Carole semble avoir besoin de changer, mais de mari.»

L’humour à son paroxysme.

Et avant de passer au top 20, du pire au meilleur, n'oublions pas de rendre hommage au Lelouch 2014, Salaud, on t’aime, involontairement drôle, forcément mégalo. Chapeau, l’artiste.

20.Maestrode Léa Fazer


«Je t’assure, Maestro, c’est vraiment drôle.» «Sans rire? Au premier degré?» J’ai bien failli manquer ce qui est pour moi la comédie de l’année, un petit bijou caché comme il n’en arrive que trop rarement en France. Qui aurait pu croire qu’un jour, on allait se gondoler devant Michael Lonsdale et Pio Marmaï, d’après une idée de Jocelyn Quivrin basée sur sa propre expérience?

Henri, archétype de l’acteur/jeune con, rêvait de Fast & Furious. Il se retrouve sur le plateau de Rovère (comprendre Rohmer). Il déchante très vite en voyant les conditions de tournage d’un cinéma d’auteur en mal de budget et va tuer le temps en essayant de choper sa jolie partenaire. Il y a dans Maestro ce petit ton moqueur qu’avaient les Inconnus ou le combo Bacri-Jaoui de la grande époque quand ils s’en prenaient aux élites. La très bonne surprise de l’année.

19.Fistonde Pascal Bourdiaux


Fiston
est la bonne surprise de l’année malgré Kev Adams, que tout le monde semble détester sans connaître vraiment. Soyons honnête, c’est Dubosc qui fait le show, Kev faisant à peu près la même chose que d’habitude, jouer la connivence avec le public. En vieux dragueur loupé, Dubosc s’abandonne complètement à son rôle de mentor, toujours à la frontière du suicide comique et du génie pur.

Fiston a le bon goût de canaliser à la sauce Dubosc deux classiques du cinéma d’initiation et de passage de flambeau, d’un côté Gran Torino et de l’autre Karaté Kid. Et honnêtement, tout film qui tente de se rapprocher un tant soit peu de Karaté Kid mérite mon respect.

18.Jacky au royaume des fillesde Riad Sattouf


Après Les Beaux Gosses, Riad Sattouf tente la satire avec un pays totalitaire, des morts tragiques, des orphelins et beaucoup, beaucoup de méchanceté. Jacky au royaume des filles se donne énormément de mal pour créer un monde absurde et finalement assez complexe, dominé par les femmes. Vincent Lacoste promène son charme lunaire, très BD, au milieu de ce décor de dictature triste.

Au delà de son twist-gag un peu faible, il y a chez Sattouf une vraie exigence quand il s’agit de créer un monde quasi plausible et de capter la vérité de ses personnages, même dans l’absurde. Mais si Jacky au royaume des filles brille, c’est avant tout grâce au génie comique de Didier Bourdon, jamais aussi bon que quand il joue les veules, les lâches et les félons.

17.Les Combattantsde Thomas Cailley


Débat: est-ce que Les Combattants est une vraie comédie? Pour choisir les films que je vais voir, je me repose sur Allociné. Les Combattants y est marqué «romance» et «comédie» et, pour une fois, je suis d’accord. Il y a dans Les Combattants une vision critique de l’armée, proche d’un sketch des Inconnus sans tomber dans la grosse caricature. Au fond, Les Combattants ne serait il pas ce film de bidasses intelligent que tout le monde attendait?

Arnaud allait passer un été peinard avant de faire la rencontre de Madeleine. «La belle guerrière, l’amazone», comme dirait Denis Brogniart, s’incrit à un stage découverte dans l’armée. Il la suit. L’inversion des genres est géniale et le jeu subtil d’Adèle Haenel, parfaite en pré-barbouze, fait des Combattants une des réussites de l’année. Thomas Cailley est un réalisateur avec qui il faudra compter.

