Prenant au mot le PS, qui a ouvert les contributions pour ses États généraux, notre contributeur Laurent Bouvet a décidé de prendre la plume. Avertissement: aucun-e socialiste n'a été maltraité au cours de cette tribune.
Aujourd’hui, nous traversons une crise mondiale mais nous pourrons en sortir si nous savons remettre en avant nos valeurs afin d’aller en confiance vers l’avenir. Ce ne sera possible qu’à travers une démarche responsable et de progrès de tou-te-s les militant-e-s socialistes. Cette démarche, elle est citoyenne et européenne, car comme le disait Jean Jaurès: «Le courage… c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel.»
Ne pas oublier nos valeurs pour redonner du sens à l’action
La première des valeurs des socialistes, c’est l’Egalité pour tou-te-s et pour chacun-e. Face à toutes les discriminations culturelles, économiques, sociales et urbaines, l’égalité passe aujourd’hui comme demain par le respect de chacun-e (jeunes, femmes, immigrés, LGBTQ…) et par une vraie mixité sociale qui doit être assurée partout sur nos territoires et dans les quartiers. Respecter l’Egalité, c’est respecter toutes ces identités et leur donner toute leur place dans la Cité afin de pouvoir faire société tou-te-s ensemble. Comme l’a souligné notre premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, qu’il faut remercier pour ce moment de respiration démocratique des Etats généraux: «Il est temps de travailler la société française.»
Le Progrès pour tou-te-s est aussi une valeur socialiste indispensable aujourd’hui, alors même que nous sommes en responsabilité et que la droitisation se répand partout dans cette société qui est la nôtre. Comme l’ont brillamment rappelé récemment plusieurs responsables nationaux du parti et du gouvernement, nous revenons aux années 30 et aux heures les plus sombres de notre histoire. Le combat pour le Progrès est la seule façon de lutter contre la zemmourisation des consciences qui conduit tout droit à la lepénisation des esprits.
Cela doit nous rappeler que seule une vraie Diversité, une autre valeur des socialistes, peut permettre de défendre tou-te-s les Français-e-s d’origine étrangère et les Etranger-e-s vivant en France contre la droite et de l’extrême-droite. La Diversité, c’est avant tout la lutte contre toutes les discriminations sur tous les territoires et dans tous nos quartiers. C’est une priorité pour tout gouvernement de gauche car c’est la seule façon d’améliorer le vivre ensemble. D’ailleurs, on voit bien que quand la droite est au pouvoir, elle favorise les discriminations. On voit bien que le racisme et l’islamophobie augmentent puisqu’ils sont encouragés par le pouvoir, comme c’était le cas sous Nicolas Sarkozy.
Ce sont ces trois valeurs, Egalité, Progrès, Diversité, que le combat socialiste d’aujourd’hui pour demain doit incarner. Ce socialisme d’Egalité, de Progrès et de Diversité passe par la reconnaissance à chaque instant de l’identité de chacun-e dans la continuité de l’histoire de l’émancipation du mouvement ouvrier portée par Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès France, François Mitterrand, Lionel Jospin et aujourd’hui François Hollande.
Dans ce but, le PS doit non seulement poursuivre le combat engagé courageusement, contre tous les conservatismes, par la majorité avec le mariage pour tous en autorisant le plus vite possible la PMA et la GPA pour tou-te-s. Comme il doit, demain, reprendre et amplifier l’engagement fort porté par les Jeunes Socialistes en faveur des personnes trans et intersexes. Le PS, très attaché à la liberté individuelle de définir sa propre identité de genre sans subir les contraintes stéréotypées de la société, doit devenir le parti du Progrès au XXIe siècle comme il l’a été tout au long du XXe siècle.
Pour que ces valeurs soient toujours au premier rang de notre action, nous devons soutenir, «en responsabilité» selon l’expression très juste de Bruno Le Roux, le gouvernement socialiste qui les porte et les met en oeuvre.
Mieux faire France pour mieux faire Europe
Face à la crise, le Parti socialiste doit, ainsi que l’a rappelé fort justement notre ancienne première secrétaire Martine Aubry, «redonner du sens». C’est-à-dire remettre les citoyen-ne-s en capacité que ce soit sur les territoires et dans nos quartiers ou au niveau européen.
