En 1932, George Orwell écrivait Clink, un essai sur sa tentative d’être arrêté, publié à titre posthume. Il racontait comment, après avoir bu «quatre ou cinq pintes» et une grande partie d’une bouteille de whisky, il avait passé 48 heures en garde à vue. La limite entre la fiction et la réalité a souvent fait débat dans les oeuvres de l’auteur. Mais cette fois, Luke Seaber, un chercheur de l’University College London, dit avoir la preuve qu’Orwell s'est effectivement retrouvé derrière les barreaux, rapporte The Guardian.
Concernant plusieurs ouvrages de l’auteur, Dans la dèche à Paris et Londres, Comment j’ai tué un éléphant, ou Une pendaison, le chercheur explique:
«Il y a le problème général de sa véracité car il est fait référence à des incidents isolés, mais au-delà de cela, il y a celle de l’exactitude de son récit des événements de divers épisodes de la fin des années 1920 et du début des années 1930 [...] Il y a toujours eu ici un manque de preuves documentaires [...] Cette situation est exacerbée par son aspect relativement vague [...] concernant les détails de ses incursions [...] cela combiné à la disparition de documents tels que les registres d’admission des salles de sport de Romford et Edmonton [...]»
Mais Luke Seaber a trouvé dans les archives du London Metropolitan des dossiers judiciaires qui, selon lui, apportent «la confirmation externe et sans ambiguïté qu’Orwell a en effet mené à bien, plus ou moins comme il le décrit, l’une de ses expériences “dans la dèche”».
Par exemple, les camarades de cellule décrits par George Orwell dans Clink existeraient vraiment. Le «jeune Belge laid accusé d’avoir entravé la circulation avec une brouette» serait Pierre Sussman, âgé de 20 ans, qui a plaidé coupable pour l’obstruction de Shoreditch High Street avec une charrette, tandis que le «jeune qui a poignardé sa “pute” dans l’estomac» serait «Joseph William McGowan, un polisseur de 20 ans [...] Il a été accusé du meurtre d'une certaine Florence Emily Gamman».
D’après le chercheur, les quelques inexactitudes dans le récit de l’auteur sont honnêtes et pourraient être faites par n’importe qui écouterait une conversation en cellule et n’en saisirait pas exactement tout le contenu.
Cette découverte n’est pas surprenante pour Gordon Bowker, biographe de George Orwell, qui affirme que d’autres points de son oeuvre dont la véracité a été mise en doute, comme le fait d’avoir tué un éléphant en Birmanie ou d’avoir été suivi par des espions, ont plus tard été confirmés, respectivement par un témoin et des dossiers du KGB. D’après lui, les écrits d’Orwell se rapprochent du reportage. Il se serait fait arrêter «pour avoir un avant-goût de la prison et se rapprocher des clochards et des malfaiteurs à la petite semaine avec qui il se mélangeait».