16.Le Crocodile du Botswanga / Fastlifede Fabrice Eboué et Lionel Steketee / Thomas Njigol


Le duo Ngijol/Eboué tente de refaire le braco de 2012 avec le surprenant Case départ, qui se terminait sur un foursome au parfum de paradoxe temporel. Le Crocodile du Botswanga joue la même carte du décalage en déplaçant son personnage bourge, sarkozyste et veule en terre inconnue, un pays d’Afrique contrôlé par un général-dictateur mégalo.

L’humour fait tache et c’est sans doute ce que la comédie française pouvait faire de plus irrévérencieux en 2014 sur l’Afrique, ce terrain miné de culpabilité. Mais j’avoue avoir une tendresse pour Fabrice Eboué qui se fait tazzer. La comédie, ça passe par des idées simples.

Ngijol a proposé dans la foulée son Fastlife, sur un athlète mégalo qui va faire un voyage rédempteur en Afrique. Moins rythmée, l’histoire repose sur une ambiguïté winner/loser difficilement tenable. Les meilleurs moments sont ceux où le malaise est palpable. Pour l’instant, on va préférer Ngijol et Eboué en duo.

15.Les Gazellesde Mona Achache


Tout n’est pas franchement réussi dans Les Gazelles, mais on voit clairement l’ambition du projet, celle de capter l’air du temps dans un monde post-Apatow, celui des filles en perte de repères dans la société moderne. On sent aussi l’influence de Girls pour le ton volontiers trash et l’imagerie un peu cracra des lendemains de cuites. Le résultat n’est pas toujours à la hauteur mais les intentions sont bien là. Maintenant, on sait que les filles se réveillent avec des gueules de bois, qu’elles baisent et qu’elles pètent. Il ne reste plus qu’à rendre leurs personnages un peu plus attachants.

14.Sambade Eric Toledano et Olivier Nakache


Entre ici, comédie sociale, véritable Omaha Beach du cinéma français, où viennent s’échouer ceux qui veulent donner du sens au rire. Toledano et Nakache tentent ici le décalage absolu avec Intouchables. Là où ils se complaisaient dans la richesse bien vulgaire des hôtels particuliers et des Maserati, ils basculent dans le mal de vivre des travailleurs clandestins et leurs difficultés à joindre les deux bouts. En gros, c’est la quête de sens pour les deux golden boys de la comédie française.

Omar Sy joue sans se forcer l’accent sénégalais et s’essaye à un rôle émouvant, en tout cas plus que son rôle de Bishop dans le dernier X-Men. Tahar Rahim est beaucoup plus poussif quand il fait le Brésilien, mais ça fait partie du script. Dans ce monde de Bisounours où les clandés sont TOUS gentils, mais tous les autres sont méchants, le plus marrant, c’est cette improbable Charlotte Gainsbourg qui joue la dépressive. Comme elle sait le faire, tout en pointillés. Avec Tahar qui fait un strip-tease et Omar qui fait le gros naïf, Samba glisse vers le conte de fées moderne. Ce n’est pas aussi insultant que certains ont pu le dire.

13.Libre et assoupide Benjamin Guedj


On m’avait prévenu: «Tu vas voir, toi qui t’enfile toutes les comédies, celle-là, elle est bonne.» Colocation, problème de thunes, air du temps… C’était vraiment surévaluer la portée drôlatique d’un trentenaire qui se laisse vivre et qui dort. Filmé comme des saynètes, par tranches de vie, Libre et assoupi développe un vrai propos… et se prend les pieds dans le tapis. Quand il ne pionce pas, il parle beaucoup, mais ça joue mollement la comédie. L’aspect subversif du rienfoutisme tombe complètement à plat quand le héros décide de rentrer dans le rang, sans jamais sentir un moment que les personnages pourraient s’élever un peu. On ne demande pas du Apatow à la française mais quand même, un effort, quoi!

Soyons franc: filmer l’ennui, c’est souvent très chiant.