Le premier défi du sens et du vivre ensemble, c’est bien sûr la laïcité. Comme l’écrit très bien Jean-Louis Bianco à l’occasion de ces Etats généraux: «La République laïque permet la reconnaissance des différences à partir de principes et de valeurs partagés, de telle sorte que les appartenances particulières ne puissent jamais mettre à mal le bien vivre ensemble. Mais son effectivité est à assurer.» C’est bien de cette laïcité moderne, une laïcité du demain plutôt que du hier, dont nous avons besoin, une laïcité qui n’interdit pas aux religions de s’exprimer librement.
Car ce sont d’abord nos compatriotes de confession musulmane qui sont touchés par la discrimination et les appels à la haine de la droite et de l’extrême-droite. C’est à eux que la laïcité doit s’adresser aujourd’hui pour les protéger. S’ils et elles n’étaient pas victimes de cette islamophobie grandissante qui nie les valeurs de notre vivre ensemble, ils seraient moins nombreux-ses à partir faire la guerre en Syrie et en Irak. Il ne faut pas confondre islamisme et islam. Il faut au contraire donner la parole à tou-te-s les musulmans modéré-e-s pour qu’ils nous disent combien ils sont attachés aux mêmes valeurs que nous. Voilà le vrai combat laïque des socialistes.
C’est aussi au nom de cette laïcité moderne et ouverte que nous appelons l’Etat à faire respecter avec vigueur les valeurs de la République par les fanatiques de la «Manif pour tous», qui veulent sans arrêt et avec la violence la plus aveugle empêcher l’égalité pour tou-te-s de se réaliser dans notre pays. Ils salissent la République avec leurs valeurs réactionnaires dignes de celles de Vichy.
Nous devons aussi développer partout sur nos territoires et dans nos quartiers une vraie démocratie participative. C’est aujourd’hui le seul moyen de faire revivre l’espace citoyen et de redonner en particulier à la jeunesse le goût de la politique. On peut citer l’exemple très réussi du budget participatif à Paris, une très bonne piste pour un programme des socialistes en responsabilité nationale. Il devrait être adopté partout.
Mais c’est bien sûr en incluant dans notre démocratie celles et ceux qui y vivent et y travaillent depuis des années que l’on pourra mieux vivre ensemble. Le droit de vote des étrangers est indispensable pour lutter contre les discriminations et améliorer la participation aux élections dans nos quartiers. Les étrangers sont exclus depuis trop longtemps de la possibilité de décider qui dirige nos villes. Comme pour la peine de mort, la gauche doit vite l’adopter maintenant, cela n’a que trop duré. Comme disait René Char: «Il n’y a que deux conduites avec la vie: ou on la rêve ou on l’accomplit.»
Faire confiance à la jeunesse, c’est aussi aller de l’avant en proposant l’abaissement du droit de vote à 15 ans et d’accorder à tou-te-s les jeunes de 15 à 25 ans une «allocation de vie citoyenne» qui permettrait de garantir, au côté de la multiplication des «emplois-jeunes» et d’un vrai droit à l’enseignement supérieur garanti pour tou-te-s, un meilleur avenir au pays.
Sans l’Europe, tout cela sera impossible à transformer en réalité. Les veilles nations, foyers des guerres, de l’esclavage et du colonialisme, n’existent plus heureusement aujourd’hui chez les jeunes Européens qui voyagent et échangent par Erasmus ou les réseaux sociaux. Malheureusement, elles vivent encore trop souvent comme fantasmes dans la tête des populistes et des réactionnaires partout sur le continent, ceux qui refusent de voir la réalité du monde ouvert et plein d’opportunités qui s’offrent à eux. Il faut les combattre tous les jours en se basant sur nos valeurs communes: la paix, la justice, la solidarité et l’ouverture des frontières aux autres peuples.
C’est toutes ces valeurs que nous apporte le formidable élan de la construction européenne depuis plus d’un demi-siècle.
Cette Europe ne doit pas être celle des banquiers et des marchands, de cette «concurrence libre et non faussée» du marché capitaliste et libéral qui détruit nos emplois et nos vies. Elle doit être celle des citoyen-ne-s européen-ne-s. C’est pourquoi nos jeunes en particulier, mais tous les socialistes avec eux, demandent d’aller plus loin dans l’approfondissement de nos valeurs communes.
Voilà quelques pistes, parmi beaucoup d’autres bien sûr, pour ouvrir le débat entre socialistes et avec nos partenaires de toute la gauche.