En apprenant vendredi 17 octobre que Barack Obama avait annoncé la nomination d'un «tsar Ebola», soit une personne chargée de coordonner la détection, l'isolement et le traitement des personnes touchées par le virus aux Etats-Unis, vous vous êtes peut-être dit: «Hein??»
Il est régulier, pour les Etats-Unis de parler de tsar dans ce genre de situation. La dépêche Afp sur le sujet finissait d'ailleurs en expliquant:
«Si la Maison Blanche a choisi le terme de "coordinateur", les médias américains ont retenu celui de "tsar", souvent utilisé aux Etats-Unis pour désigner une personne ayant des pouvoirs étendus dans une période de crise, comme par exemple dans la guerre contre la drogue ou le redressement de l'industrie automobile.»
La régularité n'empêche, la dénomination parait assez stupide. Et le New York Mag s'est penché dessus. Jusqu'en 1917 –date de la révolution bolchévique–, les tsars étaient les leaders autoritaires de Russie. Mais «dès 1919, explique l'article, les Etats-Unis avaient un tsar du baseball, nommé pour nettoyer le jeu après que huit membres des Chicago White Sox avaient été pris à avoir truqué les World Series de cette année-là. Dès 1922, il y avait aussi un tsar des films, du nom de Will Hays —le fameux Hays d'Hollywood qui a donné son nom au tristement célèbre code de censure Hays— qui se mit à nettoyer les choses dans un autre genre».
En 1928, une affaire secoua l'industrie du lait à New Yor, à la suite de laquelle une personne indépendante fut chargée de surveiller le secteur. Le New York Times publia l'histoire sous le titre «Les vendeurs de lait de la ville vont nommer un "tsar"» et évoquait aussi dans l'article un «dictateur du lait»...
«Il reste étonnant qu'un mot [comme tsar], évoquant à ce point l'autoritarisme, trouve dans la politique américaine un accueil si chaleureux. Parmi tous ceux auxquels je pourrais penser, aucun ne marche. Dictateur est exclu comme on pouvait le voir dans l'article du NYT. Vous pouvez vous en sortir une fois ou deux avec un dictateur du lait; ça a l'air d'une blague, comme un Nazi de la soupe. Mais un dictateur des armes de destruction massives: on aurait l'impression de parler de Saddam Hussein».
L'article énumère une série de tsars plus absurdes les uns que les autres (mais pas plus absurde que le tsar Ebola) et conclut que c'est notamment la faute de la presse si l'expression est restée: c'est un mot court et pratique.