«Il ne nous a jamais battus ou touchés, mais il y avait ce sentiment que quelque chose se tramait, sous la surface.» Quand elle voit son père pour la dernière fois lors d’un déjeuner, Melissa Moore a 15 ans et n'ose pas imaginer de quoi son père était capable. Quelques mois plus tard, sa mère lui apprend qu'il a été arrêté pour le meurtre de plusieurs femmes. Aujourd’hui adulte, elle a décidé de raconter son histoire à la BBC.
«Je peux pas te le dire, chérie. Si je te le dis, tu vas le dire à la police. Je ne suis pas ce que tu penses Melissa.»
Ces mots résonnent aujourd’hui encore dans l’esprit de Melissa Moore. En réalité, son père est un serial killer responsable du viol et de la mort de 8 femmes, plus connu sous le nom de «Happy Face Killer». Très vite, sous le choc, des souvenirs refont surface, et elle raconte par exemple ce jour où il a pendu des chatons qu’elle avait trouvé dans le jardin. Et comment son visage était souriant en les torturant. Ou quand elle avait 13 ans et qu’il avait lancé, lors d’un voyage, qu’il savait «comment tuer quelqu’un et s’en tirer».
Keith Hunter Jesperson était camionneur à l’époque et a violé et tué plusieurs femmes, souvent des prostituées ou des sans domiciles fixes, lors de ses voyages à travers les Etats-Unis. Il a un jour clamé avoir tué 160 femmes à travers le pays, et envoyait des lettres aux médias en signant avec un smiley souriant.
La vie de Melissa a basculé.
«On me fixait au lycée quand les médias ont commencé à en parler. Les parents étaient choqués à l’idée que leurs enfants aient pu être en danger, alors ils les ont tenus éloignés de moi, et j’ai commencé à me sentir coupable et honteuse.»
A tel point qu’elle se demande si elle n’est pas elle aussi dangereuse:
«Est-ce que je traîne ce mal avec moi, et pourrait-il se transmettre à mes enfants?»
Aujourd’hui, Melissa Moore a refait sa vie et a raconté son histoire et celle de son père dans un livre sorti en 2008, Shattered Silence. Elle a également rencontré plus de 300 proches de serial killers à travers le pays pour partager son expérience et tenter de leur expliquer comment vivre avec.
Elle raconte que c’est lors de l’écriture ce livre qu’elle a vraiment réussi à se libérer du poids de cette tragédie. Son grand-père lui racontera une chose qui a tout changé: son propre père lui a confié qu’il avait déjà songé à la tuer, elle et ses frères et sœurs quand ils étaient petits.
«Peut-être que les gens ne comprendront pas, mais entendre ça m’a rendu ma liberté. [...] M’aurait-il tué si j’avais dénoncé ses crimes à la police ce jour-là quand j’avais 15 ans? Oui il l’aurait fait. Comprendre cela m’a permis de lui dire au revoir.»