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Prise d'otages de Sydney: en surréagissant, politique et médias font le jeu du terrorisme

Temps de lecture : 2 min

Des officiers de police d'Etat du New South Wales, au coin d'une rue à côté du Lindt Café de Martin Place, à Sydney, où les otages ont été détenus le 15 décembre 2014. REUTERS/Jason Reed
Des officiers de police d'Etat du New South Wales, au coin d'une rue à côté du Lindt Café de Martin Place, à Sydney, où les otages ont été détenus le 15 décembre 2014. REUTERS/Jason Reed

La prise d’otages du Lindt Café à Sydney (Australie) s’est achevée, dans la nuit du lundi 15 au mardi 16 décembre heure locale, par un assaut des forces de l’ordre, faisant trois morts, dont le preneur d'otages, et au moins quatre blessés. Dans l'intervalle, 16 heures d'un emballement politique et médiatique qui a participé à semer la terreur et permis au terroriste d’atteindre son but, selon un éditorial publié par Peter Hartcher sur le Sydney Morning Herald.

Le journaliste compare le calme relatif qui régnait lundi matin devant le café de la Martin Place, encerclé par la police, à la panique relayée par les médias dans les heures qui ont suivi. Le Premier ministre australien Tony Abbott a d’abord organisé une conférence de presse à la mi-journée alors qu’«il n’avait aucune information à offrir sur l’incident». Au lieu de cela, il a insisté sur son «inquiétude» et a qualifié la situation de «terrifiante». Les autres figures politiques en ont fait autant:

«La réaction de la plupart des médias pendant la majeure partie de la journée a consisté à jouer les pom-pom girls du battage médiatique et à fournir une plateforme toute prête à n’importe quel politique qui voulait s’insérer dans l’événement»

Dans la journée, les employés des immeubles attenant au café ont été évacués, ainsi que l’Opéra et la Bibliothèque de Sydney, tandis que le centre ville a été bouclé par la police. Les transports publics ont été détournés et les excursions scolaires dans la ville ont été annulées.

Sur le site News.com.au, Clive Williams, expert en terrorisme à l’Australian National University, estime que le traitement de cette prise d’otages a été disproportionné:

«Cela a l’air d’être une prise d'otages "à l'ancienne" et ne justifie peut-être pas le genre de mesures qui ont été adoptées autour de Sydney. De ce que rapportent les médias, on dirait qu’il y a une réaction à l’américaine. Les Américains fermeront une ville toute entière s’il leur arrive un accident, alors que nous avons en général une approche plus mesurée.»

Le Guardian fait le parallèle avec l’arrestation, il y a trois mois, d’un autre homme soupçonné d’actes terroristes par les autorités australiennes, dans le cadre de la plus grande opération antiterroriste jamais menée dans le pays:

«[...] il y avait eu une grande démonstration de force de la police dans l’ouest de Sydney et aux environs de Brisbane. Ces raids ont impliqué 800 policiers, des hélicoptères et ont été suivis par un paquet de médias. Un homme, Omarjan Azari, a été accusé d'attaque liée au terrorisme. C’était un étalage trop ambitieux du pouvoir de l’Etat, avec très peu de résultats à afficher.»

Les actes de terrorisme sont relativement rares en Australie. Le South Morning Herald explique que ces réactions de grande ampleur sont exactement celles qu’attendent les activistes qui se lancent dans le terrorisme:

«Cette surréaction est la mesure de leur succès. Le terrorisme est un outil du faible contre le fort. Il est fait pour retourner la force de l’ennemi contre lui.»

En septembre, Slate rapportait également l’analyse de The Intercept, qui estimait que le gouvernement australien entretenait volontairement la peur afin de renforcer sa puissance et utilisait en cela les mêmes méthodes que les individus auquel il prétend s’opposer:

«Les dirigeants politiques n’aiment rien plus que de voir leurs populations effrayées par une menace extérieure. A cet égard, les dirigeants occidentaux partagent le même but que l’Etat islamique: terroriser les citoyens en exagérant grossièrement la portée de cette menace.»

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