Le président de la FNSEA a parlé, mercredi 29 octobre, de «djihadistes verts» à propos du mouvement contre le projet de barrage de Sivens dans le Tarn, lieu de réunion et de protestation de militants écologistes. Ces propos ont été tenus après la mort, dans la nuit de samedi à dimanche, de Rémi Fraisse, un jeune manifestant de 21 ans, qui pourrait avoir été causée par le jet d'une grenade tirée par un gendarme lors d'affrontements. Une enquête a été ouverte par le parquet de Toulouse.
L'emploi de cette expression est l'illustration d'une mode croissante quand il s'agit de diaboliser les écologistes et leurs revendications. On parle aussi fréquemment de «talibans verts» (par exemple ici et ici) pour désigner la frange la plus radicale du mouvement écologiste, plutôt issue de la société civile qu'émanant du parti Europe Ecologie - Les Verts lui-même.
Il n'en a pas toujours été ainsi. Quand le «fascisme vert», expression parfois utilisée pour désigner l'islamisme radical, n'était pas encore perçu comme la menace numéro un par les démocraties occidentales, les écolos radicaux étaient plus volontiers comparés à l'extrême gauche révolutionnaire. On parlait alors de «Khmers verts».
Militant historique de l'écologie, Gabriel Cohn-Bendit, frère de Daniel, expliquait en 2011 dans A bas le parti vert! Vive l'écologie!, qu'il surnommait avec ses amis les militants des Verts d'Antoine Waechter les «Khmers verts», «à cause de leur intégrisme».
En novembre 2011, après l'accord électoral PS-EELV en vue des législatives de 2012, le maire (PS) de Lyon Gérard Collomb fustigeait les «Khmers verts» et leur «terrorisme intellectuel» à propos de son opposition locale écologiste.
On retrouve aussi l'expression sous la plume d'Eric Zemmour dans son livre Le bûcher des vaniteux.
La référence fait aujourd'hui datée, surtout pour les générations qui sont nées et ont grandi dans le monde d'après le délitement du bloc communiste. Comme le note Gabriel Cohn-Bendit, «les jeunes gens d'aujourd'hui ne savent plus ce qu'étaient les Khmers rouges, d'où l'usage d'un sobriquet réactualisé: les talibans verts. “Taliverts” pour les intimes».
Ces qualificatifs, sorte de point Godwin de l'écologie politique, sont en tout cas un bon indice du repoussoir absolu du moment dans une société: jadis les rouges et les khmers, désormais les talibans et les djihadistes...