L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) vient de publier un bilan de son dispositif national de «Nutrivigilance». A la suite du constat de l’évolution très rapide de l’offre alimentaire (compléments alimentaires en pagaille, aliments enrichis ou destinés à un groupe particulier, nouveaux aliments ou novel food...), en parallèle à une diversification des circuits de distribution, l’Agence a été chargée en 2010 de cette vaste mission: identifier les éventuels effets indésirables des nouveautés englouties par les consommateurs français. Le système fonctionne avec les médecins, qui font des signalements quand ils observent des choses pas normales, potentiellement liées à ce genre de prises alimentaires: plus de 1.500 cas ont été enregistrés jusqu’à présent.
Les compléments alimentaires (un marché en pleine expansion, avec 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2013…) et les vitamines et minéraux sous forme médicamenteuse constituent 76% des cas déclarés.
Ce sont des «denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés […]». Ces petites pastilles promettent de merveilleux résultats divers et variés: être en meilleure forme, avoir des cheveux plus beaux, renforcer ses défenses immunitaires, préparer la peau au soleil, mieux dormir…Un adulte sur cinq en consomme en France, dont 23% toute l’année ou presque, avec des motivations comme «lutter contre la fatigue», «résoudre des problèmes de santé particuliers» ou encore «rester en bonne santé ou lutter contres les maladies».
Plus d’un tiers des «plaintes» compilées ces dernières années à propos de ces comprimés concernent les compléments minceur, capillaires et hypocholestérolémiants. Et les effets indésirables sont surtout hépatiques, digestifs et allergiques.
Alors à quoi servent ces constats? A approfondir le sujet à partir de cas précis, et à publier ensuite des avis, recommandations et mises en garde, comme cela a été fait sur les compléments alimentaires à base de levure de riz rouge ou les compléments censés aider à maigrir contenant de la p-synéphrine, un élément présent dans l’écorce d’orange amère. Des autosaisines de l'ANSES sont en cours, par exemple sur les vitamines et minéraux sous forme de compléments pendant la grossesse, ou sur certains compléments pour les sportifs.
L'Agence de sécurité sanitaire souligne que les déficits et les carences en nutriments nécessitant un vrai apport supplémentaire sont très rares, et que par conséquent:
«Les compléments alimentaires ne sont pas anodins. Leur consommation ne doit pas se substituer à une alimentation équilibrée et diversifiée et devrait être assortie d’un conseil personnalisé auprès d’un professionnel de santé. Par ailleurs, [l'agence] recommande de respecter les consignes présentes sur l’étiquetage et d’être très vigilant vis-à-vis des produits mis en avant pour des propriétés “miracles” ou encore vendus en dehors des circuits traditionnels, notamment par Internet.»
En 2013, la revue Annals of Intern Medicine publiait déjà une étude montrant l'absence de bénéfices apportés par les compléments alimentaires, qui étaient donc une dépense inutile, voire dans certains cas dangereuse. Le British Journal of Nutrition arrivait exactement aux mêmes conclusions: la prise de certains compléments pourrait «représenter un risque accru vis-à-vis de certaines pathologies».