L’armée américaine bombarde bel et bien les positions de l'organisation Etat islamique (Daech) en Syrie et en Irak depuis le mois d'août, mais les hauts gradés américains ont un gros problème de com: l’opération militaire n’a toujours pas de nom de scène.
Pas de «Desert Storm» («Tempête du désert») comme en Irak en 1991, d’«Operation Enduring Freedom» («Liberté immuable») comme en Afghanistan en 2001, d’«Operation Iraqi Freedom» («Libération de l’Irak») comme en Irak à partir de 2003, avant que l’opération ne soit rebaptisée «Operation New Dawn» («Nouvelle aurore») en 2010.
Ils ont bien proposé «Inherent Resolve» («Résolution intrinsèque»??), mais l’option a été rejetée: pas assez inspirant. En conséquence, les documents Powerpoint du Pentagone ont pour titre «Opération en Irak et en Syrie», explique le Wall Street Journal.
Officiellement, ce n’est pas un enjeu, et le commandement militaire se refuse à commenter cette absence de nom. Mais pour le quotidien américain, cette absence est bien le signe d’un malaise de l’administration Obama, qui serait allée à la guerre à reculons: elle ne veut pas avoir l’air d’être trop impliquée dans cette opération, et refuserait de ce fait de la nommer…
La France est depuis le 19 septembre engagée dans la coalition avec des frappes aériennes en Irak –mais pas en Syrie. Son opération a été baptisée «Chammal», du nom d’un vent qui souffle dans le Golfe persique, ce qui correspond à la tradition militaire française. Comme l’a expliqué Grégoire Fleurot sur Slate, la philosophie française est très éloignée de celle des Américains en la matière. Pour le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), qui dépend de l'Etat-major des armées, et qui est en charge de décider des noms donnés aux opérations, la règle de neutralité implique de ne véhiculer aucune symbolique significative, pour montrer qu'il s'agit bien d'une planification militaire réfléchie et non d'une guerre idéologique.
Pamir (chaîne de hautes montagnes afghane) en Afghanistan, Epervier au Tchad, Harmattan (vent chaud d'Afrique de l'ouest) en Libye, Serval («petit félin du désert») au Mali, etc.: les noms donnés aux opérations françaises se veulent évocateurs de la zone de conflit plutôt que véhicules d’une cause.