Non, il ne s'agit pas d'une épiphanie. Ni d'une blague, même mauvaise.
Quand Eric Schmidt, aujourd'hui à la tête du conseil d'administration de Google, s'est ému ce mercredi 8 octobre que la surveillance opérée par les espions américains s'apprête à «casser Internet», comme le rapporte Business Insider, il ne pensait pas vraiment à nous autres, internautes. Et au sort de nos mails, documents de travail, photos intimes et messages que nous stockons sur les serveurs des géants du web et que la NSA consulte sans trop de problème, comme l'a révélé en juin 2013 Edward Snowden.
Non, ce qui inquiète Eric Schmidt, et les autres pointures du secteur numérique réunis ce 8 octobre autour d'une table ronde organisée par le sénateur américain Ron Wyden (un extrait à voir sur National Journal), c'est la conséquence de tout ça sur leur business. Comme le résume parfaitement Brad Smith, qui conseille Microsoft:
«De la même façon que les gens ne placeront pas leur argent dans une banque en qui ils n'ont pas confiance, ils n'utiliseront pas un Internet en qui ils n'ont pas confiance.»
Les géants du web s'inquiètent particulièrement des retombées sur les politiques adoptées par les autres pays en matière de numérique, en réponse aux révélations Snowden.
Comme l'a précisé le sénateur Wyden en introduction de la table ronde, repris par le site Cnet, si les Américains pouvaient s'attendre à devoir faire face à des «personnes stupéfaites et énervées» en découvrant que les Etats-Unis espionnent massivement et systématiquement Internet, ils ne s'attendaient pas pour autant à «un retour de flammes au niveau international».
En particulier, la volonté d'exiger de Google, Facebook, Microsoft et compagnie de stocker les données des utilisateurs dans les pays où ils résident.
«Schmidt et Smith avertissent que le coût de la construction de data centers dans chaque pays avec lequel une entreprise du numérique veut faire du business pourrait finir par détruire les compagnies américaines du secteur», rapporte Cnet.
Cnet rappelle par exemple l'initiative de Dilma Roussef, la présidente du Brésil, qui militait il y a quelques mois pour le stockage des données de sa population sur son territoire, ainsi que celle d'Angela Merkel, qui réclamait en février dernier «un réseau de communication à l'intérieur de l'Europe».
Une déclaration d'autant plus commentée que personne ne parvenait alors à vraiment comprendre où voulait en venir la chancelière allemande.
A l'époque, nous nous interrogions: voulait-elle quelque chose qui existe déjà? Racontait-elle n'importe quoi? Ou pire, voulait-elle un Internet à la chinoise? Plus probablement, sans doute profitait-elle de la tendance actuelle prônant une «souveraineté numérique» pour plaider en faveur d'un rapprochement industriel entre les industries du numérique et des télécommunications française et allemande. Une manière de se renforcer face aux géants américains, et de grignoter un bout de leurs profits.
De quoi intensifier les inquiétudes de ces derniers. Tout comme leurs opérations de lobbying. En conclusion de la table ronde du 8 octobre, le sénateur appelait ainsi les parlementaires américains à préserver l'économie numérique, rapporte Cnet, en «adoptant une bonne loi bipartisane d'ici la fin de l'année».