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Hong Kong: sous les parapluies, le code

Temps de lecture : 3 min

Cartographie participative et livestream au service des manifestations: le mouvement prodémocrate a ses «codeurs civiques», de plus en plus nombreux.

Des messages de soutien aux manifestants pro-démocratie à Hong Kong, le 12 octobre 2014. REUTERS/Bobby Yip
Des messages de soutien aux manifestants pro-démocratie à Hong Kong, le 12 octobre 2014. REUTERS/Bobby Yip

Où trouver, quand on manifeste à Hong Kong, de l'eau, des vivres, des centres de premiers secours ou tout simplement des informations? Alors que le mouvement prodémocrate, qui a retrouvé de la vigueur le week-end dernier, est de nouveau confronté aux violences policières, ces questions se posent toujours aux acteurs du «mouvement des parapluies».

Les réponses se trouvent, entre autres, sur today.code4.hk, une application web et mobile qui s'appuie sur le crowdsourcing –en bon français, la «production participative». L'appli propose la diffusion de chaînes de télévision locales couvrant les événements, des cartes, une timeline interactive, mais aussi une liste d'outils de communication conseillés aux manifestants, et des consignes de base pour «désobéissants civils».

«Je crois que Hong Kong est malade»

Vincent Lau Chun-yin est un développeur hongkongais de 25 ans. Quand il ne travaille pas pour une start-up locale spécialisée dans les plateformes de traduction, il anime Code4HK («code pour Hong Kong»), la communauté de «codeurs civiques» qu'il a lancée en décembre 2013:

«Comme beaucoup de gens de ma génération, je crois que Hong Kong est malade, et je veux apporter des solutions. Comme “geek”, je veux associer mes compétences et ma passion. Je me suis aussi rendu compte que l'industrie technologique à Hong Kong a une grande marge d'amélioration, et j'ai créé Code4HK pour que les gens qui pensent comme moi puissent travailler ensemble.»

L'idée lui est surtout venue, dit-il, de Code For America, l'incubateur californien qui travaille sur l'accessibilité numérique des services publics et les données ouvertes. Il cite la conférence TED donnée en février 2012 par la fondatrice, Jennifer Pahlka: «Coding a better government».

Dans le contexte de Hong Kong, les notions de transparence, de gouvernance ouverte et d'empowerment prennent évidemment un relief particulier.

Les premiers projets de Code4HK s'orientent vers les politiques publiques –tel budget.code4.hk, conçu pour permettre au citoyen de calculer l'impact de la politique budgétaire sur son niveau de vie. La marche prodémocrate du 1er juillet, au lendemain du référendum officieux organisé par Occupy Central, leur permet de tester un premier portail d'information, en lien avec les militants de Resistance Live, qui filment la manifestation.

L'application s'appuie sur Hackfoldr, un programme créé par des codeurs taïwanais, qui permet le partage et la visualisation de documents. Conçu au départ pour améliorer le partage d'informations lors des «hackathons» –des événements de programmation informatique collaborative–, Hackfoldr a trouvé une utilisation plus grand public en mars dernier lors du «mouvement des tournesols», déclenché par les étudiants de Taipei pour protester contre un accord de libre-échange négocié en secret avec la Chine.

En ligne comme dans la rue, les points de convergence entre ces deux foyers de résistance à Pékin sont nombreux, estime Vincent Lau:

«Nous utilisons beaucoup de logiciels développés à Taïwan, et ils contribuent aussi à certains de nos outils. Nous travaillons étroitement avec eux, parce que nous avons le même genre de problèmes, et aussi parce que nous avons les mêmes besoins de traductions en chinois traditionnel.»

Des manifestations à la défense de l'environnement

Dans son travail de «hacking citoyen», Code4HK a bénéficié d'une «publicité» inattendue avec la mise en circulation, le 16 septembre, d'une application pour smartphones censée favoriser la coordination d'Occupy Central. Faussement signée de la communauté de codeurs, elle contenait en fait un logiciel espion. Le lien pour la télécharger avait été envoyé à des militants via WhatsApp. Sa provenance reste inconnue à ce jour.

La mésaventure, par l'exposition médiatique qu'elle a entraînée, n'est peut-être pas pour rien dans le succès de l'initiative. Code4HK compte aujourd'hui 900 membres, dont une soixantaine participent activement à des hackathons réguliers. Un noyau dur d'une dizaine de personnes assure l'organisation. Le portail today.code4.hk mobilise l'essentiel des énergies, mais d'autres idées sont dans l'air, comme un «Groupon pour zone occupée, pour soutenir les marques locales et les magasins indépendants».

La communauté travaille avec d'autres groupes de développeurs, comme Codeaholics ou Open Data Hong Kong, et renforce également les liens avec les ONG. Pour Vincent Lau, le «mouvement des parapluies» est une étape fondatrice dans la réappropriation citoyenne:

«Pendant ce mouvement, on a vu beaucoup de gens nous rejoindre. Je crois que ce qui se passe donne envie à pas mal de gens de participer à changer leur ville. Nous avons des projets à plus long terme, par exemple pour aider des ONG et des groupes de défense de l'environnement, et il y a certainement plus de soutien et d'attention à notre travail.»

Déjà évoqués çà et là en ligne: une cartographie des zones de pollution, un observatoire du plan de développement des Nouveaux Territoires du Nord-Est, voire une application participative de fact-checking des déclarations des politiques, sur le modèle du PolitiFact américain.

Nul ne sait combien de temps les parapluies occuperont les rues de Hong Kong, mais il est certain que le code ouvert et citoyen n'a pas fini de s'y déployer.

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