Dans les vitrines, dans les fenêtres du métro, dans les miroirs: nous passons notre temps à nous scruter, nous regarder, si ce n'est nous chouchouter à grandes louches de crèmes, de sapes et de bijoux –hommes comme femmes, ne rentrons pas dans cette distinction vaine. Et pourtant, si le réflexe est partagé, veiller à son apparence est mal vu, interprété comme du narcissisme.
Paradoxe curieux pointé dès les premières secondes de la vidéo de présentation de «Original Ideal», un projet à mi-chemin entre science et esthétique, qui s'arrête précisément sur notre propension à nous juger et nous jauger en permanence.
Le principe, pensé par le photographe Scott Chasserot, est simple. Il s'agit de présenter le même cliché retouché de 50 manières différentes, «selon des canons de beauté établis scientifiquement» précise la vidéo, à des hommes, des femmes, des enfants, des noirs, des blancs, des asiatiques, des minces et des gros, à qui l'on a préalablement tiré le portrait. Pour mesurer, grâce à un casque cérébral, les réactions de ces individus face à leur visage retouché.
Ainsi, il est possible de savoir quelle modification plaît le plus à la personne visée, le tout de façon spontanée, sans avoir à passer par le biais de la parole. «L'image "idéale" est simplement celle qui obtient la réaction la plus positive immédiatement après présentation [...]», explique ainsi Scott Chasserot au blog de The Creators Project, de Vice.
Résultat: les yeux sont souvent plus grands, passent au bleu ou au vert; les visages sont affinés, les bouches grossies, les nez rectilignes.
Bien sûr, ce travail n'a aucune valeur scientifique: le panel est très restreint et l'objectif n'est de toute façon pas là. Mais il rappelle que certains critères dominent notre jugement en matière de beauté.
Néanmoins, cette discrimination n'est probablement valable que dans un certain contexte, avec certains individus. Ainsi, une étude que nous relayions il y a quelques jours, indiquait que les canons de beauté humains, notamment définis comme tels par certaines branches de la psychologie (des hommes aux traits masculins plus marqués et inversement), n'entraînaient pas la même adhésion au Canada, en Chine ou dans des régions rurales de la Russie ou de Namibie.
Selon ces chercheurs, «les traits les plus marqués et plus identifiables» rencontraient un plus large succès dans les sociétés plus denses. Peut-être aussi du fait, ajoutions-nous alors, «de standards culturels de beauté et d’attractivité physique hégémoniques valorisés par les industries culturelles occidentales».