Imaginez: la CIA, dans sa guerre contre le terrorisme, décide d’embaucher deux anciens officiers de l’armée de l’air, des psychologues, afin de développer et structurer leur programme de torture. Ces deux hommes seraient payés 81 millions de dollars, et vivraient désormais heureux dans leurs maisons respectives, construites avec l’argent du contribuable américain.
Le scénario a de quoi faire frémir, et pourrait à coup sûr plaire aux producteurs d’Hollywood. Sauf que l’histoire est bien réelle. Le site The Daily Beast explique que James Elmer Mitchell et John Bruce Jessen «ne sont pas les premiers Américains à employer la torture par l’eau (waterboarding) et d’autres techniques contre les ennemis des Etats-Unis. Mais [qu'] ils sont certainement les seuls à devenir riche en le faisant.»
Par le passé, au début du XXème siècle, les officiers américains avaient déjà utilisé la torture par l’eau contre des insurgés philippins, rappelle The Daily Beast. La plupart ont été acquittés par la cour martiale, estimant que l’usage de la torture était justifié. Un officier avait à l’époque été condamné à seulement 50 dollars d’amende, et avait fini général de l’armée.
Le récent rapport du Sénat sur les techniques mises en place par la CIA a donné plus de détails sur les deux hommes et le contrat passé avec l’agence du gouvernement. Avant que cette dernière ne mette fin à l’accord en 2009, Mitchell et Jessen auraient pu recevoir en tout 180 millions de dollars (145 millions d'euros). The Daily Beast note également que «la CIA leur a accordé "accord d'indemnisation pluriannuel " pour les protéger eux, leur entreprise, et leurs employés de toute "responsabilité juridique découlant du programme".» Même après l'annulation du contrat par la CIA en raison des critiques sur le programme de torture, The Daily Beast écrit que les deux hommes auront gagné au moins 81 millions de dollars.
Il y a quelques jours, le site Vice News publiait une longue vidéo d’une rencontre avec l’un des deux «architectes de l’horreur», James Mitchell, qui vit désormais en Floride et aime se balader en canoë au milieu des alligators. S’il ne pouvait pas parler de son implication dans le programme de la CIA, il a estimé que «suggérer que la coercition n’a jamais été utilisée comme application de la loi, ou par le FBI par exemple, est idiot. La première question qu’on devrait se poser c’est: pourquoi n’avons-nous pas de programme d’interrogation?»
Dans un communiqué commun, cité par The Daily Beast, Mitchell et Jessen ont depuis confirmé qu’ils étaient bien à l’origine de ce programme «d’interrogatoire» et ont expliqué qu’ils étaient «fiers» du travail accompli pour leur pays.
Samedi 13 décembre, cette histoire a d’ailleurs fait l’objet du sketch d’ouverture de la mythique émission américaine Saturday Night Live.