Et si faire un tour dans l’espace s’assimilait carrément à une expérience mystique? Ce qui ressemble à une hypothèse New-Age est étudiée depuis les débuts de la conquête spatiale par la communauté scientifique. Dans un long article consacré au sujet, le site américain Fastcoexist explique ainsi que les astronautes expérimentent au moins deux types d’effets psychologiques mystérieux dans l’espace.
Le premier, que les Américains désignent par l’expression «break-off phenomenon» renvoie à un fort sentiment de détachement qui saisirait pilotes et équipages s’élevant entre 13 et 22 kilomètres au-dessus de la Terre (au niveau de la stratosphère). «Une sensation effrayante de détachement», pour reprendre les mots confiés par un pilote américain à un psychologue de la Navy; susceptible de procurer, en fonction des individus, soit un sentiment de sérénité, soit une euphorie, soit une énorme angoisse.
Un phénomène dont on ne retrouve plus vraiment traces après les années 1950, poursuit FastcoExist qui fait l'hypothèse, en citant les travaux récents d'un chercheur de la Nasa, Jordan Bimm, que les astronautes se sont tus «par peur d'être punis, de ne pas être autorisés à voler en raison d'une déficience mentale ou physique». Un processus de déni, poursuit le site, courant dans l'espace –les équipages tentant de dissimuler leur mal d'espace ou des phénomènes étranges pourtant explicables.
Mais parallèlement à ce détachement progressivement tu, un autre effet psychologique du voyage dans l’espace a été progressivement commenté. Appelé «overview effet» (ou «effet de la vue d'ensemble»), il serait lié à la prise de conscience que la vue de la Terre, depuis l’espace, provoquerait. Se rendre compte que notre planète est un espace fini, plongé dans une étendue bien plus vaste, provoquerait une espèce d’épiphanie chez les personnes ayant eu l’opportunité de profiter de ce panorama.
«The Overview effect», court-métrage réalisé en 2012.
En 2012, un court-métrage, «The Overview effect» (voir ci-contre) a même été réalisé sur le sujet. L'astronaute Ron Garan y déclarait alors, comme le rapporte le Huffington Post:
«Quand nous regardons la Terre de l'espace, nous voyons une planète incroyablement belle. Elle ressemble à un organisme vivant, qui respire. Mais semble en même temps très fragile.»
Comme le précise Fastcoexist, cette expérience «profonde et quasi religieuse qui consiste à voir la Terre de l’espace» n’est pas seulement relayée par les astronautes, elle fait carrément l’objet d’un thinktank, Overview Institute, «consacré à l’idée que voir la Terre de l’espace provoque une sorte d’épiphanie spirituelle qui change la perspective sur l’humanité pour toujours». George Whitesides, le patron de Virgin Galactic, compagnie de voyage spatial privé dont l’un des pilotes vient de périr dans un accident, en fait partie, tout comme des «personnalités de la Nasa», poursuit le site, ou bien encore Rick Tumlinson, administrateur de la fameuse X-Prize Foundation –proche des concepts transhumanistes et cherchant, à l’instar d’un Google X, à générer des «breakthroughs», des avancées scientifiques radicales.
Pour certains observateurs, sentiment de détachement et prise de conscience mystique relèveraient d’une même expérience de conscience en hautes altitudes. Jordan Bimm a notamment cherché à en relever les similitudes.
Force est de constater que la question de la réalité de ces phénomènes, et de leurs causes éventuelles, se posent avec encore davantage d’acuité aujourd’hui, avec la volonté (encore loin de se réaliser) de démocratiser les voyages dans l’espace. Faut-il préparer les touristes spatiaux à vivre une expérience cosmique? Voire inciter l’humanité, comme semble le suggérer l’Overview Insitute, à monter là-haut pour prendre conscience de la fragilité de la planète?
Dans son livre Histoire(s) d'espace, où il raconte sa troisième mission dans l’espace, l’astronaute français Jean-François Clervoy n’appelait d'ailleurs pas à autre chose:
«Si tous les Terriens volaient dans l’espace, écrivait-il alors, ils verraient combien la planète surpasse en beauté tout ce que l’homme a dessiné, peint, construit ou inventé.»