12.Tu veux ou tu veux pasde Tonie Marshall


Pitch à l’américaine: Patrick Bruel est un accro au sexe qui se soigne chez les sex-addicts anonymes, qui se réunissent dans un local dans une laverie (?). Visiblement, ça ne pose absolument pas problème qu’il soit aussi psy spécialisé dans le couple. Son binôme devant partir, il engage alors Sophie Marceau, toujours au top de sa beauté mais sans diplôme. La belle est aussi reine des allumeuses et nympho. Comment tout cela pourrait-il mal tourner? Elle le veut, lui dit non. Son rejet va le conduire un jour à se réveiller en Belgique après s’être fait sucer en boîte de nuit, tout cela après avoir couché avec cinq autres filles. Parce que c’est Patrick, what else. Même au plus «chubby» de lui-même, le succès de Patrick ne se dément pas. Signalons qu’à un moment on le voit à poil, de dos. Tout du moins sa doublure.

Mais la malade, ne l’oublions pas, c’est Sophie, hein. Toujours nympho et désespérée, Sophie Marceau se retrouve dans un final hallucinant dans un bar avec Jean-Pierre Marielle. Le vrai, qui joue son propre rôle. Après quelques bons mots, Jipé s’en va. Bourrée, la belle Sophie voit alors, je ne plaisante pas, Patrick Braoudé avec une tête d’écureuil. Tu veux ou tu veux pas devient alors une comédie digne de David Lynch. Plus rien n’a de sens.

Une gueule de bois plus tard, ça y est, Sophie est guérie de sa nymphomanie, elle a arrêté de voir le cul des mecs à travers leurs vêtements et se jette sur Patriiiick. La rue se transforme alors en lit avec grosses couettes molletonnées parce qu’au point où on en est, pourquoi pas. La nymphomanie guérie par le whisky, une bien belle morale moderne.

11.Supercondriaquede Dany Boon


L’idée de départ est assez alléchante: Dany Boon est un hypocondriaque fou à lier. Le docteur incarné par Kad Mérad va essayer de lui trouver une femme pour que son patient lui lâche les baskets. Supercondriaque, c’est un pitch en or pour laisser exprimer la folie de l’acteur, du vrai burlesque comme on n’en fait plus.

Malheureusement, l’idée tient environ 30 minutes, le temps que débarquent des Tcherkistanais (sic). Dès qu’ils arrivent, on sent que Supercondriaque bascule dans quelque chose de potentiellement moins drôle. Sur un quiproquo, Boon se retrouve à la place d’un révolutionnaire et finit son aventure dans une prison moldave ou roumaine où il croupit jusqu’à sa libération, forcément guéri de son mal. Boon comédien a été incarcéré par Boon auteur, qui le pousse à jouer des platitudes.

10.Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?de Philippe de Chauveron


Alors, drôle, raciste ou un peu des deux? On s’en fiche. Le plus gros problème de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?, la comédie de l’année au box-office, c’est que tout le monde joue vraiment comme une savate. Christian Clavier est pourtant presque parfait en bourgeois de province, gaulliste droit-dans-ses-bottes, véritable métaphore de la vie de Clavier Christian, exilé à Londres pour cause de sarkozysme. On n’est jamais très loin de du méta-rôle.

Le moment de vérité où il retrouve tout son panache, c’est quand, ivre mort, il échange ses vêtements avec le père africain de son beau-fils. Il lâche alors un «Mais bon sang, arrêtez, vous marchez sur mon boubouuuu». Pendant cette toute petite scène, on a l’impression d’entendre Jacquouille la Fripouille. Comme il nous manque, ce gars-là.

9.Les Trois Frères, le retourde Didier Bourdon, Bernard Campan et Pascal Légitimus


Faut-il jeter encore l'opprobre sur ce film écrit comme un fanfic d’un succès des années 1990? Plutôt que de faire le méchant à nouveau en alignant les répliques assoupissantes des Trois Frères 2, je préfère laisser parler Pascal Légitimus:

«La société anxiogène est mal en point, nous avons peur. Le rire et la joie sont nos seuls compagnons pour supporter tout cela. Les Inconnus vous ont fait du bien pendant 35 ans, et ceux qui font du mal on les ignore. Si on continue, c'est parce qu'une partie d'entre vous nous suit. Il ne faut pas grand chose pour que la retraite nous guette. Des bises aux fans.»

