Qu'a-t-on en France contre les plugs anaux? Contre le sexe érigé dans la ville? A Londres, on trouve bien le 30 St Mary Axe, surnommé le cornichon, mais aussi le cornichon érotique. Et même le phallus de cristal.
Mais à Paris c'est plus compliqué. A la suite d'un débat virulent, d'insultes, et d'une vandalisation de son oeuvre, The Tree, installée place Vendôme dans le cadre de la FIAC, l'artiste Paul McCarthy a finalement renoncé à exposer son oeuvre aux airs de plug anal.
Il a décrété samedi 18 octobre qu'il remballait et renonçait à la réinstaller. Déclaration de la FIAC:
«Devant la violence de certaines réactions, l'artiste s'inquiète de potentiels débordements lors du remontage de l’œuvre» et il ne voulait pas «être mêlé à ce type de confrontation et à la violence physique, ou même continuer à faire prendre des risques à cette œuvre».
Mais Paul! Reviens! A quoi elle sert ton oeuvre si elle ne peut prendre aucun risque? A quoi ça sert de faire de la provocation si tu te défiles dès que ça marche?
Parce que oui, l'arbre de Noël ressemble bien à un plug anal, et non, ce n'est pas un hasard. Paul McCarthy n'en est pas à sa première bravade: en 1974 par exemple, dans une vidéo intitulée Painting, Wall Whip, il recouvrait son corps de ketchup, mayonnaise et excréments. En 2008, il présentait Complex shit: un étron géant gonflable de plus de 15 mètres de haut. Dans les années 2000, l'évolution progressive de son installation Pig Island (2003-2012), avait engendré plusieurs sculptures dont Train, Mechanical: une sculpture mécanique faite de deux jumeaux bedonnant aux traits de George W. Bush sodomisant deux cochons. Une variante était Static (Brown) avec le même George mais sans jumeau.
REUTERS/Jacky Naegelen
Bientôt, à la Monnaie de Paris, on pourra encore voir ceci:
«Au lieu d'engendrer une réflexion profonde autour de l'existence même des objets comme mode d'expression à part entière, notamment dans la pluralité de leur signification, nous avons assisté à de violentes réactions», a regretté Paul McCarthy, dont les propos ont été rapports par l'AFP. Mais la provocation –ou, connotées moins négativement: la transgression, la subversion– engendre forcément des réactions virulentes, c'est la preuve qu'elle agit.
Laisser la place aux extrêmistes
Mais plus encore que pour l'intégrité de son oeuvre, Paul McCarthy aurait dû réinstaller son arbre place Vendôme pour ne pas laisser vaincre le Printemps français, dont est partie la polémique dans la semaine, avec ces tweets:
Un sex toy géant de 24 m de haut va être installé ces jours-ci place Vendôme Contribuables, voilà où vont vos impôts! pic.twitter.com/zl76ar8qE2
— Printemps Français (@nelachonsrien) 15 Octobre 2014
Un plug anal géant de 24 m de haut vient d'être installé place Vendôme ! Place #Vendome défigurée ! Paris humilié ! pic.twitter.com/vv7fzZWC62
— Printemps Français (@nelachonsrien) 16 Octobre 2014
On ignore encore l'identité des destructeurs de l'oeuvre, mais le résultat plaît beaucoup aux extrêmistes catholiques et frontistes qui se cachent derrière le groupe identitaire.
Oups ... Le "sapin" de la place Vendôme a été foudroyé ? pic.twitter.com/ky4U60LiZs
— Printemps Français (@nelachonsrien) 18 Octobre 2014
Ces mouvances extrêmistes se sont déjà mobilisées contre certaines oeuvres d'art qui leur déplaisaient.
En avril 2011 la célèbre photographie Immersion (Piss Christ) de l'américain Andres Serrano, représentant un crucifix immergé dans un flot d’urine, avait été vandalisée par un commando organisé d’ultra-catholiques.
En octobre 2011, la pièce de l'Italien Romeo Castellucci au Théâtre de la Ville Sur le concept du visage du fils de Dieu, avait été interrompue par des extrêmistes qui s'insurgeaient des dernières minutes de la pièce, où un visage géant du Christ semblant souillé par des excréments, était représenté. Des centaines de manifestants, crucifix et chapelets, s'étaient massés devant le théâtre. A l'époque c'était Civitas ou le Renouveau Français qui avaient mobilisé.
En décembre, (2011 fut une année riche), 160 catholiques avaient manifesté face au théâtre du Rond-Point contre la pièce Golgota Picnic de l'Argentin Rodrigo Garcia, autour de la figure du Christ.
En 2013, pendant les municipales, ce sont des frontistes qui se mobilisaient contre l'art contemporain. Rien qui ne concerne spécifiquement la religion: dans un article «un écrin pour de la merde», Jean-Claude Philipot, alors chargé du projet de la liste Reims Bleu Marine attaquait le Frac Champagne-Ardenne et ses «pseudo œuvres d’art (…) dont vous ne voudriez pas dans votre jardin mais devant lesquelles les bobos de la gauche caviar ou plus simplement les snobs s’extasient pour faire ‘moderne’ et se distinguer de ce peuple qu’ils méprisent et qui trouve affreuses ces ‘machins’.»
A le même époque, comme le soulignait alors Les Inrocks, le Frac Lorraine était condamné à verser un euro symbolique de dommages et intérêts à l’Agrif, l’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne, association proche de l'extrême droite, selon Erwan Lecoeur qui a dirigé un Dictionnaire de l'extrême droite et Fiammetta Venner auteure de l'Extrême France.
Depuis, en 2014, la municipalité de Hayange, dirigée par le FN, a même fait repeindre une sculpture d'art contemporain d'Alain Mila dans un couleur qui leur semblait moins «sinistre»...
Paul, tu ne peux pas nous abandonner à ces gens? Tu ne vas pas laisser gagner des gens qui croient que le Festival d'Avignon est décadent, et que la culture se résume à des fêtes johanniques, en souvenir du sacre de Charles VII par Jeanne d’Arc? Reviens avec tes plugs anaux, tes petits pénis et tes étrons. On t'attend.