Boire & manger

La vraie histoire de l'apéro en BD

Temps de lecture : 4 min

De Babylone à nos jours, retour en dessins sur l'évolution de notre consommation (plus ou moins) alcoolisée.

Bonjour l’internet, avant que tu ne lèves ton coude pour boire ton premier verre du week-end, je te propose de découvrir l’histoire de l’apéro. Bière? Vin? Ricard? Si tu es plutôt limonade ou thé chaï, tu peux aussi lire cet article, rassures-toi.

Mais il faut que tu saches qu’autrefois, l'apéro se devait d'être alcoolisé. Question médicale. Du latin aperire, qui signifie «ouvrir», le premier verre alcoolisé avant le repas du soir est censé t’ouvrir les pores, les canaux, les vaisseaux. Bref, il doit te mettre en appétit. Voici son histoire.

L’alcool d’il y a très longtemps, picoler pour les dieux

Déjà, bien avant notre ère, les civilisations fabriquaient et consommaient de l’alcool. Il y a quatre millénaires, à Babylone, Nidaba était la déesse de la bière, dont tout le monde était très friand. À la même époque, la bière (heneqet) est la boisson nationale en Égypte et accompagne chaque repas et sortie dans les cabarets et autres bordels.

La recette est simple: on fait du pain à base d’orge qu'on produit soi-même, on émiette ce pain dans de l’eau et on verse le tout dans une jarre. Et puis on attend, on attend, et quand la couleur paraît OK, on passe le tout au tamis pour enlever les morceaux et on boit. Plus la bière est foncée, plus elle est forte en goût (et en alcool).Le culte du vin y est aussi très important dans les classes élevées, et les pharaons en consomment beaucoup (trop). 


Toujours quatre millénaires avant notre ère, en Inde, on picole un cocktail à base de lait, de vin, d’eau et de miel pour entrer en communion avec les dieux (recette que tu peux essayer chez toi!). Enfin, 300 ans avant Jésus-Christ, au Pérou, on boit de la bière de maïs –comme la chicha qu’on consomme encore dans les régions andines. Évidemment, l’alcool est souvent remis aux dieux par les offrandes. Pour les remercier de pouvoir se saouler tranquille, quoi.

Le moyen âge, l’apéro qui soigne

Durant l’Antiquité, les Romains ont pour habitude de consommer des vins sucrés au miel, alors que les Gaulois boivent plutôt des boissons épicées. L'idée est vraiment de s'ouvrir l'appétit: faut bien picoler, pour bien manger, pour bien pouvoir se battre (et se reproduire)! Cette tradition va perdurer jusqu'à la fin du haut Moyen-Âge.

Effectivement, à partir du IXe siècle, l’apéritif change. On ne le consomme plus avant de se nourrir pour s’ouvrir l’appétit, mais en mangeant ce que l’on appelle «l’assiette de table» ou «le premier mets». Il s’agit de pain grillé, de fruits, de pâtés ou encore de saucisse. Le tout était accompagné de cresson et avait pour fonction de faciliter la digestion.

Les boissons apéritives sont composées de plantes reconnues pour stimuler l’appétit: il s’agit essentiellement de vins liquoreux aromatisés aux herbes. C’est seulement ensuite que sont apparus les hypocras et les vins doux. Dans les Hautes-Alpes, où les hivers sont rudes, il existe de nombreuses liqueurs à base de plantes telles que le génépi, la gentiane, le genièvre, qui paraissent alors à l’époque comme des remèdes contre les coups de froid.

Durant toute la fin du Moyen-Âge, la prise d’apéritif n’est pas gastronomique, mais vraiment utilisée à des fins thérapeutiques. Logique: faut vraiment être malade pour boire du génépi, ou pire de la Suze...

L’Ancien Régime et le «coup d’avant»

À partir du XVIe siècle, les muscats et les champagnes doux s’installent dans les coutumes françaises. À cette époque, on boit du vin à table, tout le long du repas. Mais avant d’attaquer les choses sérieuses, on se détend un peu: c’est le moment du «coup d’avant», un vin coupé à l’eau que l’on accompagne de petits hors-d’œuvre (du pâté). On se met bien, quoi.

Petit à petit, les coutumes vont se transformer, on va manger en dehors de la maison. Il n’y a pas vraiment de restaurant, mais les auberges sont répandues et célèbres pour servir du vin, de la bière et de l’eau-de-vie aux voyageurs. L’occasion de prendre l’apéro ailleurs et de se retrouver entre copains, avec modération... Presque.

Le XIXe: l’abus et la répression

Les mecs, au XIXe siècle, ils picolent pas pour de faux, tellement que l’Église débarque avec sa morale pour lutter contre l’alcoolisme. Faut dire qu’au début du siècle, on met le paquet sur la pub, en particulier sur le cidre, le vin et la bière, que l’on consomme à l’époque beaucoup plus que l’eau (qui n’est pas encore dans les maisons, et bien souvent, impropre à la consommation).

Un agriculteur normand peut ainsi boire plus de 8 litres de cidre par jour en période de récolte, alors qu’un vigneron va boire jusqu’à 7 litres de vin pendant les vendanges. Effectivement, il faut faire quelque chose. C’est l’apéro toute la journée, et il y a de plus en plus d’accidents dans les usines à cause de l’alcoolisme. On a perdu toutes formes de convivialité, de thérapeutique ou de lien avec le divin.

La publicité est très présente et n’hésite pas à donner des connotations sexuelles aux alcools pour pousser à la consommation. On vante les plantes aux «qualités médicales incontestées» de ces breuvages et certains (Quinquina, Byrrh, Guignolet) sont réputés pour leurs vertus. Ils sont dits «tonifiants», «toniques» et «régénérateurs». Les apéritifs sont recommandés pour tous. Et tout le monde boit, surtout dans les classes populaires. Même les enfants.

Dans les milieux aisés, la consommation d’alcool est plus festive et conviviale: on boit un verre alcoolisé avant le repas. Ou deux. Ou trois. Mais on ne boit à aucun autre moment de la journée, une habitude qui va se poursuivre pendant la moitié du XXe siècle.

De 1948 à nos jours, boire, oui, mais manger, encore plus!

C’est après la Seconde Guerre mondiale que l’apéro va vraiment se démocratiser en un moment informel et plutôt improvisé entre copains réunis autour d’un verre. Aux États-Unis, la mode est au cocktail; en France, on aime bien le pinard, et le Ricard aussi. Pour certains, l’apéritif devient un vrai sport.

C’est terminé, le temps où l’on buvait pour se mettre en appétit, pour se protéger du froid ou invoquer les dieux. Depuis les années 1970, l’apéro prend sa place dans la société comme un moment convivial qui peut même remplacer le repas du soir. C’est le fameux «apéritif dînatoire». Tu manges ta petite verrine de céleri en buvant ton verre, debout, et ça t’évite le moment gênant où tu es assis-e à table à côté de ta tante un peu bourrée qui te drague lors de l’anniversaire de mariage de tes parents. Et ça, c’est pas mal.

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