Bisou, Pascal.

8.Situation amoureuse: c’est compliqué / L’Ex de ma viede Manu Payet et Rodolphe Lauga


Évidemment, j’aurais pu parler de Pas son genre, une comédie romantique assez audacieuse qui va jusqu’à oser l’hypothèse d’une fin triste. A la place, retrouvons deux comédies romantiques jumelles qu’on appréciera back-to-back, comme on dit entre initiés. Attention, ce n’est pas simplement parce que leurs héros respectifs étaient en couple dans la vie...

La règle de base d’une comédie romantique, c’est que le spectateur tombe aussi amoureux de ses protagonistes. Ici, c’est tout l’inverse et pire encore. A ma gauche: Situation amoureuse: c’est compliqué avec Manu Payet, acteur-réalisateur dont deux filles absolument sublimes sont amoureuses. Le problème vient du fait que cette comédie manifeste la même énergie cracra que Radiostars. Tout le monde est un peu le connard d’un autre alors qu’on devrait s’attacher à eux. Mention spéciale, quand même, pour Jean-François Cayrey, qui puise dans le meilleur des prestations du commissaire de la série des Taxi –c’est un compliment.

A ma droite, Géraldine Nakache, incroyablement belle sur l’affiche méga travaillée «à l’américaine». Décors de cartes postales atroces pour cette fille qui veut divorcer du mec qui l’aime encore. Cette idée improbable d’une réalisatrice-scénariste trop amoureuse de ses acteurs pour les rendre crédibles tient à un concept ressorti par à peu près tout le monde qui veut faire du léger: la comédie italienne. En général, ça ne l’est jamais vraiment. A la fin, la confiance retrouvée entre les deux amoureux qui ne divorcent plus est symbolisée par cette dernière scène maboule où le mec accepte de rouler les yeux bandés autour de l’Arc de triomphe. De toute évidence, ce couple n’est pas du tout charmant, il est juste très très con.

7.On a marché sur Bangkokde Olivier Baroux


Bangkok, c’est le point de non-retour de l’humour. Demandez à Very Bad Trip 2. Voyez On ne choisit pas sa famille. Relent colonialiste ou pas, on finit toujours par retrouver une petite fille perdue au milieu du pays, parlant un français impeccable et qui va servir de deus ex machina au film. C’est ce qui arrive dans On a marché sur Bangkok, écrit et réalisé par Olivier Baroux.

Généralement, quand la bande-annonce d’un film est diffusée au dernier moment, c’est très mauvais signe. Celle-ci est arrivée au tout dernier moment. Elle n’a même pas pu nous cacher un de ses pires gags: Kad Merad (trois films seulement cette année) dit n’importe quoi en simili-thaïlandais. Pire que les blagues de chutes, il y a celles des mecs qui parlent mal une langue. Jamais drôle, On a marché sur Bangkok est une course-poursuite, lancée comme une caravane en flammes qui s’échoue devant l’autel de l’humour.

6.A coup sûrde Delphine de Vigan


Un détail déraille dans les comédies et on ferme les yeux. Dans A coup sûr, tout déraille. Petit crève-coeur, c’est Chris Esquerre qui a co-signé ce scénario vraiment balourd réalisé par Delphine de Vigan, qui rejoint le camp des écrivains-réalisatrices.

Emma, alias Laurence Arné, une habituée des seconds rôles, est une journaliste brillante hyper efficace dans un magasine économique. Elle découvre qu’en fait, elle est un mauvais coup. En perfectionniste adepte de l’efficacité, elle va tout faire pour devenir bonne. Tout faire, c’est à dire bouquins de motivation, kamasutra, sexologue, sextoys, aphrodisiaques.

