Quand on roule en voiture aux Etats-Unis en écoutant des radios locales, il est facile de prédire si on se trouve dans une région plutôt conservatrice ou plutôt progressiste. Lorsqu'on a le choix entre huit chaînes chrétiennes et dix chaînes de country, il y a fort à parier qu'on se trouve dans un Etat qui vote républicain. Du hip hop, du jazz et la radio publique NPR? Bienvenue chez les Démocrates!
Facebook vient de publier des données qui confirment ce gouffre culturel: les internautes qui «aiment» sur Facebook des candidats démocrates pour les élections de mi-mandat aiment aussi Beyoncé, Lady Gaga et les Beatles. Chez ceux qui «likent» des candidats conservateurs, c'est la country qui domine. Seules quelques stars comme Elvis Presley, Taylor Swift et Metallica mettent tout le monde d'accord.
Or, les informations sur ces différences culturelles sont désormais monétisées. Depuis quelques mois, le service de streaming en ligne Pandora (un équivalent de Spotify et Deezer) propose à des sociétés de communication politique (notamment Precision Network et Bully Pulpit) de payer pour pouvoir placer des publicitiés de campagne entre plusieurs chansons écoutées. Ce qui séduit les communiquants, c'est que grâce aux données sur les goûts musicaux des abonnés (ainsi qu'à leur code postal), Pandora peut prédire les préférences éléctorales de ses auditeurs. Ainsi, les candidats peuvent savoir quel utilisateur devrait plutôt recevoir une publicité pro-démocrate ou pro-républicaine.
Pour les élections de mi-mandat à venir, 400 campagnes politiques ont déjà payé Pandora pour placer des publicités audio.
Etant donné que l'idée est de faire écouter des messages démocrates à des gens dont les goûts musicaux indiquent qu'ils sont démocrates, le but est plus de motiver l'électeur à aller voter que de le faire changer d'avis. Les quelques Républicains qui ont le malheur d'aimer le jazz ou le reggae reçoivent probablement des pubs qui ne leur sont pas adaptées... Idem pour les Démocrates fans de country (oui, il y en a).
La grande majorité des abonnés écoutent Pandora sur mobile et les publicités se font donc en deux temps: après le message audio, une bannière apparaît sur le téléphone de l'usager et demande une adresse email ou une contribution financière, ce qui permet aussi de savoir si les publicités sont efficaces.
Facebook s'adonne aussi à ce genre de pratiques depuis l'élection présidentielle de 2008: des entreprises de communication politique peuvent payer pour avoir accès à certaines données et insérer des publicités sur les pages des utilisateurs.
En 2011, la Républicaine ultra-conservatrice Michele Bachmann avait notamment envoyé des messages publicitaires aux utilisateurs de Facebook qui aimaient le rock chrétien et avaient posté des messages sur les réductions d'impôts, deux signes qui indiquent avec quasi certitude qu'on a affaire à un potentiel fan du Tea Party...