France

Faits divers: histoires de radars

Temps de lecture : 4 min

Un mystérieux pyromane gagne la sympathie des habitants d'un village du Sud-ouest en incendiant à six reprises un radar. Pas très loin, un autre décide de fabriquer un faux pour effrayer les chauffards.

Avec ses vignes bucoliques et ses jolis hameaux de maisons aux tuiles rouges, le coin est magnifique ; la route, elle, est tendue et fine comme un fil à couper le fromage. De Gaillac, sur les rives du Tarn (81), nous avons pris une D964 toute droite, récemment refaite, en direction de Graulhet, quittant le grondement de la A62 qui amène en quelques dizaines de minutes les locaux jusqu'à leur lieu de travail, à Toulouse ou à Albi.

Une première limitation à 70 km/h lors de la traversée d'un hameau, puis de nouveau les 90 km/h réglementaires. Et comme les riverains avaient tendance à avoir le pied un peu trop lourd sur le bitume tout neuf, la préfecture du Tarn a installé le 18 avril 2008 un radar flambant neuf, juste avant l'embranchement pour Técou. Un bourg de quelque 900 habitants qui depuis cette date est devenu tristement célèbre, au grand désespoir de son maire, Jean-François Baules. Car depuis, ce radar a été vandalisé pas moins de six fois sans que les gendarmes locaux ne puissent mettre la main au collet du mystérieux assaillant. Selon la préfecture d'Albi la facture de ces dégradations s'élève à exactement 161 000 euros.

«Avec ce radar, nous avons battu le record national, détenu jusqu'à présent par une commune quelque part en Bretagne. Désormais, nous sommes les meilleurs!», se gondole-t-on sur le zinc de la cave coopérative de Técou. Clients et viticulteurs se remémorent, entre deux rasades de vin du vignoble gaillacois, les principaux épisodes de cette histoire qu'ils jugent digne du «livre des records de Guinness».

Sorte de légende des temps modernes, elle est, en tout cas, en passe de rentrer dans le folklore local. Il y a eu cette première attaque, à peine quelques jours après l'installation et avant même que le radar soit mis en fonctionnement, suivie de quatre autres; la vaine course poursuite avec les gendarmes une nuit d'octobre 2008 lorsque ces derniers ont surpris un homme en flagrant délit; sa réponse, le lendemain, lorsque trois autres radars de la région ont été vandalisés; le mode opératoire: toujours par incendie, en utilisant de vieux pneus et des bouteilles d'essence. Et enfin, le mystère concernant l'identité et les motivations du pyromane - s'agit-il d'un «local» ou d'un étranger? d'un paysan ou d'un urbain? Emanation d'un mouvement, tel la fantasque Fraction nationaliste antiradar (Fnar) qui avait fait parler d'elle en 2008, ou juste un automobiliste furieux de s'être fait flashé par le radar?

Quel qu'il soit, ce mystérieux incendiaire qui nargue les gendarmes et défie l'autorité de l'Etat bénéficie de la sympathie de gens du coin qui ont du mal à réprimer un petit sourire en coin chaque fois qu'ils parlent de cette affaire. L'évocation du radar honni enveloppé dans un sac poubelle noir les plonge dans une franche hilarité. La gendarmerie de Gaillac a pourtant pris cette affaire très au sérieux, constituant même une cellule d'investigation ad hoc composée de quatre militaires pour remonter la piste de l'incendiaire insaisissable, raconte la Dépêche du Midi. Il y a bien eu quelques suspects, des interpellations même, mais globalement, l'enquête a été un fiasco.

«Les gendarmes n'ont pas fait très fort», disent les habitants, conscients de l'euphémisme. En fait, ce Robin des bois local s'est moqué des autorités. Pour beaucoup, il a ainsi tenté de réparer une  injustice: installer un radar sur une route bien droite! Faute d'avancées dans l'enquête, la justice a fini par fermer fin janvier l'information ouverte suite à la commission rogatoire délivrée en octobre 2008 pour «destruction par incendie». Quelques jours auparavant, le 22 janvier, l'incendiaire avait frappé une sixième fois, obligeant les pouvoirs publics à imaginer une solution technique faute de pouvoir l'interpeller. Le 25 juin, un nouveau radar a été installé sur le bord de la départementale, perché cette fois-ci sur une sorte de mât le mettant, théoriquement, à l'abri des flammes. «Il suffit pourtant de faire cramer les fils à la base», dit-on d'un air entendu dans les hameau au bord de la départementale...

«Nous sommes peut-être les meilleurs, mais aussi pour ce qui concerne le nombre de morts sur les routes», tempère un autre habitant de la région qui rappelle que six personnes ont été tuées sur cette route entre 2001 et 2006. Depuis le début de cette année, les statistiques placent également le Tarn en pole position dans cette statistique macabre. Il y a ces retours meurtriers de discothèque au petit matin, certes, mais plus généralement un problème généralisé de vitesse excessive sur ces petites routes souvent vides.

A quelques dizaines de kilomètres de là, à Pibrac, près de Toulouse, cette réalité-là a produit un étrange retournement de situation. Un riverain, Régis Friaud a, lui, installé un faux radar en bas de chez lui. Parce qu'il en  «avait marre» de voir les automobilistes rouler beaucoup trop vite dans la rue qui traverse sa commune, mettant ainsi en danger les piétons, notamment les enfants. L'engin fabriqué de ces propres mains (il est décorateur) porte l'inscription: «Sculpture citoyenne destinée à sauver la vie de nos enfants ».

Dans La Dépêche du Midi, Régis s'explique: «Les voitures roulent à vive allure dans cette rue de la Gare et il nous est souvent difficile de traverser sans risque. C'est à mon initiative que cette sculpture a été placée, ce qui j'espère oblige les automobilistes à ralentir dans cette rue très dangereuse». Et ça marche.  A la vue du faux radar, les chauffards lèvent le pied et les autorités locales se sont engagés à examiner la situation dans les plus brefs délais. En attendant, Régis risque quand même une amende de 90 euros pour avoir posé ce faux radar. Ce qui est exactement la somme que devrait débourser un automobiliste roulant à un peu plus de 90 km/h sur la route de Técou. A condition que le serial killer de radar local ne récidive pas.

Alexandre Lévy

Image de Une: Flickr

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