Comme son actrice, le film essaye tout. L’étude de moeurs, le comique de situation, l’absurde, le burlesque, tout y est traité de manière si usante et téléphonée. Il faudrait vous raconter la scène où Laurence Arné se retrouve avec un vibro incontrôlable en plein lieu de travail, ce qui donne une idée de la ringardise et du malaise ambiant. Pour une fille brillante, Emma enchaîne les fails de compet’. D’abord, elle couche avec son dentiste (malaise). Elle s’entraîne alors en couchant avec un collègue (!!) et se sert de ce pauvre geek qui boit du Cacolac au carton. Pire: le jeter salement fait de cette héroïne insupportable une vraie méchante. A coup sûr est un film qui n’a pas l’air de connaître quoi que ce soit au fonctionnement d’une rédaction d’un magazine. Niveau sexe, c’est pareil, on dirait qu’il découvre.

5.Barbecuede Eric Lavaine


Barbecue
rentre dans la catégorie typiquement française des films arrogants qui pensent qu’il suffit de mettre des gens autour d’une table en vacances pour que ça fasse un film. Ça n'a pas marché pour Les Petits mouchoirs, et pas plus là.

Lambert Wilson survit à un arrêt cardiaque et décide de remettre un coup de fouet à sa vie. Il va vivre à fond. Même quand il part en vacances avec ses potes, il les ennuie avec des «Allez c’est pas grave, on ne vit qu’une fois». Il devient très vite insupportable à faire la morale libertaire à tout le monde. Tous ses amis finissent par se détester et ni Dubosc ni Foresti n’y sont drôles –heureusement quand même que cette dernière est là pour insuffler un peu de personnalité aux femmes de ces mufles qui les réduisent à l’état de porte-manteaux.

Cependant, un détail m’a fait sortir du film. Lambert Wilson. A force de répéter des phrases comme «On va se dire les choses franchement» ou «On arrête la langue de bois», je me suis rendu compte qu’en fermant les yeux, sa voix ressemble à s’y méprendre à celle de Jean-François Copé. Barbecue serait-il un vrai film de droite?

Évidemment, on va me dire que je suis fou, alors cette année, j’ai décidé d’en apporter la preuve par l’image.


Mindfuck total. Barbecump, Lambert Copé = Jean Francois Wilson. J’y vais.

(remerciement au génial et très tordu Stéphane Bouley, qui monte et met en forme mes fantasmes les plus fous)

4.Jamais le premier soirde Melissa Drigeard


Lassée par ses mésaventures amoureuses, Alexandra Lamy s’en remet à ses copines et surtout aux guides de motivation pour positiver et pour mettre de l’ordre dans sa vie. Il y a un vrai sujet ici, mais bien évidemment, l’histoire dévie. Elle part dans des conventions zen ennuyeuses. Avec tout ça, Alexandra ne remarque pas qu’elle fait un effet fou à son libraire chez qui elle achète des tonnes de bouquins d’épanouissement personnel. En même temps, ce libraire, c’est Jean-Paul Rouve. Il est d’ailleurs présenté comme un loser complet, maladroit et chauve, tout en se tapant littéralement toutes les jolies jeunes filles du quartier. Incompréhensible.

Complètement indigent, Jamais le premier soir n’est mémorable que par sa scène de fin. Jean-Paul Rouve emballe finalement Alexandra Lamy dans la librairie, sur un présentoir. Ils commencent littéralement à baiser devant les yeux des passants. A mesure que le générique de fin défile et que la caméra s’éloigne, des dizaines de passants, femmes, hommes, enfants, se bousculent devant la vitrine de la librairie pour reluquer le couple en train de forniquer. C’est sans aucun doute une des images les plus gênantes de toute la comédie française en 2014, j’en ai encore la chair de poule rien que d’y penser.

3.Brèves de comptoirde Jean-Michel Ribes


Ce n’est peut-être pas le pire film de l’année mais c’est le seul que j’ai abandonné en cours de route. L’ouvreur avait l’air désolé de me voir filer bien avant la fin mais trop, c’est trop.

J’imagine qu’au théâtre, ça peut peut-être passer, les enfilades de perles des comptoirs de bars. Mais au cinéma, c’est la descente aux enfers, les deux pieds joints et les yeux bandés. Par contre, ils sont tous là: François Morel, Bruno Solo, Dussollier, Laspallès & Chevalier, Yolande Moreau, Dominique Pinon, Bénureau... Ce All-star de la fine fleur de la comédie française se ringardise exprès à mesure que les bons mots populaires s'enchaînent. Les bons s’oublient et les plus nuls s’incrustent dans la mémoire. C’est atroce.

Du très simple «Si je parle pas, j’ai rien à dire», on dévie vite. Au cuistot noir: «T’as la double nationalité, toi! Français et en retard.» Classe. «L’égalité homme-femme, je suis d’accord, si ça peut leur faire plaisir à ces connasses.» Classe encore. Un coup de griffe à l’actualité: «Le mariage pour tous, c’est pas pour tous, c’est pour les pédés.» Ou encore:

«A la campagne, faut dire qu’on a pas d’homos.
–Ouais. Faut dire qu’on a le bonheur.»

Je suis sorti à ce moment là. Ne me racontez pas la fin, ça ira comme ça.

2.Amour sur place ou à emporterde Amelle Chahbi


«Moi, je fais du stand up.» «Ah oui, comme Franck Dubosc?» «Ah non, pas lui!» Ca commence mal. Quand on réalise une comédie, on évite de tacler les confrères dès le début. Sinon on est contraint à l’excellence.

Pas de bol, dans Amour sur place ou à emporter, il n’y a pas l’ombre d’une blague qui fait mouche. Aucun personnage n’est consistant ni même plausible. Dès le début, les héros se mettent ensemble alors que tout semble indiquer que la fille n’en a rien à faire de ce relou qui l’emmène à l’Hippopotamus. Même le contexte social des deux amoureux qui travaillent tous les deux chez Starbucks ne semble exister que pour le placement produit qu’on imagine juteux.

Tout sonne creux et faux, jusqu’au final, filmé sur Miami reconstitué sur fond vert. Moment le plus surnaturel: les héros se font attaquer dans un MK2 sur le quai de Seine. Non seulement on y croit pas, mais en plus c’est vraiment pas très sympa pour un film produit par Gaumont. De Dubosc aux ciné concurrents, Amour sur place ou à emporter est un sale film qui essaye de bâcher sans réussir à faire rire, le pire des crimes.

1.Sous les jupes des fillesde Audrey Dana


On croit à tort qu’un film réalisé par une femme qui tourne autour de ses actrices est un film féministe. Erreur! On peut difficilement faire plus misogyne que ce film choral où tous les personnages sont définis par un défaut. Audrey Dana n’existe que par le stress de son syndrome menstruel. Marina Hands est cruche. Isabelle Adjani est hystérique à en filer la nausée. Laetitia Casta pète quand elle est stressée.

Une bonne comédie se reconnaît aussi à ses arcs narratifs de qualité. Géraldine Nakache va tomber amoureuse de la babysitter, heureusement elle va revenir dans le droit chemin avant la fin de l’histoire. Quand à Julie Ferrier, elle va, je vous jure que c’est vrai, se cogner contre un poteau et devenir nymphomane. Ne sachant pas boucler son film, Audrey Dana emballe tout avec l’idée la plus «an 2000» qui soit, un flashmob.

Tous les indicateurs du malaise clignotent à chaque seconde de Sous les jupes des filles. Alors, si votre idée d’une bonne comédie commence par une femme, un pét’ entre les doigts, qui s’enfonce rituellement un tampon, allongée dans son lit, et dont les petites gouttes de sang en image de synthèse s’envolent dans le ciel de Paris pour former le titre du film, hé bien, Sous les jupes des filles est pour vous.

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